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Au Maroc, les transactions en monnaie virtuelle sont formellement interdites et constituent une infraction à la réglementation des changes du pays. Une décision prise en 2017 dans un souci de protection du consommateur mais qui n’a qu’un faible pouvoir dissuasif sur les jeunes marocains qui sont de plus en plus nombreux à succomber à la tentation des crypto-monnaies. A en croire les chiffres de la plateforme finlandaise LocalBitcoins, populaire au Maroc pour sa facilité à y échanger des fonds, le Royaume fait partie des quatre pays africains où le bitcoin est le plus échangé et se classe au premier rang en Afrique du Nord.
Si le bitcoin a déjà commencé à révolutionner le monde et fait l’objet de nombreuses convoitises, que ce soit auprès des géants du numérique ou de certains Etats, qui cherchent à créer leur propre monnaie virtuelle, son fonctionnement reste incompris par la majorité du grand public. Alors qu’est-ce que c’est que le bitcoin ? Comment fonctionne-t-il ? Qui est derrière sa création ? Pourquoi est-il interdit au Maroc ? Que risquent les utilisateurs de cette cryptomonnaie aussi énigmatique que fascinante ? Comment procèdent-ils pour contourner son interdiction ? Explications.
Une monnaie virtuelle anonyme, transparente et sans intermédiaire
Le Bitcoin ne fonctionne pas comme l’Euro, le Dollar ou la Livre Sterling, il s’agit d’une monnaie virtuelle qui ne dépend d’aucune autorité et d’aucune institution financière. Aucun organisme centralisé ne régule donc cette cryptomonnaie. C’était d’ailleurs l’objectif avoué de Satoshi Nakamoto lorsqu’il a créé le Bitcoin : proposer une monnaie entièrement indépendante qui échappe aux institutions financières. Si le bitcoin est une monnaie virtuelle dont la principale fonction est de réaliser des paiements en ligne, sans intermédiaire, son incroyable croissance (+1318% en 2017) a tendance à faire oublier cet aspect fondamental.
En l’absence d’autorité pour réguler le Bitcoin, sa valeur est en effet entièrement déterminée par la loi de l’offre et de la demande. C’est pourquoi son cours est aussi variable. Mais c’est également pourquoi il est possible de faire des gains colossaux en l’espace de seulement quelques heures.
La majeure partie du travail du mystérieux Satoshi Nakamoto a été réalisée à la fin de l’année 2008, alors que s’annonçait la crise financière. De nombreux spécialistes considèrent son projet comme une manière de s’affranchir des banques et des États, dont la responsabilité était alors mise en cause. Mais Satoshi Nakamoto n’a jamais confirmé ces allégations, se contentant de pointer les insuffisances techniques de l’époque. Son ambition est alors de développer un système alternatif plus efficace. Le mathématicien part du postulat que nous sommes contraints, pour garantir nos transactions, d’avoir recours à des institutions financières. Cette situation engendre, selon lui, des frais trop importants et l’acceptation d’une certaine part de fraude. «Ce dont nous avons besoin, dit-il, c’est un système de paiement électronique basé sur des preuves cryptographiques, qui permette à deux parties qui le souhaitent de réaliser des transactions directement entre elles sans avoir recours à un tiers de confiance». Ainsi est né le bitcoin.
La confiance à laquelle son créateur tient tant est garantie par les «mineurs». Le terme désigne les personnes qui mettent à profit la puissance de calcul de leurs ordinateurs surpuissants pour valider les transactions, via la technologie «Blockchain», réputée inviolable.
Les blockchains permettent, en effet, de stocker et d’échanger de la valeur sur internet sans intermédiaire centralisé. Elles sont le moteur technologique du Bitcoin et constituent une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre les utilisateurs de cette cryptomonnaie depuis sa création. Une blockchain peut donc être assimilée à un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable. Comme le décrit le mathématicien Jean-Paul Delahaye, il faut s’imaginer «un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible».
Les ordinateurs des mineurs sont le bouclier qui protège le réseau des cyberattaques. Le pirater imposerait de fournir plus de la moitié de la puissance de calcul cumulée de toutes ces machines. Difficile d’évaluer le coût précis d’une telle opération mais il s’agit sans aucun doute d’une fortune. Qu’une seule personne investisse autant dans le but de prendre le contrôle du réseau paraît donc improbable. En effet, on imagine mal un individu dépenser des sommes gigantesques pour pirater un système qui s’écroulerait aussitôt et dont il ne pourrait plus profiter.
