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Né en 1945, Claude Lefébure avait fait des études d’ethnologie à la Sorbonne pour se consacrer rapidement au monde berbère dont il étudia la langue à l'INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales) et à l’EPHE (Ecole pratique des hautes études). Après un long séjour de terrain chez les Aït Atta, il tomba amoureux de cette grande confédération berbère du versant sud du Haut Atlas marocain et consacra, par la suite, sa vie de chercheur à ce pays.
Il a su manier, avec une rare virtuosité, la tradition orale berbère et les travaux des auteurs qui, dans l’histoire, en ont poussé l’investigation. Fin lettré, chercheur perspicace et perfectionniste à l’extrême dans ses textes dont il distillait la rédaction, il était un intervenant prolixe gagnant ainsi respect et affection chez ses collègues et ses étudiants.
Claude Lefébure est entré au CNRS dans les années 70 et fut longtemps rattaché à l’équipe Ecologie et anthropologie des sociétés pastorales, avant de rejoindre, en 2001, l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) pour des séminaires de recherche et de formation. Il devint en 2006 directeur du Centre d’histoire sociale de l’Islam méditerranéen (équipe finalement intégrée à l’IMAF (Institut des mondes africains)).
Il était étincelant, inspiré et, aussi, affligé à force de ne pas être reconnu pour ce qu’il était : un éminent spécialiste des Imazighen. Ces travaux assez méconnus méritent pourtant une large diffusion dans le milieu universitaire. C’est pourquoi je me permets d'en lister quelques-uns à la fin de ce bref hommage en incitant les chercheurs à les consulter.
Hélas, la vie reste imprévisible et réserve des tragédies qui changent à jamais le cours des choses. Ainsi, peu après son passage à la retraite en 2010, Claude Lefébure fut victime d'un accident qui mit fin à sa vie scientifique. Il vécut alors retiré dans un EHPAD (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) de la région parisienne, un des nombreux établissements français effroyablement ravagés, ces jours-ci, par le Covid-19.
La disparition de ce grand Attaoui d'adoption m'attriste profondément. Je déplore le décès d'un grand spécialiste dont les études ont éclairé mon chemin lors de la réalisation de ma thèse sur la résistance du sud-est marocain entre 1908 et 1934. J'ai eu aussi l'immense privilège de l'avoir comme membre de mon jury de soutenance. Je me rappelle très bien de sa riche et éblouissante contribution à cette occasion. Il y a admirablement démontré sa qualité d’anthropologue immergé dans un coin du territoire de ma thèse. Ceci m'a donné l'envie, toujours vivace, de poursuivre mes travaux et d'aller creuser davantage et avec des outils plus pointus dans la riche histoire du sud-est marocain. Je me remémore, également, la sidération et la joie de mes amis berbérophones de la région lyonnaise présents à cette occasion, en parlant tamazight avec lui au cours du pot qui suivit. Ce fut un de ces moments précieux que mon parcours universitaire m'a offerts et que je garde jalousement en mémoire.
Reposez en paix cher maître.
Liste non exhaustive des travaux de Claude Lefébure
« L’As de la cordée. Théophile-Jean Delaye et les illustrateurs du Maroc dans l’édition française aux alentours des années trente », in Théophile-Jean Delaye, Illustrateur du Maroc, Casablanca/Paris, La Croisée des chemins / Séguier, 2010, p. 131-161.
« Notices : Arabes et Berbères, Chaouïas, Kabyles, Mozabites, Germaine Tillion, Kateb Yacine », in J. Verdès-Leroux (dir.) L’Algérie et la France, Paris, Laffont, 2009.
« Notices : André Basset, Henri Basset, René Basset, Borély, Boris, Cohen, Colin, Destaing, Dresch, Justinard, Laoust, Le Chatelier, Masqueray, Michaux-Bellaire, Motylinski, Mouliéras, Pascon, Roux, Souriau, Spillmann, Tillion », in Fr. Pouillon (dir.) Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, IISMM/Karthala, 2008
« Germaine Tillion, le cœur et l’esprit », Qantara n° 66, 2008,
p. 8-9.
« Berbères, le peuple aux cent visages », Qantara, n°66, 2008, p. 25-30, 39, 41, 43.
« Khaïr-Eddine, le Berbère : une interview imaginaire », Qantara, n°66, 2008, p. 40-41
« Les migrations de travail au miroir de la poésie berbère », Migrance, n°24, 2005, p. 30-35.
« "Foin de ma barbe", si je n't'arrange une djellaba bien à ta taille ! » : aspects de la dispute en pays berbère », REMMM (Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée), n° 103-104, 2004, p. 125-146.
« Ali Sedki Azayko : poèmes traduits de la tachelhayt, avec une notice biographique », Méditerranéennes, n° 11, 2001, p. 42-44.
« Le genévrier thurifère », « Au Pays de l'arganier », in Vies d'arbres, arbres de vie. Cahier d'études maghrébines (hors série 2), 2000, p. 38-40 et 43-47.
« Berbères », « Chleuhs », « Imazirhenes », « Rifains », « Kabyles », « Chaouias », « Zénètes », in J.-Ch. Tamisier (éd.), Dictionnaire des peuples, Paris, Larousse/Bordas, 1999.
« Aux vitrines de l'an : le Maroc sur son Trente et un », in Jean-Robert Henry et Lucienne Martini (eds.), Littératures et temps colonial, Aix-en-Provence, Édisud, 1999, p. 59-67.
« Bonnes feuilles des Seksawa. A propos de Structures sociales du Haut-Atlas (1955, 1978) », REMMM (Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée), n° 83-84, 1997, p. 93-101 (« Enquêtes dans la bibliographie de Jacques Berque »).
« Ayt Khebbach, impasse sud-est. L'involution d'une tribu marocaine exclue du Sahara », Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, n°41-42, 1986, p. 136-157