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Présent à Casablanca à l’occasion d’un match qu’avait disputé le Onze national des locaux contre la sélection du Congo, Claude Leroy, “le sorcier blanc” revient dans cet entretien sur de nombreux points ayant trait, entre autres, au football marocain et africain.
Libé : Quel est le but de votre séjour au Maroc ?
Claude Le Roy: On est au Maroc pour faire le point sur un premier groupe constitué de joueurs locaux et expatriés de moins de 23 ans tout en ayant dans le viseur les onzièmes Jeux africains qui auront lieu en septembre prochain à Brazzaville. La Fédération congolaise de football (Fécofoot) n’ayant pas donné son accord concernant le deuxième match contre l’Egypte qui avait manifesté le souhait de jouer contre nous ici même, je suis donc venu avec un groupe restreint de 18 joueurs au lieu de 23.
Ce premier groupe, dont certains joueurs évoluent au Maroc, va livrer un match contre l’équipe marocaine A’. Quelle image vous renvoie le championnat marocain et que pensez-vous de l’équipe nationale marocaine que vous connaissez très bien?
Le championnat marocain est une référence en Afrique avec des grands clubs tels que le RAJA, le WAC et le FUS. Mais aussi les FAR et le Moghreb Atlantic de Tétouan qui a été champion ces dernières saisons. C’est un championnat qui dispose de gros moyens et beaucoup de joueurs de qualité, il a de la qualité et une belle expression. C’est un vrai football, professionnel et structuré.
J’en veux pour preuve le Raja qui est arrivé en finale du Championnat du monde des clubs organisé l’année dernière à Marrakech. J’y étais invité et il est évident qu’ils n’étaient pas arrivés en finale par hasard, puisqu’ils avaient battu les Brésiliens de Ronaldinho en demi-finale.
Le paradoxe, c’est que l’équipe nationale a du mal à montrer sa qualité. Ce qui, à mon avis, est un vrai gâchis de talents vu le nombre de joueurs talentueux marocains évoluant au pays et à l’étranger.
J’ai cru, il y a quelques années, que le Maroc se sortirait de cette situation, comme l’a relativement réussi l’Algérie. Mais, il semble qu’il n’ait pas franchi ce pas.
Il y a une époque, par exemple, quand je dirigeais le Paris Saint-Germain (1997-1998), on était venu préparer la saison sur le camp d’entraînement du Raja de Casablanca, qui à l’époque, était encore meilleur qu’aujourd’hui. C’est dire qu’on connaît donc la qualité du football marocain,
Un mot sur la prestation des Diables Rouges qui a été unanimement saluée lors de la dernière CAN en Guinée Equatoriale. Vous êtes-vous rendu compte de cette performance?
Non, pas vraiment. Je me suis vraiment rendu compte de l’impact de cette performance quand je suis rentré en France. J’ai été stupéfait de la façon dont les gens s’étaient intéressés à cette aventure. C’est pareil quand je suis allé au Sénégal, pour la 19ème édition de la Coupe d’ Afrique des moins de 20 ans (08 - 22 mars). Là aussi, des Sénégalais m’ont dit que le Congo était la seule équipe qui comptait à leurs yeux après qu’ils ont été éliminés.
Il est vrai que les joueurs ont été formidables, chose que je leur avais justement demandé avant le début de la compétition. Je les ai exhortés à bien jouer, parce que c’est cela la base de tout : le football, c’est de respecter le jeu. Ce ne sont pas les résultats à tout prix comme José Morihno, sans qu’il y ait une qualité derrière. Le football, c’est de respecter les supporters qui viennent vous voir au stade et surtout, être exemplaire en tout point.
A ce propos, on avait une équipe qui a eu moins de cartons. Les joueurs ont été exemplaires du point de vue comportement, disciplinés et d’une grande qualité, même si certains ne se rendent pas compte que c’est un privilège que d’être footballeur professionnel.
Si on ne se rend pas compte de la chance qu’on a d’avoir un bus avec une escorte, de voyager le plus souvent en avion privé… Si l’on banalise tout cela, c’est qu’on est passé à côté de l’essentiel.
En juin prochain, cela fera 50 ans que je suis un professionnel de football. Pourtant, je me répète tous les jours que c’est une chance inouïe d’être payé pour sa passion. C’est pour cela que j’ai envie de tout donner et que je ne suis pas content quand on ne permet pas de le faire.
