Il ne peut cependant y avoir de pire déception que de voir une dictature s’implanter en lieu et place de celle qui vient d’être chassée au prix d’énormes sacrifices.
Le Printemps arabe s’est fait, à juste raison, porteur d’espoir sauf que l’on craint fort de voir le rêve se transformer en cauchemar ou que ledit printemps ne soit en fin de compte qu’un triste automne ou un hiver ravageur.
En Syrie comme au Yémen, on continue de déplorer des morts et des blessés par dizaines, tous des militants assoiffés de liberté et aspirant à une société où l’on est citoyen à part entière, jouissant de tous ses droits comme c’est le cas dans toute société où les valeurs universelles ne peuvent être sujettes à quelque interprétation allant dans le sens des intérêts d’un groupuscule, d’une secte ou d’une idéologie particulière.
On ne peut ne pas être de tout cœur avec les peuples syrien et yéménite, mais on ne peut pas, non plus, ne pas nourrir quelques appréhensions de voir la Syrie et le Yémen connaître des lendemains aussi troubles que ceux que vivent aujourd’hui Egyptiens et Tunisiens.
Ce n’est sûrement pas à une Egypte où l’on incendie des églises et où l’on opprime sans ménagement les manifestants qu’un Copte égyptien aspirait. Comme d’ailleurs c’est le cas pour tout Egyptien sensé et normalement constitué qui, s’il s’est donné tant de mal pour se débarrasser de Moubarek, ce n’est certainement pas pour se voir imposé la façon de s’habiller, la chanson à écouter ou le film à regarder.
Les apprentis sorciers du côté de la jolie petite Tunisie risquent d’être pires. Un petit film d’animation a vite fait de les sortir de leurs gonds. En signe de protestation, ils n’ont rien trouvé de mieux que de chercher à incendier « Nesma », la chaîne « coupable ». Si c’est cela la liberté ! Si c’est cela le Printemps arabe ! La quasi-totalité de ces manifestants en furie ne se seraient pas donné la peine de voir « Persepolis », le film accusé à tort d’user de quelque représentation de Dieu. Ils n’en avaient peut-être pas besoin pour accomplir leur forfait. Et dire que dans un pays comme dans l’autre, tout cela se passe à la veille d’élections que l’on veut démocratiques.
Que les extrémistes de tout bord sachent que la démocratie est un tout à prendre ou à laisser. On ne la confectionne pas selon ses intérêts, ses croyances ou ses humeurs.