Les Marocains de plus en plus tentés par le Bitcoin
La hausse du cours du Bitcoin a stimulé la demande de crypto-monnaie dans le monde entier. Au Maroc, une combinaison de curiosité et de désir d’autonomie financière a poussé de nombreux Marocains à se ruer vers le BTC, malgré son interdiction parla loi. En effet, en raison de la nature décentralisée des crypto-monnaies, il est tout simplement impossible de les interdire dans les faits ou même de restreindre leur utilisation. Aucun Etat n’a la capacité de le faire. Beaucoup de Marocains, même s’ils ne sont pas autorisés à acheter directement des crypto-monnaies à l’aide de leurs comptes bancaires, utilisent des plateformes d’échange pair-à-pair (peer-to-peer ou P2P), également appelées de gré-à-gré, tels que LocalBitcoins, Paxful ou Bisq qui offrent, entre autres moyens de paiment, les virements bancaires ou le paiement en cash pour effectuer des transactions de bitcoins.
Selon les chiffres de Coindesk, média américain spécialisé dans les crypto-monnaies, la plateforme d’échange P2P, LocalBitcoins, a enregistré une augmentation de 30% des inscriptions d’utilisateurs marocains entre 2019 et 2020, avec plus de 700 nouveaux comptes créés. L’ensemble de ces comptes enregistrés au Royaume sur cette plateforme aurait ainsi échangé plus de 8 millions de dirhams en transactions Bitcoins pour le seul mois de février 2021.
On peut comparer ce genre de plateforme à des sites d’annonces, où le vendeur de Bitcoin place son offre. L’acheteur entre en contact avec le vendeur et ils se mettent d’accord sur le moyen de paiement de la transaction. Celle-ci se fait le plus souvent en cash. L’avantage de ce système pour les Marocains est qu’il leur permet d’effectuer des transactions sans avoir à partager leurs informations personnelles. Il s’agit d’une sorte de garantie lorsque les transactions sont effectuées dans un pays où les crypto-monnaies sont interdites, comme c’est le cas au Maroc.
Les traders marocains sont donc de plus en plus nombreux à recourir à ce genre de plateforme. Une simple visite de Localbitcoins par exemple montre que les offres en dirhams sont nombreuses (Voir capture d’écran ci-dessous), et que rien n’est plus facile que de trouver des vendeurs ou des acheteurs Marocains. D’ailleurs, les données de ce site classent le Maroc au 36ème rang mondial pour l’activité d’échange de bitcoins. Même constat sur Bisq, l’autre plateforme de gré à gré préférée des Marocains.
Selon les données de Usefultulips, un site spécialisé qui compile les transactions en bitcoins réalisées sur les plateformes P2P, les achats en dirham de cette cryptomonnaie ont atteint, sur les 30 derniers jours, un montant de 895.012 dollars. Le Royaume se classe même en 2ème position dans la région MENA, derrière l’Arabie saoudite, qui totalise, sur la même période, 1,36 million de dollars de transactions et devant l’Egypte avec 507.182 dollars.
«Les chiffres de Usefultulips sont à prendre avec des pincettes. Il est inconcevable de comparer le Maroc, où les institutions régulatrices disent interdire les cryptomonnaies, à un pays comme les Émirats où le Bitcoin et autres monnaies sont tout à fait légales», explique un expert consultant en Internet et qui s’intéresse de près aux crypto-monnaies, dans une déclaration à nos confrères de H24Info. «En effet, tous les chiffres concernant le Maroc présentés jusqu’à présent dans la presse visent les transactions de gré à gré. Ces plateformes ressemblent donc plus à des sites d’annonces où des particuliers offrent ou demandent du bitcoin contre un paiement en espèce ou un virement bancaire en dirhams», explique-t-il. Et d’ajouter : «Or, ce mode de transaction, utilisé presque exclusivement au Royaume, car les autorités bloquent toute autre opération, n’est pas le plus utilisé dans d’autres pays où l’acquisition de bitcoin n’est soumise à aucune contrainte.
Pour rappel, l’Afrique est le continent numéro un à utiliser le bitcoin pour sa fonction initiale de transfert de valeur, sans passer par un exchanger centralisé. Ainsi, selon les données de UsefulTulips, au cours des sept derniers jours, 18millions de dollars auraient été échangés sur les plateformes P2P LocalBitcoins et Paxful.
