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A cette occasion, un catalogue de 40 pages sera publié et comprendra les photos des œuvres avec des textes de présentations en arabe et en français écrits par des chercheurs et des critiques d'art: Amal Nasr (Egypte), Chafik Ezzouguari, Mohammed Chiguer, M'Barek Housni et Hassan Laghdache.
Saisir ce qui fuit
L’évidence lumineuse saute aux yeux: il y a un lien direct, mais ailé, entre la main et l’œil. La main qui peint, l’œil qui regarde et ne se lasse pas de regarder. On sent que l’artiste n’avait pas besoin, pour mettre à terme cette œuvre, d’un temps additionnel pour passer à l’acte, une fois le concept éclairé. Cet objectif qui prend le titre de trace nomade, celle qui ne demeure pas tout en étant inscrite, peinte, imprimée ou tout simplement lancée partout, relent d’existences passées et présentes. Mais comment la saisir? sinon en la réinventant dans un style qui rend tout mysticisme contenu dans le nostalgique comme dans l’expérimenté.
Le jaune érigé en illumination
Car ici, dans ce travail récent, multiple et harmonieux, peindre s’avère d’un naturel et d’un soin inspirés par l’expérience et la maîtrise acquises à force de travail et de méditation. On en veut pour preuve ce jaune qui domine dans plusieurs toiles, aux tons divers, mais jamais assombri ni gêné par une intrusion qui ne lui est pas accordé, comme pour le désert qui est étendu et unicité jalouse de son acquis de toujours, qui ne peut être caché, même la nuit. Le Sahara en tant que géographie coltinée depuis toujours à la mémoire, l’habitant et la hantant par les émotions accumulées et engendrées à la fois. Arriver à ce résultat lumineux démontre que Brahim El Haissan l’a totalement intégré à son être, et nous la restitue avec cette couleur traitée délicatement, afin d’exprimer son attachement indélébile au lieu qui l’a façonné. Et utiliser le marouflage et le papier kraft comme procédé est bien trouvé, moyen de ressortir l’enregistré depuis l’enfance, mais rehaussé de nostalgie gorgée de lumière. L’attrait lyrique est donné d’emblée, et cette abstraction faite d’équilibre entre l’éclat et les formes étalées atteint un degré de suggestion contagieuse de la plus belle des manières. En une multitude de toiles unies dans la célébration du Sahara, comme entité de géographie et de géologie via cette couleur et cette technique, l’artiste s’érige en un digne représentant d’un courant qui part du local pour embrasser l’universel par le moderne, plafond d’art qui est le seul admis dans l’expression artistique, langage unique qui adhère tout un chacun.
Les relents du vécu
Et pour affronter cette tendance, fidèle à la trace comme but à enlacer, il ajoute la/les couleurs, autres, celles toutes proches. Car le Sahara est aussi l’homme et le vécu. Faisant œuvre d’anthropologue et d'intellectuel d’un encyclopédisme évident en tout ce qui touche le Sahara, l’artiste saisit cet autre trace dans les habits et sous les tentes, dans la marche comme dans la posture contemplative. De tout cela, il tire des toiles aux couleurs mariées à la vie presque monastique sans l’être que par un emprunt obligé par l’art: le bleu, le brun, le vert austère, le noir et ce blanc qui se faufile dans l’ensemble, pour révéler la beauté tout simplement, celle qui est dissimulée mais réelle, qui est bien sûr trace et la devient. Oui, c’est un abstrait qui est relié à un conditionnement extérieur, sans figuration, sur la mode de l’inspiration. Bouts de tentes et fantômes de vies. L’artiste ressort ce que son corps a touché et ce que son esprit a vénéré. En coloriste d'un moment, soucieux la variété à fournir à l'affect, il enrichit une deuxième palette d’un ensemble que des toiles reflètent, signes et symboles, donnant l’atmosphère d’une émotion éprouvée sans cesse. Comme le passage des vents, le bruissement des palmiers, le froufrou des habits amples et trainants, les longs voyages et le cérémonial de la convivialité à ciel ouvert. La fluidité des couleurs, pourtant mêlées et posées en petits aplats, font surface et charment. C’est d’une fête. Et au passage, on remarque que cette même fête est observée chez son frère l'artiste Erragueb El Haissan. On peut établir un rapprochement qui ne serait pas de trop. Mais sur un autre registre. Les toiles exposées ici montrent un penchant vers le floral, vers la composition à outrance comme pour percer à fond le secret de l’attrait de la couleur quand elle est pluie de taches et de rythmes frénétiques à souhait.
Le tissu qui résume, qui indique
Dans cette même veine, se place cet intérêt singulier pour l’habit féminin qu’est la "Melhfa", investie comme réceptacle de tant de couleurs et de formes géométriques. L’artiste Brahim El Haissan a raison de s’y consacrer entièrement, comme sujet et comme outil. Car il s’agit de la femme, désir et pouvoir. Offerte et lointaine. Cet habit qui couvre sans dissimuler, se charge d’une plastique propre. Par lui vient la séduction. Brahim El Haissan le morcèle, le peint, le trempe, le déploie. En cubes installés selon une géométrie dictée par son intériorité, ma "Melhfa" est femme. Allongée, debout ou qui marche. Celles de tous les âges. Autrement dit, c’est de la trace en mouvement qu’il s’agit. Usant de la technique millénaire d’un autre espace, le Batik, il lui trouve une autre issue, un nouveau emplacement. Et la réussite est au bout, édifiante.
Brahim El Haissan fait planer un courant d’air intemporel à travers ses tableaux et ses installations. Il restitue la fuite et la donne à voir. Le nomadisme rendu spirituel par la magie plastique à l’état pur.