Des échos du Mellah à la synagogue inaugurée par Benkirane

La libre création et la liberté de culte résisteront-elles au dogme des islamistes au pouvoir ?


Narjis Rerhaye
Vendredi 15 Février 2013

Des échos du Mellah à la synagogue inaugurée par Benkirane
La séquence vaut le détour. Le chef du gouvernement islamiste, Abdelilah Benkirane, vient d’inaugurer une synagogue entièrement restaurée, «Slat Al Fassyine», dans le Mellah de Fès. Dans la bouche du leader islamiste devenu patron de l’Exécutif, la lettre Royale qu’il a été chargée de lire au nom du Souverain, a forcément une connotation supplémentaire.  «Si Mohammed VI a toujours et fortement défendu les valeurs de la tolérance, cela n’a pas toujours été le cas des islamistes du PJD qui ont une tendance très forte à confondre religion juive et sionisme. C’est un peu comme si le Roi avait offert un moment de repentir au secrétaire général du Parti justice et développement», ironise cet homme de gauche, présent à la cérémonie d’inauguration.
 Dans ce message donc  lu par M. Benkirane, le Roi  a souligné que «les Marocains sont profondément imprégnés des valeurs de coexistence, de tolérance et de concorde entre les différentes composantes de la Nation». La Constitution, adoptée en 2011, a rappelé Mohammed VI,  «consacre la particularité hébraïque du Maroc comme l'un des affluents séculaires de son identité nationale ». Ce 13 février, la liberté de culte a résonné dans ce  haut lieu de culte juif bâti au XVIIème siècle.  Le commandeur des croyants est non seulement «attaché à la protection de la foi et de la religion » mais aussi et surtout investi de la responsabilité de veiller au libre exercice des cultes pour toutes les religions célestes, y compris le judaïsme », et dont les adeptes loyaux sont considérés comme faisant partie des citoyens que le Souverain entoure de sa sollicitude.
Maroc terre de tolérance. La marque de fabrique du Royaume survivra-t-elle au dogme identitaire exacerbé des islamistes au pouvoir? «Nous avons toujours cohabité avec les Juifs du Maroc. Nous n’avons pas de problèmes avec la communauté juive marocaine», a déclaré M. Benkirane devant les caméras de télévision en sortant de la synagogue qu’il venait tout juste d’inaugurer. Double discours ou retour à la réalité ? Il y a quelques jours à peine, le PJD que préside Abdelilah  Benkirane mobilisait ses troupes à Tanger pour que soit retiré de la programmation du Festival national du film le documentaire «Tinghir-Jérusalem, les échos du Mellah» de Kamal Hachkar.
Non seulement ce film n’a pas été retiré de l’affiche – et il faut ici rendre hommage aux organisateurs du festival qui ont choisi de ne pas céder au terrorisme intellectuel- mais le jury du festival l’a primé en lui accordant le prix de la première œuvre. Dès sa première diffusion par 2M qui a contribué à son montage financier, une campagne féroce a visé ce documentaire d’une heure et demie. Et c’est au quotidien islamiste «Attajdid», le journal porte-parole du PJD, que revient la triste palme de l’amalgame et des accusations aussi fausses que gratuites.

