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Il avait 18 ans. Voter, "ça signifie beaucoup pour moi", souligne cet étudiant en médecine dans la capitale Juba, aujourd'hui âgé de 31 ans: "Ça veut dire que je pourrai voter pour le dirigeant de mon choix".
Depuis la fin de la guerre civile qui a ravagé le pays entre 2013 et 2018 (400.000 morts, des millions de déplacés), la promesse d'élections a été constamment repoussée.
Le plus jeune pays du monde reste dirigé par un gouvernement "de transition", mis en place dans le cadre d'un accord de partage du pouvoir entre les deux rivaux qui ont mis le pays à feu et à sang, Salva Kiir et Riek Machar, respectivement président et premier vice-président.
Après 2022, puis 2023, les élections sont désormais fixées à décembre 2024. Mais à huit mois de l'échéance, rien n'est organisé et les deux principales forces politiques, le SPLM de Salva Kiir et le SPLM-IO de Riek Machar, n'ont pas d'accord sur l'organisation d'un scrutin.
Comme de nombreux Sud-Soudanais, Malek Arol ne se berce pas d'illusions: "Nous n'avons aucun pouvoir en tant que citoyens. (...) S'ils reportent, nous n'avons aucun pouvoir. Notre seul pouvoir est de crier, de dire que les élections doivent se tenir".
"Le fait que les élections se tiennent ou non dépend de la volonté politique des dirigeants de ce pays", estime également Agustino Duku Ilario.
Ce travailleur social à la retraite de 65 ans exhorte: "La population de ce pays a beaucoup souffert (...) Même si nous ne faisons pas confiance à nos dirigeants, ils doivent aussi voir la souffrance du peuple, écouter la voix du peuple".
Evoquant la situation du pays, où les rivalités politiques viennent s'ajouter aux violences interethniques, difficultés économiques et calamités climatiques, Nunu Diana Alison est pessimiste.
Le Soudan du Sud n'a toujours pas rempli les objectifs prévus dans l'accord de 2018: écrire sa Constitution, former et déployer une armée, créer un système judiciaire...
"Nous n'avons aucun calendrier électoral et nous avons un espace civique et politique qui continue de se restreindre", ajoute cette mère de cinq enfants, qui travaille dans une association de défense des droits des femmes.
L'ONU et des ONG de protection des droits humains accusent régulièrement les dirigeants sud-soudanais de réprimer les libertés publiques par des arrestations, interdictions de manifestations...
"Il (le gouvernement) n'a pas donné la liberté aux autres partis d'exercer leurs droits, la liberté d'association, de faire campagne et de dispenser une éducation civique aux citoyens à travers le pays", ajoute Nunu Diana Alison.
Si elles ont lieu, "ce ne seront pas des élections libres et équitables", lâche-t-elle.
Tous ont la même attente: réduire un gouvernement pléthorique - qui compte notamment cinq vice-présidents - et mettre fin à la gabegie financière dans le pays, un des plus corrompus au monde, englué dans la misère malgré d'importantes ressources pétrolières.
"Si nous avions un vice-président, les ressources utilisées pour les quatre autres seraient utilisées pour d'autres services", résume Malek Arol.
"Nous devons organiser des élections et nous assurer d'aller vers un gouvernement allégé où nos ressources pourront couvrir les dépenses publiques", abonde Nunu Diana Alison.
Mais la peur des violences, qui ont jalonné la jeune histoire du pays, est dans toutes les têtes.
"Il y a une corde politique qui se tend entre le SPLM et le SPLM-IO. Cette corde est très élastique, elle ne va pas casser tout de suite. Mais au final, on s'attend à des violences", explique Malek Arol.
"Il y a des personnes qui attendent les élections pour avoir une chance d'entrer au gouvernement et qui peuvent s'impatienter. Ils peuvent prendre des armes et faire des bêtises", ajoute-t-il.
Pour Agustino Duku Ilario, les citoyens doivent autant que possible faire entendre leur désir d'élections pacifiques: "Dans les quelques mois qui restent, nous devons sensibiliser les dirigeants pour que ces élections ne ramènent pas le pays dans un autre cycle de violence".