Jugements variés en l’absence de texte
L’Office des Changes a été on ne peut plus clair sur le sujet de l’interdiction des monnaies virtuelles. A travers plusieurs communiqués, l’Office a affirmé que leur utilisation constitue une infraction à la réglementation des changes, passible de sanctions et amendes prévues par les textes en vigueur. «La réglementation des changes au Maroc stipule de manière claire que les Marocains résidents ne peuvent disposer de comptes à l’étranger que sous certaines conditions (être exportateur de biens ou de services). Toute infraction par rapport à ces règles est punie parle dispositif coercitif en vigueur», a récemment expliqué Hassan Boulaknadal, directeur général de l’Office des changes, lors d’une rencontre avec la presse. «Seules les devises ayant cours et reconnues par la Banque centrale peuvent faire office de moyen de paiement. Donc oui, l’utilisation des monnaies virtuelles est interdite», a-t-il précisé.
Pour leur part, le ministère de l’Economie et des Finances, Bank Al Maghrib et l’Autorité marocaine du marché des capitaux, ont, dans un communiqué conjoint, mis le public en garde quant à l’utilisation du Bitcoin comme moyen de paiement. Ils ont également attiré l’attention du public sur les risques associés à l’utilisation des monnaies virtuelles, dont principalement «l’absence de protection du consommateur, l’imprévisivilité et la volatilité du cours de change de ces monnaies virtuelles contre une devise ayant cours légal, ou encore l’utilisation de ces monnaies à des fins illicites ou criminelles notamment le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Si les transactions réalisées en BTC font l’objet de poursuites pénales, l’absence d’un cadre juridique clair régissant l’usage des cryptomonnaies pèse sur de nombreux dossiers dont l’issue demeure du ressort discrétionnaire des juges.
En effet, les personnes condamnées le sont généralement sur la base de l’article 339 du code pénal. Ce texte punit «la fabrication, l’émission, la distribution, la vente ou l’introduction sur le territoire du Royaume de signes monétaires ayant pour objet de suppléer ou de remplacer les monnaies ayant cours légal». Une infraction passible de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 500 à 20.000 dirhams.
Dans son numéro de juin 2020, le ministère public s’intéresse à la question dans une étude signée par Abderrahmane Lemtouni, chef du service des affaires criminelles. « Les positions contradictoires des tribunaux du Royaume dans le jugement des affaires de crypto-monnaies sont principalement dues à la nature de ladite cryptomonnaie retenue par les juges. Ceux qui considèrent que c’est une monnaie à part entière s’adossent au Code des changes et à l’article 339 du Code pénal pour incriminer les accusés alors que ceux qui considèrent pas que ce n’est une monnaie jugent que les transactions de crypto-monnaies ne constituent pas un crime en l’absence d’un texte pénal explicite. La vérité est que cette seconde approche juridique reste la plus plausible et recevable », tranche le magistrat.
La presse marocaine fait depuis quelque temps état d’arrestations occasionnelles d’individus détenant des crypto-monnaies. En 2019, le tribunal de première instance de Kénitra a condamné deux personnes sur la base de l’article 339. Ils ont ainsi écopé de 5mois de prison avec sursis et une amende de 10.000 DH. Dans un autre jugement rendu en 2017, le tribunal de première instance de Marrakech a, en revanche, innocenté un prévenu préalablement poursuivi «pour distribution de monnaie virtuelle bitcoin sans autorisation de l’office des changes». La juridiction répressive a justifié l’acquittement par le fait que «la réglementation des changes s’applique aux monnaies traditionnelles et non pas aux monnaies électroniques et virtuelles». Cette position a été confirmée une année plus tard par la cour d’appel de Marrakech, souligne Médias 24.
Bien souvent, l’utilisation du Bitcoin n’est pas incriminée en tant que telle, mais apparaît parallèlement ou dans le cadre de dossiers de blanchiment de capitaux. Dans une affaire à Mohammedia, elle a même été retenue en tant qu’élément matériel pour le délit de «réception de fonds du public et opération de crédit sans agrément», souligne la même source. Le prévenu avait été condamné à 1 an et 6 mois de prison ferme et une amende de 11,2 MDH au profit de l’administration douanière.