Revenons au Maroc où vous avez remporté avec le Cameroun aux dépens du Nigeria (1-0) la 16ème édition de la CAN en mars 1988. 27 ans après, quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
De bons souvenirs ! Cela dit, j’en garde de partout. Il faut dire que cela faisait quasiment trois ans qu’on n’avait pas perdu un match. J’avais monté une équipe avec des joueurs venant d’un peu partout, y compris de deuxième division, avec laquelle on a tourné au Brésil, en Allemagne, en France et en Asie. Avec ce groupe, on a gagné la Coupe intercontinentale afro-asiatique des nations (1985), les Jeux d’Afrique centrale de Brazzaville (1987), les Jeux africains et deux éditions de la Coupe de l’UDEAC (1986 et 1987).
Cette magnifique aventure a pourtant commencé par un math nul miraculeux à Maracaña à Rio de Janeiro (Brésil). Je me souviens qu’on était mené 2 à 0 et qu’on avait été ridicule en première mi-temps. Je ne sais pas si c’est une relation de cause à effet, mais après avoir secoué les joueurs pendant la mi-temps, ces derniers ont réagi. François Omam Bylik, qui était complètement encore inconnu, a marqué 2 buts.
A partir de là, on a commencé à capitaliser de la confiance. Pendant trois années, j’ai pu travailler sans arrêt avec l’équipe : on passait plusieurs mois ensemble. Les choses étaient tellement différentes que de grands clubs comme le Canon de Yaoundé me permettaient de partir avec huit de leurs joueurs, tout en continuant normalement leur championnat national. C’était de vrais grands clubs avec des effectifs énormes.
Les choses sont aujourd’hui beaucoup plus compliquées, il y a quelquefois un antagonisme entre les intérêts des clubs et ceux des équipes nationales.
Quoi qu’il en soit, je ne suis pas resté figé sur le Cameroun. Pour tout vous dire, ce qui s’est passé avant ne m’intéresse pas, ce sont les anciens combattants qui ressassent toujours leurs prouesses. Ce qui m’intéresse c’est le prochain match des Diables Rouges.
Quelles explications donneriez-vous au fait que les équipes africaines parviennent difficilement à passer le premier tour des Mondiaux, alors qu’elles comptent dans leurs rangs une constellation de joueurs de qualité?
Les équipes africaines sont quelquefois arrivées en quarts de finale au Mondial. Elles ont même failli être en demi-finale en Afrique du Sud où elles auraient mérité d’y être avec le Ghana.
Cela est dû à beaucoup de choses. Ce n’est pas du tout pour pleurnicher, mais je pense qu’il y a eu quelquefois de gros problèmes d’arbitrage. Je pense qu’avec le Cameroun en 1998, on a été victime de la plus grande flibusterie en arbitrage qui ait lieu contre le Chili. Je saurais un jour, sans doute, ce qui s’est vraiment passé pour que l’arbitrage nous prive d’une qualification « tranquille » contre le Chili.
J’ai entrainé l’équipe mondiale pour les 89 ans du président Nelson Mandela, dans laquelle j’avais Iván Zamorano. Chaque fois que je lui disais « Explique-moi un tout petit », il rigolait en me disant : « Je ne peux rien dire ». Je pense qu’au fond, il savait lui-même qu’il avait dû se passer quelque chose. Et ce n’est pas arrivé qu’au Cameroun, plusieurs équipes africaines ont été spoliées de qualification à cause de l’arbitrage.
Mais ce n’est pas suffisant, il y a aussi l’incohérence et l’impréparation des équipes africaines, les discussions éternelles de primes, les conflits entre les ministres et les présidents de fédérations ainsi que les querelles stupides et infantiles entre certains joueurs.
J’ai eu cette chance de ne jamais connaître cela quand j’étais sélectionneur. Les choses se sont toujours bien passées : on a toujours été payé normalement et il y a toujours eu une superbe ambiance entre les joueurs.
Il faut aussi insister sur le fait que le travail du sélectionneur, c’est de motiver le groupe, parler aux joueurs, discuter avec eux, les réconcilier quand il y a de petits problèmes et ne pas prêter d’importance aux babioles. Mais surtout être le seul patron. Je pense que les joueurs ont besoin de sentir qu’il y a un seul patron, c’est le sélectionneur. Il y a bien sûr un staff sur lequel il s’appuie et sans celui-ci il n’est rien. Mais il y en a un qui décide, c’est le sélectionneur.
