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« Pas de quoi être rassurés », confie ce journaliste dont le cœur bat à gauche. Depuis son installation, le gouvernement ultra-conservateur d’Abdelilah Benkirane, pour reprendre l’expression fétiche des médias de l’Hexagone, a multiplié censures et interdictions. Au nom de la lutte contre les clichés qui portent atteinte à l’Islam, Mostafa El Khalfi, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a interdit l’entrée au Maroc de 5 titres de presse. En matière de religion, c’est désormais clair : les islamistes au pouvoir ne bottent plus en touche. Ils ont même, dit-on, l’intention d’aller en guerre contre l’islamophobie rampante, avec le soutien clairement affiché de l’ISESCO. La sacralisation du chef de l’Etat –un concept supprimé de la Constitution- est venue s’ajouter à cette politique d’un gouvernement qui assume et argumente la censure. Deux numéros d’El Pais n’ont pas trouvé place dans les kiosques marocains : il a été considéré que les citoyens de ce pays n’étaient pas suffisamment matures pour prendre une caricature fût-elle royale et les bonnes feuilles d’un livre sulfureux et largement diffamatoire mettant en cause le monarque pour ce qu’ils sont. Et pas plus. «Tout cela a du mal à passer. Parce qu’on a la fâcheuse impression qu’une censure au nom de la morale, de la vertu, de la bonne conduite peut être institutionnalisée. Ma crainte est que le gouvernement de M. Benkirane instaure une sorte d’ordre moral qui corresponde à l’exacte vision de sa famille politique. Peut-on imposer cela à des millions de Marocains qui ne partagent pas les idées du PJD et qui ont plutôt une vision universaliste de la liberté, de la démocratie, et en ce qui nous concerne nous les journalistes de la liberté de presse et d’expression ? » se demande cette femme de média qui dit avoir voté, aux dernières législatives, pour un parti de gauche.
Un Maroc qui prie et fait la fête
Un nouvel ordre moral où, par exemple, seul l’art « propre » aurait droit de cité. Au lendemain de la victoire du PJD aux législatives du 25 novembre dernier, c’est une figure de ce parti islamiste, Najib Boulif, devenu quelques semaines plus tard ministre dans l’équipe de Benkirane, qui imposait un tel qualificatif à la création artistique. Un art « halal » en somme, exactement comme celui que défend haut et fort l’élu PJDiste de Tétouan, M. Boukhobz. Il y a quelques jours, il s’élevait, en session du conseil, contre le financement de festivals.
« Ceux qui aideraient de telles rencontres s’associeraient au diable parce qu’ils soutiennent la débauche et la prostitution », aurait lancé l’élu à ses pairs. Il faut bien le dire : de telles positions, puisées dans le noir obscur, ne sont pas nouvelles pour le PJD qui n’a pas changé d’un iota sur ce registre. La comédienne Latifa Ahrare, le cinéate Noureddine Lakhmari et ceux du L’Boulevard en savent quelque chose et ne sont sûrement pas près d’oublier qu’ils ont été les cibles régulières des islamistes du Parlement. « Parce que justement ces artistes comme d’autres de plus en plus nombreux dans notre pays font bouger les lignes. Des artistes qui croient fermement à l’universalité de l’art », explique cette artiste peintre.
Les artistes, les écrivains, les intellectuels et de manière générale, les créateurs marocains vont-ils entrer en résistance parce que l’expression artistique serait menacée ? Les pétitions dans ce sens se multiplient et des débuts de front (fronde ?) s’organisent. La charge violente et frontale d’un ministre PJD contre le Festival Mawazine de Rabat est loin de rassurer les fervents adeptes de festivals comme remparts solides contre l’obscurantisme. « Il n’est pas raisonnable que de l’argent public soit englouti dans un festival somptueux et ostentatoire alors que dans le pays les gens ne trouvent pas d’emplois, d’autres n’ont pas de bois pour se chauffer, peu de nourriture et encore moins de médicaments pour se soigner », a en effet déclaré Habib Choubani, le ministre islamiste en charge des Relations avec le Parlement et la société dans une interview accordée à nos confrères d’Akhbar Al Yaoum. Une polémique populiste et surtout gratuite. D’autant que l’argent public ne représente que 6% du budget de Mawazine et le festival qui s’auto-finance ne compte pas demander, cette année, un soutien de l’Etat, assurent les organisateurs de ce festival porté par le secrétariat particulier du Roi.
Faut-il s’inquiéter de ces raidissements ? La culture est-elle menacée ? L’ouverture et le « way of life » d’un Maroc qui tout à la fois prie et fait la fête seraient-ils remis en cause ? « La vigilance s’impose. Nous avons tous un devoir de veille à observer pour que les acquis se consolident. Un recul est vite survenu», soutient cette défenseure des droits des femmes. A la veille de la Journée mondiale des femmes, le mouvement féminin marocain n’a pas le cœur aux réjouissances. « L’agenda de l’égalité, un projet du gouvernement d’Abbas El Fassi et proposé par l’ancienne ministre PPS Nouzha Sqalli, sommeille au fond d’un tiroir. Le débat sur l’avortement dont les prémisses avaient commencé est mort et enterré alors que la parité est plus que jamais un beau discours politique et une expression qui fait joli dans la nouvelle Constitution», conclut cette membre fondatrice de l’Association démocratique des femmes du Maroc qui estime ne pas se sentir « représentée par Bassima Haqqaoui, la ministre en charge, entre autres, de la Femme.