Elles sont encore marginalisées en Afrique : Des femmes en quête de parité


Hassan Bentaleb
Jeudi 10 Mars 2011

«La participation des femmes à la prise des décisions politiques en Afrique fait encore défaut. Les femmes en politique sont encore marginalisées et reléguées à des postes subalternes et leur leadership n’est pas considéré au même titre que celui des hommes. Il semble que la vie politique en Afrique reste encore largement organisée selon des normes et des valeurs masculines et que la tradition patriarcale domine la culture politique de ces sociétés ». C’est ce qui ressort des travaux de l’atelier de la représentativité politique des femmes, organisé dans le cadre du 1er Forum des femmes élues locales, tenu du 8 au 11 mars à Tanger.
Pour les participantes, cette situation d’exclusion s’explique par le faible taux d’intégration des femmes au sein des partis politiques et la déficience de leur niveau d’instruction politique et leur méconnaissance des lois.
A ces facteurs s’ajoutent également le manque de confiance en leurs capacités intellectuelles et de gestionnaires ainsi que le faible soutien des hommes politiques.
Pour s’en sortir, plusieurs modalités sont mises en œuvre pour améliorer la présence des femmes dans la vie politique. A ce propos,  les intervenantes se sont focalisées sur le modèle du quota constitutionnel, appliqué dans certains pays, notamment le Rwanda, le Burkina Faso et l’Ouganda et qui  a exigé des dispositions constitutionnelles réservant aux femmes des sièges au Parlement national. Elles ont également exposé le modèle du quota au titre de la loi électorale, comme c’est le cas du Sénégal ou du Soudan, et enfin, le quota au niveau des partis politiques, qui adoptent des règles internes prévoyant un certain pourcentage de femmes candidates en situation d’éligibilité. C’est le cas des partis au pouvoir en Afrique du Sud et au Mozambique mais au Maroc, le quota  a été le résultat d’un consensus entre les partis politiques.
Pourtant, le système des quotas peut s’avérer, selon les femmes participant à cet atelier,  une arme à double tranchant, du fait que les partis peuvent être tentés de faire du remplissage, de pratiquer le clientélisme, de présenter des femmes dans des circonscriptions perçues comme sans importance ou dans des rangs non éligibles sur les listes électorales. Certaines ont évoqué aussi le risque de dévaloriser voire de discréditer le travail politique de la femme.
Quoi qu’il en soit, les femmes ont estimé  que le quota reste une solution qui a fait ses preuves. Pour preuve, l’Afrique du Sud et le Mozambique où les femmes détiennent 30% des sièges au Parlement et le Rwanda où la parité entre hommes et femmes est garantie par les principales institutions politiques du pays. «  Mais on a encore du chemin à faire et du travail à exécuter pour que la place et le leadership féminin soient plus affirmés », a précisé  Abiba Dafia, présidente de cet atelier avant de conclure qu’il faut multiplier les actions et  ne pas lâcher prise.

Témoignages

Ouedraogo Saba N.Hélène, maire.

« Je pense que le Burkina Faso est sur la bonne voie au niveau de l’implication des femmes dans la sphère politique. D’ailleurs, lors des dernières élections communales, sur 351 communes, nous avons eu 23 maires femmes. Cela peut paraître insignifiant, mais comparativement à des Etats africains de l’Ouest, le Burkina Faso se positionne comme le pays qui a enregistré le taux le plus élevé des femmes élues locales.
Cette évolution est due à la volonté du gouvernement et à la forte implication du président dans ce processus d’intégration de la femme dans la gestion de la chose publique. Il y a également le rôle important de certains politiques ou des acteurs de la société civile qui nous soutiennent et comprennent les enjeux d’une implication féminine dans le développement. A noter que les femmes constituent près de 52% de la population du pays.
Concernant mon expérience comme maire, je crois que mon métier n’est pas de tout repos puisque je suis obligée de faire un double travail pour prouver que je suis apte à ce poste au même titre qu’un homme ».

Batale Véronique, assistante à l’Union des communes du Togo (UCT)

« Au Togo, il n’est pas donné à toutes les femmes d’accéder au champ politique. Elles sont  carrément reléguées au deuxième rang au niveau de la participation  politique et dans la prise de décision. Pourtant, elles sont très  nombreuses au niveau du tissu associatif et des partis politiques. Actuellement on a huit femmes parlementaires et aucune au niveau local ou à la mairie.
A qui la faute ? Au régime qui dure depuis une quarantaine d’années et qui bloque toute tentative de changement. Il faut attendre 2005 pour que la question de la participation féminine devienne de plus en plus  pressante, à tel point que c’est la première fois qu’un parti politique a choisi une femme comme candidate aux élections présidentielles. Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a ni quota ni programme pour faciliter l’insertion de la femme dans la sphère politique.
Pour changer cette situation, il faut plus de lutte de la part des femmes, plus d’éducation et d’alphabétisation. A titre d’exemple, le nombre de filles qui réussissent à intégrer l’université est infime ».

Filomena Delgado, parlementaire et présidente de l’assemblée municipale Praia

« Au Cap-Vert, nous avons une situation paritaire. Nous avons un nombre de femmes ministres égal à celui des hommes, mais pour le Parlement, il n’y a que 12 femmes. Au niveau des municipalités, sur 22 maires hommes, on a seulement deux femmes et deux présidentes des municipalités.
 Mais ce déséquilibre est compréhensible quand on sait que le nombre de femmes affiliées aux partis politiques est très réduit. Les femmes doivent participer et s’imposer comme  force de proposition.
Il y a même certaines femmes qui sont réticentes à l’idée du quota, mais il est clair qu’il faut prendre des mesures discriminatoires transitoires afin d’accélérer le processus d’intégration des femmes dans le champ politique ».



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