"Je me rends à mon travail chaque jour la peur au ventre", affirme Farah, "les conducteurs indisciplinés sèment la mort partout".
En 2006, Lina Gebrane a perdu son fils unique, tué sur une route du Liban à l'âge de 18 ans, lorsqu'une moto venant à contre-sens a surgi face à lui.
En voulant l'éviter, sa voiture a terminé sa course contre une station-service.
"Les accidents de la route sont la première cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 29 ans au Liban, alors qu'ils sont la deuxième (cause de décès des jeunes) dans le monde", affirme Mme Gebrane, vice-présidente de "Kun Hadi" (Sois calme).
"Mon fils ne reviendra pas, mais si on peut sauver la vie d'autres jeunes, il ne sera pas mort en vain. Il faut que ça cesse", souligne cette femme qui a fondé l'association avec son mari.
En juillet, le ministre de l'Intérieur Ziad Baroud a annoncé que 750 personnes étaient mortes à la suite d'un accident de la route en 2009, contre 190 victimes d'homicides.
Pour 2010, les chiffres s'annoncent plus alarmants encore, 500 personnes ayant déjà été tuées au cours des six premiers mois de l'année, un chiffre record, selon la Youth Association for Social Awareness (YASA).
Autoroutes bondées, routes crevassées ou mal bitumées, absence de signalisation, manque de formation des policiers, alcool ou portable au volant: les causes d'accidents sont multiples.
En l'espace de sept ans, le nombre de morts et de blessés a presque doublé, selon les chiffres de la Croix-Rouge.
"J'ai presque peur de sortir de chez moi", renchérit Rana Ghadar, 33 ans qui, chaque jour, fait le trajet entre Saïda (sud) et Beyrouth. "Les conducteurs ne respectent pas le code de la route, ça transforme la conduite en une aventure dont on ne peut pas prévoir les conséquences", dit-elle.
Les autorités tentent de remédier au problème en augmentant le nombre de radars et de caméras de surveillance. Le gouvernement a également approuvé des mesures pour tripler les amendes pour les contrevenants.
La police tente également d'être stricte pour obliger les conducteurs à porter la ceinture de sécurité, arrêter de téléphoner ou envoyer des sms en conduisant, mais en vain.
Selon Kamel Ibrahim, de l'association YASA, le Liban est l'un des pires pays arabes concernant la circulation.
Pour lui, l'ampleur du phénomène comporte un risque pour le tourisme.
"Les agences de voyages à l'étranger disent de plus en plus à leurs clients de faire attention sur les routes du Liban", explique-t-il.
Fadi, hommes d'affaires de 40 ans, estime que la circulation fait plus peur aux Libanais et aux touristes que la situation politique dans le pays, connu pour ses périodes d'instabilité.
"On craint aujourd'hui non pas d'être tué par une bombe ou un attentat, mais de se faire écraser par un chauffard", lâche-t-il.