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Alors que certains préconisaient le changement par le haut, il estimait, lui, que l’avenir du pays est l’œuvre de tout un chacun. Dans le feu de l’action pour le parachèvement de l’intégrité territoriale du Royaume, il continua à mettre l’accent sur la nécessité de la démocratisation des instances de l’Etat. Il n’hésita ni à proclamer haut et fort la marocanité du Sahara, ni à la défendre aux côtés de ses amis, dont beaucoup étaient derrière les barreaux et purgeaient injustement des peines de prison.
Parallèlement, il enclenche le processus démocratique et participe aux élections, tout en sachant que les adversaires de la démocratie allaient tout faire pour falsifier la volonté du peuple et réduire son impact. La démocratie, rappelle-t-il souvent, s’apprend et s’exerce sur la voie de la démocratie. Il savait trouver la solution adéquate et juste aux questions auxquelles il devait répondre pour surmonter les moments de crise.
En 1981, alors que les locaux du parti étaient sous scellés et que des centaines de militants étaient derrière les barreaux, il n‘hésita pas à attirer l’attention des autorités sur les dangers que pourrait susciter l’acceptation d’un référendum au Sahara. Le temps lui a donné raison.
Homme de conviction, de courage et de responsabilité, Feu Abderrahim Bouabid a marqué l’Histoire du Maroc «grâce à un parcours d’une qualité extrêmement rare chez les hommes politiques et les hommes d’Etat», disait l’un de ses amis. Ceux qui l’ont approché savaient qu’il avait un sens aigu de la justice sociale et qu’il était animé d’un optimisme profond et mesuré.
“L’Histoire continuera de statuer”
“Il est aisé pour certains d’avancer que l’histoire a statué et que tout est achevé. Je pense que l’histoire statue à chaque étape historique et qu’elle continuera de le faire pour les périodes à venir”.
Ces paroles prémonitoires prononcées par Abderrahim Bouabid quelques jours seulement avant sa disparition méritent aujourd’hui d’être revisitées. Elles le méritent pour deux séries de considérations:
La première tient à l’aisance voire l’outrecuidance avec lesquelles certains apprentis historiens ont vainement essayé de “casser du mouvement national” et à vouloir comme disait le Général Guillaume “faire bouffer de la paille aux nationalistes”. Une tendance qui est toujours là, aux aguets et qui guette la moindre occasion pour distiller son venin et entretenir un état permanent de démobilisation, de suspicion généralisée et de rejet de la chose publique.
La seconde tient au fait que notre pays s’est engagé dans une complexe mais non moins exaltante œuvre de réforme, de modernisation et de démocratisation dont la lame de fond a atteint les rivages les plus reculés, les tréfonds de notre société et de ses structures d’encadrement.
Abderrahim Bouabid répétait souvent “qu’on ne transformera rien à une situation sans changer les mentalités”. On ne transforme pas comme par enchantement une situation qui a vu depuis l’indépendance tantôt se télescoper et tantôt s’enchevêtrer en des combinaisons indémaillables, intérêts politico-économiques de classes, de castes et parfois de sectes ou des intérêts purement catégoriels et étroitement corporatistes voire même uniquement individuels
Qui dit réforme, dit diagnostic et confiance du patient ainsi que son adhésion à la médication prescrite. Cela suppose évidemment du côté du praticien, une parfaite maîtrise de son sujet et une propension à doser le remède de telle sorte que les effets secondaires ou “les dégâts collatéraux” ne l’emportent sur ses vertus thérapeutiques. La relecture des 54 éditoriaux écrits de la main de Abderrahim Bouabid entre le 12 octobre 1951 et le 6 décembre 1952 et colligés dans un précieux recueil par la Fondation qui porte son nom paraît, dans la phase délicate que traverse notre pays, tout à fait salutaire. Abderrahim Bouabid y apporte les preuves irréfutables que le mouvement national est capable, dans la sérénité et le respect de l’adversaire, de traiter même les sujets les plus brûlants.
Un éditorial de l’hebdomadaire Al Istiqlal daté du 08 mars 1952 intitulé “Tous les moyens ne sont pas bons” fournira à Abderrahim Bouabid l’occasion de lever le voile sur sa conception de l’éthique journalistique. Stigmatisant la partialité de la démarche d’un correspondant du journal “Le Monde” qui avait entre autres, présenté le Souverain en des termes pour le moins discourtois Abderrahim Bouabid rétorquera que “l’arme de la calomnie, le sérum du mensonge ont été mis au point et perfectionnés dans les laboratoires nazis. Mais force est de constater que de tels procédés ont survécu à leurs inventeurs.” Et Abderrahim Bouabid d’ajouter : “Nous voudrions qu’aucune amertume ne soit dans nos propos. Mais devant le spectacle de cette dégradation de la mystique dans la politique, comme l’a noté férocement Charles Peguy, nous avons nos réactions qui sont celles de tous les hommes. L’exagération de part et d’autre conduit au mensonge, qui débouche sur la calomnie. Et puis c’est l’emploi de la force qui conduit à la violence, laquelle fraie la voie aux pires cruautés”.
L’erreur mortelle à éviter dans le cas d’espèce, c’est d’utiliser, poursuit Abderrahim Bouabid, les armes de ses adversaires en l’occurrence celles qui poussent vers le chaos, qui “scandalisent ceux que l’on voudrait convaincre” et risquent “d’éloigner ceux que l’on voudrait rallier…Car imiter l’adversaire, serait lui reconnaître la victoire morale. La seule qui compte en définitive”.
Dans deux autres éditoriaux (17 novembre 1951 et 19 juillet 1952) il donne toute la mesure de son triple attachement à la liberté du pays, à ses institutions et à son parti. Il s’adressera en des termes on ne peut plus limpides à ceux qui, à l’image du général Guillaume ou du Maréchal Juin se sont essayés à discréditer le mouvement national et à faire douter de sa représentativité et de sa capacité de négociation : “Que l’on comprenne enfin que nous n’abritons pas dans nos rangs des “impatients qui rêvent de chasser le bâtisseur pour s’emparer de la maison”. Comme nous l’avons proclamé bien dépassé, dont l’Europe du XXème siècle a donné au monde de si tristes exemples”.
A l’intention de M. Robert Shuman, ministre des Affaires étrangères du gouvernement français qui tergiversait sur l’engagement de véritables négociations avec le Maroc, Abderrahim Bouabid précisera “qu’il appartient à la France seule de prendre l’initiative pour résoudre la question marocaine. Il ne dépend que d’elle d’ouvrir véritablement, cette fois-ci, des négociations avec le seul interprète des aspirations de la nation marocaine, S.M. le Sultan”.
On peut multiplier à l’envi les prises de position qui jalonnent ce recueil et au-delà, toute la carrière de Abderrahim Bouabid, il en ressort une conviction forte : c’est dans et par l’éthique que s’est forgée l’image d’Abderrahim Bouabid.