En Nouvelle-Zélande, un banquet gastronomique mitonné par des détenus


AFP
Samedi 7 Septembre 2013

En Nouvelle-Zélande, un banquet gastronomique mitonné par des détenus
Le crâne rasé et les bras couverts de tatouages, Pete fouette avec précision un jus de cassis. Ce détenu néo-zélandais se forme à la cuisine et a préparé avec d'autres prisonniers un banquet cinq étoiles pour un public de gourmets.
Dans la prison de Rimutaka, près de Wellington, ils sont une trentaine tous les ans à apprendre le métier de cuisinier, obtenant une qualification qui leur permettra de trouver un emploi dans les restaurants de la capitale.
Cette année, pour la première fois, les autorités pénitentiaires ont décidé de montrer au public ce dont étaient capables les taulards. Pour cela, elles ont enrôlé Martin Bosley, un chef dont le restaurant fait partie des grandes tables néo-zélandaises.
Sa mission: former à la grande cuisine six détenus, en neuf mois. Le résultat: "Du pénitentier à l'assiette", un dîner gastronomique servi deux soirs de suite, début août, dans la cour de la prison à 140 clients payants.
"C'est la chose la plus extraordinaire que j'ai accomplie en trente ans. Un vrai défi", déclare Martin Bosley.
Il a d'abord fait la moue en songeant qu'il lui faudrait quitter les cuisines de son restaurant à succès pour la grisaille de la prison, lors des sessions hebdomadaires.
"Je n'étais pas très intéressé. Et j'avais des vues très tranchées sur le crime et les sanctions, sur le fait qu'il faut payer ses dettes à la société. Je ne voulais pas avoir quoi que ce soit à faire avec (les détenus)", avoue-t-il. "Et puis le projet m'a intrigué. Je me suis dit que ces gars allaient sortir un jour. Que feraient-ils à l'extérieur?"
On ne demande pas à un détenu ce qui l'a amené en prison, mais le chef pensait que ses six apprentis n'avaient pas commis de crimes très graves car Rimutaka n'est pas une prison de haute sécurité.
Il a vite compris qu'il s'était trompé: la plupart de ses élèves ont passé plusieurs années dans les établissements réservés aux peines les plus longues, avant d'être transférés à Rimutaka, pour bonne conduite.
"J'ai commencé à me poser des questions sur ce en quoi je croyais avant de connaître ces gars, de travailler avec eux et de les apprécier", ajoute le chef, qui décrit les tiraillements de ses pensées. "On garde toujours dans un coin de la tête la pensée qu'il y a eu des victimes" à cause de ces hommes.
"Il y a des jours où en sortant (du pénitencier), je restais assis dans le parking pendant une demi-heure, je me sentais terriblement triste, déprimé, je me disais +quel endroit affreux+. Et puis d'autres fois, je sortais et je pensais +c'est dingue comme on arrive à changer les choses!+".
Au fur et à mesure des sessions hebdomadaires, Martin Bosley, dont la participation à ce projet était bénévole, a vu les spécialités de chacun se dessiner.
Marko, incapable de préparer un sandwich en 2004, lorsqu'il a été condamné, a eu le coup de coeur pour la pâtisserie. "Je veux confectionner des gâteaux de mariage", dit-il à l'AFP.
Brownie s'est avéré être un boucher doué et précis, manipulant les couteaux avec autant d'habileté qu'un chirurgien jongle avec les bistouris. Wolf, responsable des plats végétariens pour le banquet, a peu à peu mis au point une roulade Wellington accompagnée de lentilles du Puy et de mousse au fromage de chèvre. "Chaque fois que ça ne marchait pas, j'apprenais en fait quelque chose", déclare le détenu. "J'ai trouvé ça formidable".
Pete, qui comme ses collègues a accepté d'être cité sous couvert d'un surnom, s'extasie sur la magie du poisson. "Vous pouvez obtenir au moins cinq plats et cinq saveurs différentes à partir d'un seul poisson", s'émerveille-t-il. "Jusqu'alors je pensais même que les poissons avaient tous le même goût. J'ai énormément appris".


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