L'association "Ville sans drogue" près d'Ekaterinbourg dans l'Oural est unique en Russie, pays qui compte environ 5 millions de toxicomanes, selon l'agence de contrôle des drogues.
Les 15-30 ans seraient les plus touchés, avec 100.000 morts par an. Des chiffres néanmoins largement sous-estimés, Souligne le directeur du centre, Evgueni Roïzman.
Son organisme, privé, qui refuse d'utiliser des traitements de substitution comme la méthadone, n'hésite pas à enfermer ses patients dans une petite chambre cadenassée aux fenêtres barrées pendant un mois, pour les sevrer. Ils n'ont alors droit qu'à un régime à base de pain et de bouillie et sont en permanence sous vidéosurveillance.
"Ville sans drogue", qui comporte un centre pour les femmes et un pour les hommes, a traité près de 9.000 patients depuis sa création il y a douze ans, indique son directeur, qui précise qu'une grande majorité y ont été amenés de force par leur famille.
Les résultats sont difficiles à évaluer, l'association n'ayant pas mis en place de procédure de suivi des patients après leur sortie.
Et si ces pratiques de contrainte sont approuvées par beaucoup de Russes, dans un pays peu accoutumé aux méthodes d'accompagnement thérapeutique et où le fléau de la drogue a été occulté pendant des années, le centre a dès sa création fait l'objet de vives controverses et de l'intérêt des autorités policières.
Selon M. Roïzman, les pressions n'ont jamais été aussi grandes.
Elles ont démarré mi-juin après qu'une des patientes du centre, ancienne consommatrice de désomorphine, drogue aussi appelée "Crocodile" en raison des croûtes et des écailles noires qu'elle provoque sur la peau, est morte à l'hôpital d'une méningite.
Une enquête a été lancée et des brigades spécialisées dans la lutte contre le crime organisé ont perquisitionné le centre, interrogeant les patients, saisissant leurs journaux intimes (une règle obligatoire du centre) et des téléphones portables.
Deux autres enquêtes ont suivi, sur le rapt présumé d'une femme qui a affirmé avoir été emmenée de force et des coups et blessures présumés à l'encontre d'un patient.
La police a affirmé dans un communiqué avoir trouvé "des matraques, des clés de menottes et des éléments d'une cage" dans les locaux.
"La police ne va laisser personne créer un camp de concentration, même avec de bonnes intentions" derrière", a-t-elle ajouté.
Mais selon les partisans du centre, cette campagne est liée à la notoriété publique de M. Roïzman, qui a accusé la police régionale de corruption, dénoncé son manque de professionnalisme, et dont l'activité met en lumière les insuffisances de l'action publique face au fléau de la drogue.
M. Roïzman ne cache pas non plus son soutien politique à l'opposition, et prend régulièrement part à ses rassemblements.
Il a fait partie des soutiens et est apparu comme proche de Mikhaïl Prokhorov, un milliardaire qui s'est présenté contre l'actuel chef d'Etat Vladimir Poutine à la présidentielle de mars.
"Lorsque que vous gérez des problèmes de drogues, vous devez commencer par appeler les choses par leur nom et inévitablement vous entrez en conflit", analyse M. Roïzman, qui nie punir physiquement ses patients ou les menotter.
"Le succès d'une organisation non-gouvernementale met toujours en lumière l'inertie du gouvernement", ajoute-t-il.