Des routes migratoires sahariennes à éviter : Zones de tous les dangers et risques


Hassan Bentaleb
Vendredi 6 Décembre 2024

Des routes migratoires sahariennes à éviter : Zones de tous les dangers et risques
Les zones de transit sahariennes telles que Tamanrasset en Algérie, Tripoli, Sabha, Qatrun, Kufra et Al Jawf en Libye, Khartoum au Soudan, Douentza et Bamako au Mali, Téra au Niger, et Humera en Ethiopie figurent parmi les plus dangereuses pour les candidats à l’émigration vers l’Europe. Ces régions, identifiées comme des zones à haut risque ou à fort potentiel de danger par le rapport de l’OIM : « Dans ce périple, on s’en fiche de savoir si tu vis ou si tu meurs », se distinguent par des niveaux extrêmes de violences, de violations des droits humains et d’exploitation. 
 
Routes terrestres plus meurtrières que la Méditerranée centrale 

Le rapport de l’OIM, qui s’appuie sur des données collectées entre janvier 2020 et mars 2023 par l’OIM, le Mixed Migration Centre (MMC) et le HCR, met en lumière les risques accrus des routes terrestres sahariennes. Ces trajets, reliant le désert du Sahara aux côtes méditerranéennes nord-africaines, sont associés à des taux de mortalité deux fois supérieurs à ceux de la traversée maritime de la Méditerranée centrale. En 2021-2022, 721 décès ou disparitions de migrants ont été recensés sur ces itinéraires terrestres, et 110 au cours du premier semestre 2023. Ces chiffres, bien qu'alarmants, sont probablement sous-estimés en raison de l’insuffisance des sources fiables couvrant ces régions isolées. 

Le désert apparaît comme l’une des étapes les plus périlleuses du voyage. Selon les données du MMC, 41% des migrants interrogés ont identifié cette section de la route comme présentant le risque le plus élevé d’enlèvement contre rançon, tandis que 65% l’ont perçue comme un lieu de détentions arbitraires. Ces régions, souvent contrôlées par des milices, des groupes armés ou des réseaux criminels, deviennent des lieux où les droits humains sont régulièrement bafoués. 

Violences et traite des êtres humains : des chiffres alarmants

Ainsi concernant la torture, le réseau anti-torture en Libye rapporte qu’au moins 88 personnes en déplacement ont été torturées à mort en 2020. Les chiffres officiels ont légèrement diminué en 2021 et au premier trimestre 2022, avec 40 cas signalés. Toutefois, ces données sont très probablement en deçà de la réalité. 

S’agissant de la traite des personnes, les données du CTDC (Counter Trafficking Data Collaborative) montrent qu’en 2020 et 2021, 405 victimes de la traite ont été identifiées en Libye. La Tunisie (78 cas), l’Algérie (27 cas) et l’Egypte (17 cas) sont également concernées. En comparaison, l’ONUDC a documenté 365 victimes en Egypte en 2020 et 181 en Tunisie. Entre juillet 2020 et juillet 2022, l’OIM a recensé 1.614 victimes rien qu’en Libye. 

Ces abus ciblent particulièrement les groupes vulnérables : en 2020, plus de 60% des victimes détectées par les autorités étaient des enfants, souvent exploités pour la mendicité ou des activités criminelles forcées. Les femmes, représentant 22% des cas, subissent également des violences spécifiques, telles que des abus sexuels ou le prélèvement d’organes. 
 
Conflits et dépendance accrue aux passeurs 

Les conflits dans des zones telles que le Soudan ou la Libye exacerbent les risques pour les migrants. Depuis l’éclatement du conflit au Soudan, traverser ces régions est devenu encore plus difficile. Les migrants dépendent de plus en plus des passeurs pour éviter les zones de guerre et contourner les points de contrôle. Cela se traduit par une augmentation des frais de passage, qui varient entre 700 et 1.000 LYD (128 à 180 EUR) par personne. Certains passeurs utilisent des itinéraires informels pour réduire les risques d’interception, rendant les voyages encore plus précaires. 

Expulsions collectives et émergence de nouvelles zones à risque 

Les expulsions collectives constituent une autre menace pour les migrants. L’Algérie a intensifié les renvois vers le Niger, tandis que la Libye expulse vers l’Egypte, le Tchad, le Soudan et le Niger. Plus récemment, la Tunisie a effectué des expulsions vers la Libye et l’Algérie. Des zones comme Douentza (Mali) et Humera (Ethiopie) émergent comme des lieux à haut risque. De plus, Téra au Niger, autrefois moins signalée, est désormais identifiée comme une région extrêmement dangereuse. 

Foyers de crises humanitaires graves

Pour les spécialistes, « les routes sahariennes ne sont pas simplement des lieux de transit ; elles sont des foyers de crises humanitaires graves, exigeant des réponses globales et coordonnées ». A ce propos, ils estiment que « le manque de données fiables sur les abus et les décès complique l’élaboration de politiques efficaces » en indiquant qu’une collecte systématique des informations est nécessaire pour comprendre l’ampleur réelle des violations.  Ils soutiennent également que la mise en place de corridors humanitaires sécurisés, accompagnés de services médicaux, juridiques et psychosociaux, est essentielle pour atténuer les souffrances des migrants sans parler d’une coopération internationale accrue en vue de démanteler les réseaux de traite et de passeurs opérant dans ces zones. 
En outre, ces experts en migration sont unanimes à considérer que les causes profondes de la migration, notamment la pauvreté, les conflits et les changements climatiques, doivent être traitées pour réduire la dépendance aux routes dangereuses. 

En conclusion, ils estiment que « les routes sahariennes incarnent l’un des aspects les plus sombres de la migration contemporaine. L’attention internationale doit se concentrer sur ces itinéraires afin de prévenir de nouvelles tragédies et de garantir des solutions durables aux défis posés par ces déplacements forcés ».

Hassan Bentaleb


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