"Bienvenue en Irak!": quand la jeunesse de Bagdad maudit ses aînés


AFP
Vendredi 10 Mai 2013

"Bienvenue en Irak!": quand la jeunesse de Bagdad maudit ses aînés
Un coup d'oeil dans le rétro et Moustafa plastronne. Le jeune Irakien soulève sa moto et fait 200 m en roue arrière. Mais aux vivats de ses fans se mêle soudain le ululement des sirènes. "C'est toujours comme ça", peste Ahmed. "La police nous empêche de nous amuser".
Une poignée de policiers débraillés ordonnent aux motards d'aller faire vrombir leurs moteurs ailleurs. Spectateurs et cascadeurs décampent comme une volée de moineaux.
La scène, qui se répète chaque vendredi, reflète la sourde incompréhension intergénérationnelle dont souffre l'Irak, dix ans après la chute du régime de Saddam Hussein.
"Les policiers disent que ça fait partie de leur stratégie pour sécuriser Bagdad", souffle Ahmed, co-organisateur du rassemblement hebdomadaire qui tient en haleine les férus de deux-roues sévèrement trafiqués.
La parade se joue sur une rampe d'accès à une des principales artères de Bagdad. Problème: le bout de bitume n'est pas fermé à la circulation.
Et lorsque Moustafa et la demi-douzaine de motards enchaînent dérapages et figures acrobatiques, leurs cascades provoquent la stupeur des automobilistes qui tentent tant bien que mal de les éviter.
"J'aimerais bien qu'ils aient un endroit à eux. Mais on ne peut rien faire. Nous ne pouvons pas fermer la rue et puis c'est dangereux comme hobby", lâche un policier qui refuse de donner son nom.
"On voudrait faire comme dans les autres pays. A l'étranger, il y a des clubs où chacun peut s'adonner à sa passion", râle Moustafa, 22 ans. Selon des données américaines, 57% de la population irakienne a moins de 25 ans. Mais une bonne partie de la jeunesse urbaine a énormément de mal à se reconnaître dans le modèle offert par les aînés en général, et la classe dirigeante en particulier. Empêtré dans une crise à rebondissement, accaparé par les violences, le gouvernement de Nouri al-Maliki semble avoir d'autres priorités que de s'attirer les bonnes grâces de la jeunesse.
Malgré ses 6 millions d'habitants, la capitale irakienne ne dispose d'aucune salle de cinéma ou de concert ouverte à tous.
Avec le titre de "capitale culturelle du monde arabe" que porte Bagdad cette année, les autorités tentent de redresser la barre en organisant une pléthore de concerts et d'expositions.
Mais à en croire Icham, un étudiant en musique de 25 ans, l'urgence n'est pas tant culturelle que sociétale.
A Bagdad "il n'est même pas possible de se balader avec une copine. Pourquoi? Bienvenue en Irak!", ironise-t-il. "Les gens, les parents, le gouvernement, les tribus. Ils pensent tous que c'est mal, un point c'est tout", tonne le jeune homme, qui ne souhaite pas donner son vrai prénom.
La fin du régime de Saddam Hussein a précipité l'avènement d'une caste religieuse ultraconservatrice, arc-boutée sur ses positions politiques et les questions de société.
Et Icham assure qu'il lui coûte de révéler à certains de ses proches qu'il étudie la musique. "Parfois, on me traite de tous les noms. Des gens que je connais me disent: +la musique, c'est haram+", interdit par l'islam.
"On voudrait que le gouvernement s'occupe des jeunes. Il faudrait qu'il arrête d'organiser des festivals ou des événements politiques sans importance", lance l'un d'eux, Adel. "C'est nous qu'il faut aider".


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