Un premier pas prudent de la BAM
Si l’Office de changes a décidé l’interdiction officielle du recours à la cryptomonnaie depuis 2017, il n’en demeure pas moins que début 2021, Bank Al-Maghrib a ouvert une brèche dans ce front d’interdiction en mettant en place un comité de réflexion destiné à explorer les opportunités de déploiement d’une monnaie centrale digitale, connue communément sous le nom de Central Bank Digital Currency (CBDC).
Lors d’un point de presse tenu en mars dernier, le Wali de BAM, Abdellatif Jouahri avait confirmé que le Maroc s’inscrivait dans le débat mondial autour des crypto-monnaies. Une réflexion qui a été catalysée par la crise sanitaire et ses répercussions.« La crise a démontré que le numérique va prendre beaucoup de place et d’importance et pas uniquement dans le registre du commerce et des échanges, mais également sur le plan monétaire. J’ai dit à mon équipe qu’il fallait être agile et proactif à ce sujet, et que l’on doit mettre en place un comité avec une mission et différents groupes de travail. Nous avons commencé en ce sens» a-t-il expliqué.
Abdellatif Jouahri a également précisé que le Maroc prenait part à différentes discussions avec des acteurs internationaux sur le sujet pour bénéficier des retours d’expérience. «Ce comité est constitué de trois groupes de travail et nous sommes même en relation avec des banques avancées dans ce domaine. Notamment avec la banque du Canada, celle d’Angleterre et la Banque nationale suisse qui ont mené une expérience sur le sujet. Tout le monde est en train de juger non pas seulement l’innovation mais aussi les risques » a indiqué le gouverneur de BAM.
Pour lui, une réglementation claire doit d’abord être élaborée avant de considérer le lancement d’une monnaie virtuelle. « Ce que nous disons, c’est qu’il ne faut pas que nous soyons en retard. C’est un moyen qui peut être très utile car il est innovant et peut même être dans l’intérêt du consommateur car il peut faire baisser les coûts. Mais tout cela dépend par quoi nous allons commencer, terminer et dans quel environnement nous allons agir», explique-t-il.
Si le lancement n’est pas pour tout de suite, le suivi de ces actifs doit se faire pour ne pas être dépassé par l’envergure du sujet. «Nous ne souhaitons pas qu’il y ait de fracture entre nous et les pays développés. Il vaut mieux que sur le plan des études, et des domaines à approfondir, on puisse constituer une vision et une documentation qui permettent de dire par quoi nous devons commencer et comment encadrer si nous décidons de nous lancer. Il faut mener des campagnes de communication, de sensibilisation, de formation et cela n’est pas facile à réaliser auprès d’un public qui est attaché à une culture du cash » explique le gouverneur.
L’OCP, première entreprise africaine à exécuter une transaction commerciale via la technologie Blockchain
Le premier producteur mondial de phosphates et leader mondial sur le marché des engrais phosphatés a récemment réalisé une grosse transaction commerciale de 400millions de dollars via la technologie Blockchain. La transaction a été réalisée avec la Banque de commerce et de développement de l’Afrique de l’Est et australe (Trade and Development Bank – TDB) et dlt ledgers, une société basée à Singapour et principale entreprise indépendante de blockchain dans la numérisation des échanges commerciaux et chaînes d’approvisionnement.
Il s’agit d’une première au niveau africain, puisque c’est la toute première entreprise africaine à exécuter une transaction commerciale intra-africaine utilisant cette technologie. «Cette transaction a permis de financer l’expédition d’engrais phosphatés du Maroc vers l’Ethiopie. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie de digitalisation du Groupe visant à contribuer notamment à la réduction du déficit de financement du commerce en Afrique et à stimuler le commerce intra-africain, en particulier dans le secteur des engrais, grâce à l’inclusion digitale», explique le Groupe.
Ceci intervient au moment où le déclin de l’usage des espèces s’est accéléré ces derniers mois sur fond de crise du Covid-19, là où les paiements numériques ont, quant à eux, connu une croissance très importante et où les monnaies numériques et les cryptoactifs jouent un rôle croissant sur les marchés financiers.