La dictature du politiquement correct et du halal

Le propos du réalisateur de «Tinghir-Jérusalem» ne diffère pas vraiment de la lettre Royale lue par le chef du gouvernement ce 13 février à l’intérieur de la synagogue «Slat Al Fassyine». «En France, j’ai grandi dans l’idée que tous les berbères étaient musulmans. Mais à Tinghir, ma ville natale dans l’Atlas marocain, les récits de mes grands-parents m’ont fait découvrir que d’autres berbères étaient juifs. Dans de nombreux villages, juifs et musulmans vécurent ensemble. Pourtant, au début des années 60, malgré plus de 2000 ans d’histoire commune, tous ces juifs quittent l’Atlas jusqu’au dernier. Je pars alors à la rencontre de cette mémoire enfouie auprès de la génération qui a connu cette présence juive, mais très vite, cette recherche me mène en Israël où je retrouve quelques-unes des familles originaires de Tinghir. Entre ici et là-bas, ces anciens me racontent d’une même voix leur vie passée et répondent à mes interrogations : Comment nos deux communautés ont-elles cohabité? comment et pourquoi cette séparation si soudaine et définitive ? Pourquoi un tel silence?», écrit Kamal Hachkar dans le  synopsis d’un docu qui explore la mémoire et tente de comprendre un destin commun.
«Ceux qui ont dénoncé ce film sont précisément ceux qui ne l’ont pas vu. Comment peuvent-ils donc en juger? Comment peut-on sortir l’argument massue de normalisation sans autre forme de procès?», s’interroge ce défenseur des droits humains. Et c’est précisément  pour voir avant de juger que l’Organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH), le Centre de mémoire commune pour la démocratie et la paix et l’Association des rencontres méditerranéennes du cinéma et des droits de l’Homme (ARMCDH) ont organisé hier vendredi 15 février 2013, au siège rbati de l’OMDH, une projection-débat de «Tinghir-Jérusalem : les échos du Mellah» et ce en présence de son réalisateur Kamal Hachkar.
La dictature  du «politiquement correct» et du «religieusement halal» aura-t-elle gain de cause sur la culture tout court, celle qui n’est en aucune façon accolée d’un adjectif? La question se pose plus que jamais. Dans son édition du vendredi 15 février, «Attajdid», le quotidien des islamistes du PJD, publiait à la «une» un communiqué de l’Association de lutte contre la normalisation avec Israël qui exigeait le limogeage du directeur général du Centre cinématographique marocain. Motif invoqué, Noureddine Saïl aurait autorisé le tournage d’un film israélien, «Orange people», au Maroc.  L’art et la culture sont des vecteurs de paix. Exactement comme Ofer Bronstein, ce  pacifiste israélien, détenteur d’un passeport palestinien octroyé par Arafat,  lequel  n’a jamais hésité à braver les autorités de son pays au nom de la paix entre deux Etats, la Palestine et Israël, et qui cet été a assisté à la séance d’ouverture du dernier congrès du parti des islamistes que dirige Abdelilah Benkirane…

«La culture est libre et doit le rester»

Depuis  quelques jours,  un manifeste dédié à la libre création qui avait circulé il y a quelques mois déjà, a ressurgi et a été mis en ligne par la cinéaste Narjiss Nejjar.  «Cela fait du bien de rappeler certaines valeurs fondamentales», explique la réalisatrice de «L’amante du Rif». Signé par des artistes,  cinéastes, intellectuels, femmes et hommes de lettres, et, plus généralement, citoyennes et citoyens épris de liberté et attachés aux valeurs universelles de démocratie et de droits de l’Homme, ce manifeste est un cri d’alarme contre toute restriction des espaces de liberté». «Il n’est pas question de céder à la montée d’une certaine intolérance. Il n’y a pas et il ne peut y avoir de culture «propre», ni d’art «propre». «Nous tenons à notre liberté. Nous tenons à ce que nos mots, nos images, nos espaces d’expression et de création restent libres. Nous tenons à la consécration et à l’affermissement des droits de l’individu, et à la préservation et au respect du droit à la différence. Nous tenons à toutes ces valeurs qui, partout dans le monde et à travers l’histoire, ont fait avancer les Nations et permis à toutes les composantes de la société de cohabiter en bonne intelligence. (…)notre pays a besoin, pour se développer, de femmes et d’hommes libres, de plus en plus libres, de mots libres, d’images libres, de pensées libres. Plus qu’une nécessité, c’est une obligation», peut-on lire dans ce texte.


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1.Posté par touk le 17/02/2013 07:26
pour faire plaisir aux barbus je dis ceci :
mes remerciements et ma reconnaissance à mes anciens enseignants marocains et autres de conffessions musulmane,israelite ,chrétienne et sans,pour le savoir que j'ai acquis d'eux pour le l'avoir transmis à d'autres comptriotes
vive la tolérance entre les humaqins!

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