Dans un bâtiment sans fenêtre empestant l’urine à Boten, dans le nord du Laos, une quinzaine de cages en métal sont alignées à près d’un mètre du sol. Dans chacune, un ours qui peut à peine se retourner sur lui-même. Encore moins se mettre debout. “Si les cages étaient plus grandes, ce serait dangereux pour les gens qui s’occupent d’eux”, se justifie le propriétaire chinois de cette “ferme” qui compte surtout des ours noirs d’Asie, reconnaissables à leur collier blanc.
Dans la cour, quatre oursons de quelques semaines, achetés 750 dollars chacun à des trafiquants, subiront bientôt le même sort que leurs aînés. “Une fois par jour, on prend la bile d’un des ours avec une aiguille”, explique le propriétaire, qui se fait appeler M. Se et refuse toute photo de ses pensionnaires.
Mais dans d’autres “élevages” du même genre, les ours vivent avec un cathéter ou un trou dans l’abdomen pour l’extraction du liquide, selon des défenseurs des animaux qui qualifient ces pratiques de “torture”.
Leurs conditions de vie “sont épouvantables avec des douleurs intolérables et des souffrances psychologiques”, dénonce ainsi Jude Osborne, qui dirige au Laos, près de Louang Prabang, un refuge créé en 2003 par l’association australienne Free the Bears Fund. Conséquence, leur espérance de vie est réduite en moyenne à dix ans, note Louis Ng, directeur de l’association ACRES (Animal concerns research and education society), à Singapour, alors que ces plantigrades peuvent vivre au moins 25 ans. Selon un rapport de l’ONG Traffic publié mercredi, au moins 12.000 ours vivraient en Asie dans ces établissements.
La plupart sont des ours noirs d’Asie, espèce protégée dont la population mondiale est estimée entre 25.000 et 100.000 individus et dont le commerce international est interdit.
Mais la Chine, qui “semble être le premier producteur” de bile avec 6 à 30 tonnes par an selon les estimations, exporte ces produits, légaux sur son territoire, dans de nombreux pays d’Asie, assure Traffic, qui lutte contre le commerce illégal des animaux sauvages.
Liquide ou en poudre, en pilules ou en paillettes, la bile est utilisée pour soigner toutes sortes de maux, du mal de gorge à l’épilepsie, en passant par les hémorroïdes ou les entorses.
Et sa production est aujourd’hui tellement importante que les “surplus” sont utilisés pour des produits “comme le dentifrice, les bonbons, le shampoing”, regrette Kaitlyn Foley, de Traffic.
Le Laos, avec 100 à 200 ours selon les chiffres d’associations de défense des animaux, ne rivalise pas avec la Chine, le Vietnam ou la Corée du Sud. Mais le pays communiste pourrait devenir une nouvelle terre d’accueil pour les “fermes” de plus en plus sous pression dans certains pays.