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Faut-il croire ces chiffres ? « Non », répond Mohamed Kerkab, professeur à la Faculté des sciences économiques, juridiques et sociales de l’Université Cadi Ayyad à Marrakech. D’après lui, ces données manquent de précision et de clarté. Ainsi concernant les chiffres relatifs aux investissements, notre source nous a expliqué qu’il n’y avait pas de statistiques fiables concernant les investissements privés au Maroc contrairement à celles émanant du secteur public. « Il n’existe aucune institution indépendante spécialisée dans la collecte des données relatives à cette question et même la CGEM n’a pas de statistiques exactes puisqu’elle ne dispose pas d’experts en la matière. On balance des chiffres sur les investissements sans en préciser les contours. A titre d’exemple, est-ce que l’équipement d’un restaurant ou d’un hôtel peut être recensé comme investissement ? », nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : «Sous d’autres cieux, les chiffres sur les importations (véhicules, matériels…) nous renseignent sur le volume des investissements réalisés par les entreprises privées mais cet indicateur n’est pas pris en compte au Maroc ».
Même constat au niveau des recrutements par les entreprises d’employés. Notre source estime que l’étude menée par le syndicat des patrons ne précise pas les critères de choix des entreprises cibles et si l’ensemble des entreprises marocaines sont concernées. « Le recrutement continue de constituer un vrai problème au sein de nos entreprises puisqu’il est déterminé par des facteurs autres que celui du mérite et de la compétence et notamment par les relations et les réseaux familiaux. Et du coup, peu d’informations circulent sur le nombre véritable des nouvelles recrues puisqu’il s’agit, la plupart du temps, de membres des mêmes familles souvent non déclarés à la CNSS et nullement de profils pointus embauchés sur le marché du travail », nous a-t-elle déclaré. Et de poursuivre : « Les entreprises, elles aussi, ne nous fournissent pas les bons chiffres. Prenez l’exemple de la Fédération du tourisme relevant de la CGEM. Elle annonce souvent que le secteur emploie 500.000 personnes. Un chiffre purement fantaisiste puisque si c’était le cas, il n’y aurait pas de chômage dans ce secteur. Il y a souvent manipulation des données afin de bénéficier d’exonérations fiscales. Ceci d’autant plus que le rapport ne donne pas d’indications exploitables des entreprises qui recrutent. L’on ne sait pas si elles sont marocaines ou étrangères puisqu’une grande partie des investissements actuels émane des entreprises privées étrangères et qui sont celles qui recrutent le plus ».
La notion du climat des affaires suscite également la critique de notre économiste. D’après lui, ce terme ne signifie pas grand-chose au Maroc. « On est très loin de la définition internationale basée sur le mérite et la qualité. Au niveau national, ce terme est plutôt subjectif et dépend, en grande partie, des relations des donneurs d’ordres avec nos chefs d’entreprises. Si ces derniers arrivent à décrocher des marchés, le climat est bon. Sinon, c’est l’inverse. Les entreprises ont souvent comme clients les établissements publics et les relations entre les deux sont souvent empreintes de clientélisme et de favoritisme », nous a affirmé Mohamed Kerkab.
Ce dernier ne mâche pas ses mots et estime que la CGEM doit elle-même faire le ménage chez elle avant de qualifier le climat des affaires de sain ou non. « Le patronat doit tourner la langue sept fois avant de parler d’un bon climat des affaires puisque seulement 2% d’entre elles paient l’impôt sur les sociétés. Ces sociétés ne peuvent pas non plus parler de transparence et de bonne gouvernance car plusieurs d’entre elles ont établi leurs sièges sociaux au Sud du Maroc alors qu’elles opèrent sur l’axe Tanger-Casablanca, et ce pour une seule raison : bénéficier de juteuses exonérations d’impôt», nous a-t-il précisé. Et d’affirmer : « Les entreprises évoquent souvent la crise et ne cessent de répéter qu’elles ont des problèmes alors qu’on ne dispose pas de chiffres exacts et accessibles sur les sociétés en difficulté. Leur discours sur la crise est devenu tellement récurrent qu’il n’a plus pour objectif premier que d’arracher davantage d’exonérations fiscales et de subsides publics ».
De son côté, Hicham Attouch, président du Forum des économistes marocains (FEM) et professeur d’économie à l’Université Mohammed V- Souissi estime que la morosité du marché de l’emploi et des investissements dépeinte par le rapport de la CGEM corrobore la dernière note du HCP relative à l’indice de confiance des ménages attestant de la détérioration de la situation économique du pays et du pouvoir d’achat des ménages. Ledit rapport fait également écho à la dernière baisse du taux directeur de Bank Al-Maghrib opérée en vue de doper le crédit. A cela, il faut ajouter la mauvaise campagne agricole qui a été catastrophique et la situation des impayés qui s’est aggravée davantage durant les trois derniers mois. D’ailleurs, Bank Al-Maghrib a indiqué dans l’un de ses récents rapports que le taux des impayés a atteint 20% durant l’année dernière. « Les entreprises n’y voient pas que des signaux positifs. Et tous ces indicateurs n’encouragent pas les investisseurs à prendre des risques », nous a-t-il précisé.
Concernant les 12% des entreprises qui ont déclaré avoir augmenté le nombre de leurs salariés au cours des derniers trois mois, le président du FEM a précisé que ce chiffre ne concernait que les grands groupes et les entreprises qui opèrent dans les métiers mondiaux du Maroc. Des secteurs qui sont encadrés par une stratégie étatique et qui bénéficient d’appuis et de soutiens.
A propos des investissements réalisés ou prévus, notre source nous a indiqué que les entreprises citées par le rapport du syndicat des patrons n’augmenteront pas leurs capacités productives et qu’un grand nombre d’entre elles n’exploite même pas sa capacité installée à fond. « Les entreprises ne dépassent pas les 25% de leur capacité notamment dans le secteur industriel et elles ne pensent pas investir davantage. La plupart du temps, il s’agit d’investissements de remplacement qui ne feront pas appel à des crédits puisque ces entreprises recourent à des dotations pour amortissement qu’elles ont déjà constituées et donc on ne peut, à ce propos, parler d’investissements », a conclu Hicham Attouch.