En ce qui me concerne, personne n’a osé m’imposer qui que ce soit dans mes sélections. J’ai ce privilège, parce qu’on sait sûrement que je suis breton et que j’ai un très mauvais caractère.
Libé : Quel est le but de votre séjour au Maroc ?
Claude Le Roy: On est au Maroc pour faire le point sur un premier groupe constitué de joueurs locaux et expatriés de moins de 23 ans tout en ayant dans le viseur les onzièmes Jeux africains qui auront lieu en septembre prochain à Brazzaville. La Fédération congolaise de football (Fécofoot) n’ayant pas donné son accord concernant le deuxième match contre l’Egypte qui avait manifesté le souhait de jouer contre nous ici même, je suis donc venu avec un groupe restreint de 18 joueurs au lieu de 23.
Ce premier groupe, dont certains joueurs évoluent au Maroc, va livrer un match contre l’équipe marocaine A’. Quelle image vous renvoie le championnat marocain et que pensez-vous de l’équipe nationale marocaine que vous connaissez très bien?
Le championnat marocain est une référence en Afrique avec des grands clubs tels que le RAJA, le WAC et le FUS. Mais aussi les FAR et le Moghreb Atlantic de Tétouan qui a été champion ces dernières saisons. C’est un championnat qui dispose de gros moyens et beaucoup de joueurs de qualité, il a de la qualité et une belle expression. C’est un vrai football, professionnel et structuré.
J’en veux pour preuve le Raja qui est arrivé en finale du Championnat du monde des clubs organisé l’année dernière à Marrakech. J’y étais invité et il est évident qu’ils n’étaient pas arrivés en finale par hasard, puisqu’ils avaient battu les Brésiliens de Ronaldinho en demi-finale.
Le paradoxe, c’est que l’équipe nationale a du mal à montrer sa qualité. Ce qui, à mon avis, est un vrai gâchis de talents vu le nombre de joueurs talentueux marocains évoluant au pays et à l’étranger.
J’ai cru, il y a quelques années, que le Maroc se sortirait de cette situation, comme l’a relativement réussi l’Algérie. Mais, il semble qu’il n’ait pas franchi ce pas.
Il y a une époque, par exemple, quand je dirigeais le Paris Saint-Germain (1997-1998), on était venu préparer la saison sur le camp d’entraînement du Raja de Casablanca, qui à l’époque, était encore meilleur qu’aujourd’hui. C’est dire qu’on connaît donc la qualité du football marocain,
Un mot sur la prestation des Diables Rouges qui a été unanimement saluée lors de la dernière CAN en Guinée Equatoriale. Vous êtes-vous rendu compte de cette performance?
Non, pas vraiment. Je me suis vraiment rendu compte de l’impact de cette performance quand je suis rentré en France. J’ai été stupéfait de la façon dont les gens s’étaient intéressés à cette aventure. C’est pareil quand je suis allé au Sénégal, pour la 19ème édition de la Coupe d’ Afrique des moins de 20 ans (08 - 22 mars). Là aussi, des Sénégalais m’ont dit que le Congo était la seule équipe qui comptait à leurs yeux après qu’ils ont été éliminés.
Il est vrai que les joueurs ont été formidables, chose que je leur avais justement demandé avant le début de la compétition. Je les ai exhortés à bien jouer, parce que c’est cela la base de tout : le football, c’est de respecter le jeu. Ce ne sont pas les résultats à tout prix comme José Morihno, sans qu’il y ait une qualité derrière. Le football, c’est de respecter les supporters qui viennent vous voir au stade et surtout, être exemplaire en tout point.
A ce propos, on avait une équipe qui a eu moins de cartons. Les joueurs ont été exemplaires du point de vue comportement, disciplinés et d’une grande qualité, même si certains ne se rendent pas compte que c’est un privilège que d’être footballeur professionnel.
Si on ne se rend pas compte de la chance qu’on a d’avoir un bus avec une escorte, de voyager le plus souvent en avion privé… Si l’on banalise tout cela, c’est qu’on est passé à côté de l’essentiel.
En juin prochain, cela fera 50 ans que je suis un professionnel de football. Pourtant, je me répète tous les jours que c’est une chance inouïe d’être payé pour sa passion. C’est pour cela que j’ai envie de tout donner et que je ne suis pas content quand on ne permet pas de le faire.
