De nouvelles Assises pour un système fiscal qui ne tient pas debout

Il faut aller plus loin qu’un simple relooking ou des retouches de circonstance


Hassan Bentaleb
Vendredi 19 Avril 2019

42 milliards de DH est le montant engrangé grâce à l’impôt sur le revenu (IR). Les prélèvements sur salaire y représentent 73% et 40% des recettes au titre de l’impôt sur le revenu sont le fruit des contributions des salariés du privé.
Les professions libérales (médecins, pharmaciens, notaires, architectes, avocats…) ne contribuent quant à elles qu’à hauteur de 2%. C’est ce qui ressort de l’édition n°5495 du site www.l’economiste.com qui a précisé, cependant, que les salariés occupent la marche la plus haute sur le podium de la pression fiscale puisqu’ils subissent le taux d’imposition marginal le plus élevé et qui est estimé à 38%.
Pour Hicham Attouch, professeur d'économie à l'Université Mohammed V à Rabat, ces chiffres n’ont rien de nouveau puisqu’ils ont été largement débattus lors des Assises nationales sur la fiscalité tenues les 29 et 30 avril 2013 à Skhrirat. « L’IR a toujours suscité le débat puisqu’il s’agit d’un impôt dont les failles perdurent. A commencer par sa propre définition. En fait, si les textes de loi évoquent un impôt déclaratif, l’Etat a choisi, dans la pratique, la retenue à la source pour garantir  des ressources pérennes au budget. Il y a également le fait que cet impôt ne vise pas le foyer fiscal qui désigne l'ensemble des personnes inscrites sur une même déclaration de revenus », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Bref, nous sommes face à un système qui présente plusieurs failles puisqu’il tend à garantir des ressources à l’Etat sans tenir compte des capacités contributives ou de l’impact de cet impôt ».
Pour notre source, le Maroc est passé de « la pression fiscale » à « la répression fiscale ». « On veut étendre davantage l’assiette fiscale sans colmater réellement les brèches. Tout débat aujourd’hui sur cette question restera erroné tant qu’on ne s’attaquera pas à la réforme de la fiscalité des ménages », nous a-t-elle expliqué. Et d’ajouter : « Il faut qu’il y ait également des efforts au niveau de la clarification et de la transparence de l’imposition ».
Hicham Attouch estime que la situation est grave vu l’impact de l’IR sur l’économie et la société.  « L’IR est un prélèvement direct, abstraction faite de son taux, sur le pouvoir d’achat. Son prélèvement est censé répondre aux besoins de la nation en termes d’infrastructures, d’investissements, de subventions, etc. Mais la grande question est de savoir si ce prélèvement est efficace ou non au niveau budgétaire La réponse est qu’il sert plutôt à boucher les trous et non à dynamiser l’économie ou le social. Bref, nous sommes face à un système coûteux et inutile », nous a-t-il déclaré.
Les troisièmes Assises nationales sur la fiscalité attendus les 3 et 4 mai à Rabat vont-elles servir à quelque chose ? En fait, elles  ambitionnent de définir, dans le cadre d'une réflexion collective et largement concertée, les contours d'un nouveau système fiscal national qui soit plus équitable, performant, compétitif et intégrant les principes universels de bonne  gouvernance fiscale.  « Les conclusions des prochaines Assises sont prévisibles puisque le CESE a déjà diagnostiqué la situation et donné sa recette pour l’édification d’un tel système fiscal. Il s’agit en fait d’une feuille de route qui a préconisé l’essentiel de ce qui doit être fait et ne reste donc plus aux pouvoirs publics qu’à prévoir les mécanismes et moyens de les mettre en oeuvre», nous a affirmé notre source.   
En fait, ce rapport a recommandé de mettre en place un système intégré considérant, dans leur globalité, les prélèvements fiscaux et sociaux et leurs corollaires en termes de redistribution et de solidarité,  de définir un pacte fiscal de confiance qui suscite l’adhésion et consacre la lisibilité, l’accessibilité et l’acceptabilité du système fiscal cible, d’institutionnaliser le partage des "fruits de l’élargissement de l’assiette", selon une « règle des trois tiers »,  de favoriser la sortie de la prédominance de la rente et d’orienter les avantages et incitations accordés.
Il a également appelé à compléter l’arsenal fiscal cible par une fiscalité plus juste et plus équitable du patrimoine,  à consacrer la vocation et le rôle de chaque type d’impôt dans une logique de clarté, de cohérence globale et d’intégrité du système, à mettre en place un cadre de gouvernance lisible et responsable et  à sanctuariser la réforme fiscale dans une loi-cadre de programmation,.
« L’impôt est un système ou plutôt une politique fiscale, ce qui renvoie à plusieurs mesures et instruments qui répondent  à des objectifs contradictoires. Sans prendre en compte le système dans sa globalité, aucune réforme n’est possible », a-t-il conclu.


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