Jamais les qualités d’une monnaie à l’ancienne
Si les cryptomonnaies font de plus en plus d’adeptes à travers le monde, la plus populaire d’entre elles n’aura jamais les qualités d’une monnaie “à l’ancienne”, mettent en garde deux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) dans une tribune pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, grand quotidien conservateur et libéral. Sa diffusion de plus en plus large pourrait même causer «des dommages sociaux considérables». «Ne vous laissez pas berner par le bitcoin», mettent en garde les deux hauts responsables. Non seulement il ne tient passes promesses, expliquent Ulrich Bindseil et Jürgen Schaaf, mais «l’auto-illusion collective a désormais atteint une dimension susceptible de causer des dommages sociaux considérables». Le bitcoin était supposé «créer une monnaie mondiale efficace», «être à l’abri de l’inflation et permettre de fortes plus-values» tout en libérant «l’individu souverain» du poids de l’État. Las, «le château de cartes menace de s’effondrer”.
Le bitcoin «est trop volatile et trop coûteux» pour remplir les critères classiques d’une monnaie – «unité de compte, moyen de paiement, réserve de valeur». Il est impossible qu’il concurrence la gouvernance traditionnelle des infrastructures de marché, la preuve en est «l’échec” du Salvador, où le bitcoin «n’a pas été accepté parla population.
Nul besoin d’être un virtuose de la finance «pour comprendre que le prix du bitcoin sera tôt ou tard nul». Les spéculateurs qui misent sur sa rareté se trompent. «C’est seulement la demande subjective utile qui rend un bien rare et donc précieux», l’enthousiasme ne suffisant pas à long terme. «La fièvre du bitcoin a toutes les caractéristiques d’une bulle spéculative fondée sur la théorie du plus grand fou», selon laquelle «la valeur augmente tant que le plus grand fou suppose qu’il peut vendre ultérieurement à un prix plus élevé».
Quant à «la perspective de se libérer du contrôle de l’État et des autorités centrales qui abusent de leur pouvoir», c’est oublier que «la liberté a besoin de règles, sinon c’est l’anarchie».
Vouée à différents sorts à l’international
Les deux directeurs de la BCE évoquent le cas du Salvador qui a récemment approuvé une loi convertissant le Bitcoin en monnaie légale. Il s’agit d’une initiative défendue par le président Nayib Bukele, afin de « dynamiser la croissance de ce pays d’Amérique centrale ». L’objectif est de générer des emplois et de « permettre une inclusion financière à des milliers de personnes qui sont en dehors de l’économie légale », a expliqué Nayib Bukele, précisant que « 70% de la population n’a pas de compte en banque et travaille dans l’économie informelle ». Dans ce pays d’Amérique centrale, où le dollar américain sert de monnaie officielle, et donc où s’appliquent les décisions de la Banque centrale des Etats-Unis, les envois de fonds des Salvadoriens depuis l’étranger sont un soutien important et représentent 22% du Produit intérieur brut (PIB). L’initiative de Nayib Bukele en faveur du Bitcoin a également trouvé écho dans d’autres pays d’Amérique Latine, déclenchant les prémices de ce qui ressemble à une internationale de cette « monnaie ».Au Paraguay, en Argentine, au Panama et au Brésil, des hommes politiques ont affiché leur soutien aux crypto-monnaies sur Twitter.
En revanche, le Bitcoin est actuellement considéré comme illégal dans 6 pays selon des données publiées par le Financial Times. Il s’agit du Maroc, de la Bolivie , de l’Algérie, de l’Égypte, du Népal et du Bangladesh.
D’autres Etats, comme la Turquie et la Chine, ont récemment pris la décision de restreindre l’utilisation des crypto-monnaies. Le premier a interdit les paiements en Bitcoin au mois d’avril, face à l’écroulement de la Lire turque et à l’engouement de sa population pour les crypto-devises. De son côté, la Chine a annoncé en mai qu’elle interdisait son utilisation aux institutions financières et banques du pays, officiellement pour protéger son économie du trading spéculatif. Mais pour certains analystes, cette défiance du régime chinois envers le Bitcoin s’explique aussi par le lancement de sa propre monnaie virtuelle nationale, davantage “contrôlable” et dont il souhaite étendre l’usage.
Pour d’autres analystes, comme Ronnie Moas, le Bitcoin va atteindre les 400 000$ d’ici deux ans. Pour le célèbre John McAfee, cette cryptomonnaie pourrait atteindre le million de dollars dans quelques années. Face à cet engouement, certains gourous de la monnaie virtuelle se montrent prudents et plutôt pessimistes. Le suédois et créateur du site Bitcoin.com Emil Oldenburg a d’ailleurs préféré tout revendre. Selon lui, le Bitcoin est devenu inutilisable et pourrait bien ruiner certains investisseurs.
