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Les "danses noires" ne relèvent pas d'une essence identitaire. Elles résultent des confrontations entre les revendications artistiques et politiques d'une communauté noire et le contexte d'une Amérique dominée, artistiquement et politiquement, par une communauté blanche. Danses noires – Blanche Amérique nous fait découvrir leur histoire, une page de l'histoire de la danse qui participe à celle des luttes pour l'égalité et la citoyenneté.
Le livre, à la fois catalogue de l'exposition présentée au Centre national de la danse et ouvrage de référence à part entière, s'adresse autant à un large public qu'à un public plus spécialisé. Le volume (124 pages) est à la fois clair et très dense dans son contenu, sans que cette densité en rende jamais l'accès difficile. Il est abondamment illustré par des affiches, documents d'actualité et surtout par de magnifiques photos, qui montrent à l'évidence la diversité et le dynamisme des danses et des artistes présentés. Le contenu se déroule chronologiquement, des débuts du XXe siècle et des vestiges de l'esclavage à nos jours ; il est structuré en quatre parties, qui correspondent à la fois à quatre perspectives de la danse noire américaine et à quatre grandes périodes dans l'histoire des Africains américains. Le parcours est illustré par la présentation de quelques grandes figures de la danse, pour la plupart très peu connues en France. Celles et ceux qui désirent approfondir le sujet trouveront une bibliographie importante, ainsi qu'une vidéographie. Un glossaire permet de se repérer dans les différents termes utilisés, black bottom, lindy hop, ragtime ou breakdance. L'autrice, Susan Manning, également commissaire scientifique de l'exposition, est historienne de la danse et spécialiste des interactions entre danse et politique au XXe siècle.
Plusieurs niveaux d'approche
À un premier niveau, Danses noires – Blanche Amérique constitue un ouvrage de référence qui vient combler un vide regrettable. Hormis quelques rares noms de personnalités (Joséphine Baker, Alvin Ailey) ou de lieux (le Cotton Club, le Savoy), le public français connaît bien peu de choses sur les "danses noires", qui demeurent noyées sous les stéréotypes. Les histoires de la danse mentionnent à peine la danse jazz qui, rangée avec les claquettes dans la catégorie divertissement, souffre d'une forte déconsidération, voire d'un mépris certain du côté de la recherche dans notre pays. De la lecture du livre, on retiendra tout d'abord la diversité des "danses noires" et des styles qu'elles ont irrigués, jusqu'à les renouveler totalement : cabaret, music-hall, comédie musicale, danse moderne, danse jazz, danses "ethniques", ballet, jusqu'au hip-hop contemporain, en passant par toutes formes contemporaines ou académiques ; on mesurera aussi à quel point elles participent de notre environnement chorégraphique, des scènes contemporaines aux danses de sociétés, en passant par le cinéma.
À un second niveau, et c'est là que se situe la problématique centrale du livre, on retiendra que ces productions, dans leur diversité, furent les fruits de luttes imposées par le contexte de racisme et de ségrégation des États-Unis. C'est bien le lien impossible à délier entre environnement sociopolitique et création artistique qui spécifie ces "danses noires".
Enfin, la question qui sous-tend le parcours historique, pour émerger dans sa formulation à son insu, est celle des définitions et de leurs limites, tant du côté de l'esthétique que du politique. La terminologie utilisée pour désigner les "danses noires" sert de fil conducteur et est révélatrice de l'évolution des consciences identitaire et politique des Africains américains, de l'état des luttes contre la ségrégation et le racisme, et dans le même temps, de l'état des questionnements artistiques.
Un titre en forme de slogan pour une magnifique démonstration des interactions entre danse et politique aux États-Unis, des débuts du XXe siècle à nos jours.