Bastonnade post-électorale

Le gouvernement joue les prolongations et bride ses 10.000 cadres enseignants


Larbi Bouhamida
Mardi 18 Octobre 2016

Les forces de l’ordre ont violemment réprimé  la  manifestation des cadres du Programme gouvernemental de formation de 10.000 cadres pédagogiques au prétexte qu’elle n’a pas été autorisée par les autorités compétentes.  Leur intervention dimanche à l’intersection de l’Avenue des FAR et l’avenue Hassan II sur le ressort territorial de la préfecture des arrondissements de Casablanca-Anfa  fut  violente, à en juger par les vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux.
Lénifiant, le communiqué qui a été publié à ce propos par la wilaya de Casablanca n’a cité  que huit cas « d’évanouissement simulés parmi les manifestants», sans évoquer, le moins du monde, les raisons véritables de ce dérapage qu’il faut mettre sur le compte de  la manière forte avec laquelle l’Exécutif a fait face à tous les mouvements sociaux depuis son investiture.   
Le texte en question se contente aussi  de préciser  que  « les forces de l’ordre ont interdit cette manifestation non autorisée, en application des lois et règles en vigueur et dans le souci des autorités publiques de préserver la sécurité publique et ne pas attenter aux intérêts des citoyens ou encore entraver la circulation sur la voie publique et exposer les biens d’autrui au danger ». Ce qui constitue, en quelque sorte, un jugement de valeur de nature à justifier l’interdiction de toute expression de mécontentement sur la voie publique. 
Il convient de rappeler à ce propos qu’en ayant refusé  toute intégration automatique des lauréats CRMEF  dans la Fonction publique qui est en vigueur depuis des décennies,  le gouvernement Benkirane savait qu’il menait le secteur vers l’irréparable et à une surcharge des classes telle qu’aucun maître d’école ne pouvait assumer sa mission pédagogique dans des conditions normales. Il avait certes été contraint de faire marche arrière vu la forte résistance de ces lauréats, mais le mal a été déjà fait. Aussi s’est-il trouvé actuellement dans l’obligation de parer au plus pressé pour permettre à l’année scolaire actuelle de se dérouler dans des conditions acceptables, et ce en  recrutant, par voie de concours, 10.000 enseignants dans différentes matières et disciplines. 
Une décision qui atteste doublement de l’incohérence de la politique suivie par lui en matière d’enseignement. Elle l’est parce qu’il a fait des mains  et des pieds, voire avec violence, de recruter directement les lauréats issus cette année des différents centres régionaux des métiers de l’éducation et de la formation (CRMEF). Elle l’est ensuite parce que cette opération de recrutement de 10.0000 enseignants contractuels mobilisera des fonds supplémentaires colossaux dans le cadre d’un budget concocté en dehors du projet de loi de Finances 2017 dont l’encre n’a même pas encore séché.
Pour parer au fléau de la  saturation des classes  ayant marqué la  rentrée scolaire actuelle et au  déficit criant en termes de ressources humaines (quelque 24.000 départs à la retraite cette année), ce recrutement sur concours de contractuels concerne 2.500 enseignants pour le primaire, 3.20 enseignants pour le secondaire  collégial et  3880 enseignants pour le secondaire qualifiant. Mais de fait, et si l’on en croit une déclaration du ministre de tutelle à un journal électronique de la place, il ne s’agirait pas de recrutement, mais d' « un concours pour l'obtention du certificat de qualification pédagogique. Le but est de vérifier si les candidats présélectionnés ont les compétences requises pour enseigner à l’issue d’une année de formation. Autrement dit, ce n’est qu’après l'obtention du diplôme, que les candidats en question seront aptes à passer les concours de recrutement des enseignants ».
Une décision qui n’a pas été du goût des futurs enseignants qui sont venus en masse dimanche matin  à Derb Omar  pour crier haut et fort leur  rejet  de cette mesure de précarisation de l’emploi dans le secteur, mais les forces de l’ordre les en ont empêchés, ce qui les a poussés à changer de destination pour jeter l’ancre   à la Place des Nations unies. Cela n’a pas eu l’heur de plaire aux forces de sécurité qui, selon des témoignages concordants, auraient usé d’une violence disproportionnée pour les évacuer faisant ainsi des blessés parmi ces manifestants pacifiques.  
Une situation que l’on ne peut que déplorer. Ceci d’autant plus qu’il n’est un secret pour personne que ces futurs enseignants ne réclamaient rien d’autre que leur droit au travail et la mise en application des promesses que l’actuel Exécutif leur a données. Il n’est également un secret pour personne qu’au plus haut sommet de l’Etat, la sonnette d’alarme avait été tirée depuis fort longtemps    
Dans son discours, adressé à la Nation le 20 août 2013, S.M le Roi avait, en effet,  dévoilé l’état catastrophique de notre système éducatif en demandant qu’il soit désormais considéré comme un projet sociétal, global et cohérent. 
Il n’est donc  plus question que le gouvernement persévère  dans sa politique de l’autruche voire du bâton parfois pour ne pas avoir à reconnaître une bonne fois pour toutes  que ce secteur, vital pour le développement de notre pays, vit un réel problème et que s'il est des secteurs qui exigent beaucoup d’attention et de sérieux dans la vie d'une nation, celui de l'enseignement  occupe une place sinon vitale ou du moins privilégiée. Ce  secteur doit donc nécessairement mériter beaucoup d’attention et des moyens humains, matériels et financiers conséquents puisqu’il constitue la voie idoine pour former et préparer  les générations futures et les rendre à même de prendre la relève en matière des responsabilités, étant entendu que la moindre négligence à ce niveau ne pourrait que conduire à une catastrophe dont l’onde de choc pourrait être fortement dévastatrice. Le gouvernement doit s’en convaincre, sinon il en assumera la lourde responsabilité devant l’histoire.     
 


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