Des années d'effort ont permis début mars la réintroduction de dix spécimens dans le parc national de Virachey (nord-est), où aucune trace de l'espèce n'avait été enregistrée ces dernières années.
"Souvent, c'est ce que nous voyons, quand une espèce décline, elle disparaît", explique à l'AFP Pablo Sinovas, directeur pour le Cambodge de l'ONG Fauna & Flora, qui pilote le projet de repeuplement.
Mais pour le crocodile du Siam, "nous constatons que l'espèce a tendance à se reconstituer" là où elle est réintroduite, poursuit-il.
Il y a plus de 25 ans, les experts craignaient que le crocodile du Siam, menacé par la chasse, l'activité humaine et la dégradation de son habitat, disparaisse d'Asie du Sud-Est à l'état sauvage, en dehors de zoos et des fermes à reptiles qui ont contribué à son déclin.
L'espèce se distingue par la forme de sa crête osseuse située derrière les yeux, qui lui donne des airs de dragon. D'une taille maximale de 3,5 mètres à l'âge adulte, elle est aussi considérée comme l'une des plus petites du genre.
En 2000, une étude sur la biodiversité conduite par Fauna & Flora a permis de recenser quelques spécimens dans la chaîne des Cardamomes (ouest), posant les bases du projet de repeuplement en cours.
Sur le globe, il resterait à l'état sauvage jusqu'à 1.000 crocodiles du Siam, dont environ 400 au Cambodge.
Ce pays d'Asie du Sud-Est a joué un rôle clé dans la préservation du reptile, explique Charlie Manolis, scientifique en chef pour le cabinet de conseil Wildlife Management International, et spécialiste des crocodiles, basé en Australie.
"Il existe une opportunité au Cambodge parce qu'ils ont toujours de larges portions de territoire" protégé, contrairement à la Thaïlande et au Vietnam voisins, développe-t-il.
Les dix crocodiles réintroduits dans le parc de Virachey proviennent d'une ferme pour la reproduction des crocodiles gérée par Fauna & Flora, à Phnom Tamao, dans le sud de la capitale Phnom Penh.
Dans la nature, les populations dispersées peuvent avoir du mal à trouver un partenaire, et la présence de prédateurs diminue la chance de survie des oeufs et des bébés.
Pour une cinquantaine de naissances, peut-être trois crocodiles parviennent à survivre, estime Joe Rose, qui supervise les efforts d'aide à la reproduction à Phnom Tamao, qui abrite 200 crocodiles le long de l'année, dont une cinquantaine d'adultes reproducteurs, qui ont produit environ 200 oeufs l'an dernier.
"Dans un centre comme celui-ci, on peut s'assurer d'un taux de survie de 100% pour les nouveaux-nés (...) et que les jeunes crocodiles soient en bonne santé au moment de leur remise à la nature, pour leur donner le meilleur départ", explique-t-il.
Les oeufs sont couvés dans des incubateurs, et les bébés crocodiles sont élevés dans des enclos où ils sont progressivement exposés au type de nourriture qu'ils chasseront eux-même dans la nature, comme des grenouilles et des poissons.
Après plusieurs années, ils sont prêts à retrouver leur habitat naturel. Jusque-là, les opérations avaient lieu dans les Cardamomes où l'an dernier, 60 individus sont nés -- le plus haut chiffre total jamais enregistré en un siècle.
La hausse de la population a des effets bénéfiques pour l'ensemble de l'écosystème, la présence du crocodile favorisant la diversité des espèces de poissons présentes dans la rivière où le prédateur s'est installé.
Le programme de réintroduction dans le parc de Virachey, très peu peuplé, limite aussi le risque de conflit entre l'humain et le reptile.