Revenons au Maroc où vous avez remporté avec le Cameroun aux dépens du Nigeria (1-0) la 16ème édition de la CAN en mars 1988. 27 ans après, quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
De bons souvenirs ! Cela dit, j’en garde de partout. Il faut dire que cela faisait quasiment trois ans qu’on n’avait pas perdu un match. J’avais monté une équipe avec des joueurs venant d’un peu partout, y compris de deuxième division, avec laquelle on a tourné au Brésil, en Allemagne, en France et en Asie. Avec ce groupe, on a gagné la Coupe intercontinentale afro-asiatique des nations (1985), les Jeux d’Afrique centrale de Brazzaville (1987), les Jeux africains et deux éditions de la Coupe de l’UDEAC (1986 et 1987).
Cette magnifique aventure a pourtant commencé par un math nul miraculeux à Maracaña à Rio de Janeiro (Brésil). Je me souviens qu’on était mené 2 à 0 et qu’on avait été ridicule en première mi-temps. Je ne sais pas si c’est une relation de cause à effet, mais après avoir secoué les joueurs pendant la mi-temps, ces derniers ont réagi. François Omam Bylik, qui était complètement encore inconnu, a marqué 2 buts.
A partir de là, on a commencé à capitaliser de la confiance. Pendant trois années, j’ai pu travailler sans arrêt avec l’équipe : on passait plusieurs mois ensemble. Les choses étaient tellement différentes que de grands clubs comme le Canon de Yaoundé me permettaient de partir avec huit de leurs joueurs, tout en continuant normalement leur championnat national. C’était de vrais grands clubs avec des effectifs énormes.
Les choses sont aujourd’hui beaucoup plus compliquées, il y a quelquefois un antagonisme entre les intérêts des clubs et ceux des équipes nationales.
Quoi qu’il en soit, je ne suis pas resté figé sur le Cameroun. Pour tout vous dire, ce qui s’est passé avant ne m’intéresse pas, ce sont les anciens combattants qui ressassent toujours leurs prouesses. Ce qui m’intéresse c’est le prochain match des Diables Rouges.
Quelles explications donneriez-vous au fait que les équipes africaines parviennent difficilement à passer le premier tour des Mondiaux, alors qu’elles comptent dans leurs rangs une constellation de joueurs de qualité?
Les équipes africaines sont quelquefois arrivées en quarts de finale au Mondial. Elles ont même failli être en demi-finale en Afrique du Sud où elles auraient mérité d’y être avec le Ghana.
Cela est dû à beaucoup de choses. Ce n’est pas du tout pour pleurnicher, mais je pense qu’il y a eu quelquefois de gros problèmes d’arbitrage. Je pense qu’avec le Cameroun en 1998, on a été victime de la plus grande flibusterie en arbitrage qui ait lieu contre le Chili. Je saurais un jour, sans doute, ce qui s’est vraiment passé pour que l’arbitrage nous prive d’une qualification « tranquille » contre le Chili.
J’ai entrainé l’équipe mondiale pour les 89 ans du président Nelson Mandela, dans laquelle j’avais Iván Zamorano. Chaque fois que je lui disais « Explique-moi un tout petit », il rigolait en me disant : « Je ne peux rien dire ». Je pense qu’au fond, il savait lui-même qu’il avait dû se passer quelque chose. Et ce n’est pas arrivé qu’au Cameroun, plusieurs équipes africaines ont été spoliées de qualification à cause de l’arbitrage.
Mais ce n’est pas suffisant, il y a aussi l’incohérence et l’impréparation des équipes africaines, les discussions éternelles de primes, les conflits entre les ministres et les présidents de fédérations ainsi que les querelles stupides et infantiles entre certains joueurs.
J’ai eu cette chance de ne jamais connaître cela quand j’étais sélectionneur. Les choses se sont toujours bien passées : on a toujours été payé normalement et il y a toujours eu une superbe ambiance entre les joueurs.
Il faut aussi insister sur le fait que le travail du sélectionneur, c’est de motiver le groupe, parler aux joueurs, discuter avec eux, les réconcilier quand il y a de petits problèmes et ne pas prêter d’importance aux babioles. Mais surtout être le seul patron. Je pense que les joueurs ont besoin de sentir qu’il y a un seul patron, c’est le sélectionneur. Il y a bien sûr un staff sur lequel il s’appuie et sans celui-ci il n’est rien. Mais il y en a un qui décide, c’est le sélectionneur.
En ce qui me concerne, personne n’a osé m’imposer qui que ce soit dans mes sélections. J’ai ce privilège, parce qu’on sait sûrement que je suis breton et que j’ai un très mauvais caractère.