Diversité et pluralisme dans les médias nationaux : De Charybde en Scylla


H.B
Mardi 4 Octobre 2011

Notre paysage médiatique est-il pluraliste et diversifié ?  Reflète-t-il  les contradictions sociales, intellectuelles, linguistiques et politiques qui traversent la société marocaine ?  Comment y gère-t-on les questions relatives au genre et au pluralisme linguistique, culturel et politique ?  Les conditions garantissant leur mise en œuvre sont-elles réunies ? En effet, le discours pluraliste respectant le droit à la différence d'opinion dans les médias est un phénomène très récent qui n'a pas encore gagné en maturité et en expérience au Maroc. Il se cherche encore et peine à trouver son chemin  malgré une politique volontariste de l’Etat et la conduite de multiples réformes au niveau des médias, dont la libéralisation du secteur de l'audiovisuel a été la pierre angulaire.  
Pour les experts et professionnels du secteur des médias réunis le 30 septembre à Rabat lors d’une table ronde organisée par le Media Diversity Institute sous le thème: « Médias et changements politiques au Maroc: entre diversité et pluralisme», ces deux derniers concepts piétinent,  sinon, ils régressent tant sur le plan des recrutements que celui des contenus des programmes. Selon une étude menée par la HACA  en 2010 concernant l’image de la femme dans les médias audiovisuels, Salah El-Ouadie, un ancien expert auprès de la HACA, a indiqué que la femme est présente dans 250  émissions radiophoniques animées par des femmes ou destinées aux femmes sur les 654 diffusées chaque semaine sur les ondes marocaines, soit un taux de présence de 38%.  62% de ces émissions sont réservées aux affaires domestiques, 25% à la chose publique et 13% à la religion.
Au niveau des chaînes de la télévision nationale, la femme est présente dans 167 programmes télévisés sur 387, soit un taux de présence de 43%.
La première chaîne diffuse en moyenne 12 programmes destinés aux femmes, soit 11 heures par semaine alors que 2M diffuse 11 programmes, soit 7 heures par semaine. 33% de ces programmes sont présentés par des femmes.En tant qu’invitées des JT, les femmes représentent 12% de ceux qui sont diffusés par les radios et  près de 10% dans la première chaîne et moins de 11% sur 2M. Alors que le nombre de femmes invitées comme leaders d’opinion ou représentant les centres de décision ne dépasse pas les 8% en moyenne.
Le même constat est enregistré au niveau des émissions interactives où elles ne sont présentes que dans 18 émissions sur 179, soit 10% et de 15% sur 2M et un peu plus sur la première chaîne dans les  magazines d’infos.
Au niveau des spots publicitaires, les femmes sont présentes dans 43% de ceux diffusés sur les deux chaînes nationales. Dans ces spots, les femmes présentent à 90% des produits alimentaires, d’hygiène et de beauté alors que leur présence dans les pubs concernant le secteur bancaire, l’immobilier et celui des services est quasi nulle.
En conclusion, Salah El-Ouadie estime que la diversité relative au genre est en quasi stagnation, voire en régression.
Un triste constat est aussi enregistré au niveau de la question du pluralisme linguistique et culturel. En effet, Amina Bencheikh, chef du service des programmes sur la chaîne amazighe, a estimé que cette langue souffre encore d’exclusion et que les médias audiovisuels ne respectent pas le cahier des charges  qui stipule que les chaînes du pôle public sont obligées de diffuser 31% de leurs programmes en langue amazighe.
Mme. Bencheikh a tenu à préciser qu’un programme amazigh est défini comme étant un programme qui est diffusé en langue amazighe et, du coup, toute émission produite autour de la culture amazighe avec des langues non amazighes n’est pas qualifiée comme telle.
Pour elle, le respect du pluralisme linguistique est crucial dans la période actuelle pour garantir les droits des spectateurs et des auditeurs marocains au spectacle, à l’information et au plaisir. A ce propos, elle a appelé à donner plus d’intérêt à la production culturelle et artistique amazighe et à accumuler les expériences car l’exclusion de la culture amazighe des institutions lui  a beaucoup porté préjudice.
Pour sa part Noureddine Afaya, universitaire, a précisé que la diversité dans le paysage médiatique public marocain a été basée sur la représentativité et la nécessité de donner un moyen d’accès au public  à un organisme politique, syndical ou à un courant de pensée.
Cependant, il estime que la question de la diversité est loin d’être une affaire des textes juridiques, mais elle relève d’un cadre conceptuel composite où les considérations réglementaires côtoient celles qui ont un caractère politique ou opérationnel.
Pour lui, s’approprier la diversité n’est pas une mince affaire. Elle exige une pratique continue et vigilante, notamment dans un contexte d’incertitude et de peur de la liberté comme celui que connaît le Maroc d’aujourd’hui. « Dans une conjoncture où tout est suspendu et les décisions sont prises sous la pression de l’urgence, la diversité reste une leçon contre l’extrémisme ».
S’agissant de la situation actuelle de la diversité dans les médias nationaux, M. Afaya pense que la diversité se cherche encore et peine à trouver son chemin dans un champ médiatique dominé par l’hégémonie de l’Etat.
Il se demande même comment on peut produire la démocratie et la modernité alors que les gens censés le faire sont de vraies entraves, a-t-il conclu.


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