Quoi qu’il en soit, un nombre croissant de gouvernements choisissent d’adopter l’innovation numérique en matière de devises. En même temps, les pays qui s’opposent à ce secteur émergeant risquent d’être laissés pour compte. Ironiquement, ces pays font déjà partie des plus pauvres du monde et la répression généralisée du Bitcoin et de la cryptomonnaie ne semble en aucun cas participer à l’amélioration de la situation. Bien au contraire, fournir aux entreprises de cryptomonnaies une réglementation favorable présente une excellente opportunité d’apporter de l’innovation, du capital, des recettes fiscales et d’améliorer le niveau de vie de toute la population.
L’énigmatique Satoshi Nakamoto
Des chiffres insolites mais éloquents
Créé en 2009, le bitcoin a intégré des plates-formes d’échange l’année suivante. En 2010,son coursle plus haut a atteint 0,39$. Si vous aviez investi 1000$ à ce moment-là, vous posséderiez donc 2 564 BTC, soit un pactole de plus de 158M $ à son cours actuel de 61.962$ (25 octobre 2021).
21 millions
Le bitcoin repose sur la blockchain, un genre de livre de comptes numérique transparent qui recense tous les mouvements. Pour assurer son inviolabilité, les transactions sont validées par des millions d’individus ou entreprises, les «mineurs», qui allouent de la puissance de calcul informatique à cette tâche complexe. En récompense, ils obtiennent des bitcoins. Dès 2009, Satoshi Nakamoto a fixé le stock total de bitcoins à 21 millions. À ce jour, 18,7 millions ont été minés. Mais plus le temps passe et plus le minage est fastidieux : le rythme est divisé par deux tous les quatre ans. Le dernier bitcoin ne sera produit qu’en 2140.
4 millions de pertes
Il y a plusieurs possibilités pour stocker ses cryptos. La plus répandue : les conserver sur les plates-formes où on les achète, comme Coinbase ou Binance. Mais le risque est double : que son compte, voire la plate-forme entière, soit piraté. Le plus sûr consiste à les stocker dans des « portefeuilles froids », soit en ligne, soit offline, sur des clés USB spécifiques, avec des mots de passe quasi inviolables. Mais il y a un autre risque : égarer le mot de passe ou la clé USB. On estime que, chaque jour, 1 500 bitcoins seraient perdus, soit environ 4millions depuis sa création.
5000 bitcoins la pizza
La première transaction commerciale réglée en bitcoins a eu lieu le 22 mai 2010. Laszlo Hanyecz, un développeur floridien, s’acquittait des 30 $ que valaient deux pizzas de la chaîne Papa John’s avec 10 000 BTC. Au cours actuel, cela reviendrait à plus de 300 M $ la pizza !En souvenir, le 22mai est désormais célébré comme le «Bitcoin Pizza Day». Quant à Laszlo Hanyecz, il l’a souvent répété depuis : non, il ne regrette rien.
100 millions d’utilisateurs
Même si on ne le saura jamais exactement – car un utilisateur peut avoir plusieurs adresses et qu’à l’inverse une seule adresse (comme celle d’un exchange, plate-forme d’échange) peut regrouper les bitcoins de centaines de milliers de personnes –, on estime qu’environ 100 millions d’individus possèdent au moins un satoshi (la plus petite division des bitcoins: 100millions de satoshis équivalent à 1 BTC).
807 427 transactions par carte bancaire
C’est l’équivalent de l’énergie consommée pour réaliser une transaction en bitcoin. La phase du minage, correspondant à la validation des transactions, est le gros point noir. La blockchain du bitcoin consomme aujourd’hui 110 térawattheures par an, soit l’équivalent de la consommation de 4 réacteurs nucléaires.
654 632 bitcoins
C’est ce que possède le fonds d’investissement Grayscale Bitcoin Trust, ce qui en fait la plus grosse des baleines dont l’identité est connue. En seconde position, on trouve le gouvernement chinois(195 000BTC), et le podium est complété par Block.one (164 000), une entreprise spécialisée dans la conception de blockchains. Le gouvernement américain arrive en cinquième position (70 000) et Tesla (42 000), en dixième.