Au Salvador, une rivière polluée témoin des craintes des opposants à la relance de l'exploitation minière


Libé
Vendredi 14 Mars 2025

Au bord d'une rivière sans poissons, à l'eau trouble et malodorante en contrebas d'une mine d'or fermée en 2006, des défenseurs de l'environnement déclarent que la relance de l'exploitation minière de métaux approuvée par le Parlement du Salvador génèrera de nouvelles pollutions.
Le Salvador avait alors été le premier pays au monde à interdire toute licence ou concession de mines de métaux, que ce soit à ciel ouvert ou souterraines, ainsi que l'usage de produits chimiques toxiques comme le cyanure ou le mercure
"Voilà le résultat", dit à l'AFP Graciela Funes, une responsable de communauté locale en brandissant une bouteille d'eau de couleur cuivrée tirée de la rivière San Sebastian, à Santa Rosa de Lima, dans l'est de ce petit pays d'Amérique centrale.
"On ne peut pas se permettre encore ça. Nous avons tous besoin de ce liquide vital" qu'est l'eau, affirme cette femme de 67 ans.
Sur proposition du président Nayib Bukele, le Parlement a abrogé fin décembre l'interdiction de l'extraction minière de métaux en vigueur depuis 2017.

Le Salvador avait alors été le premier pays au monde à interdire toute licence ou concession de mines de métaux, que ce soit à ciel ouvert ou souterraines, ainsi que l'usage de produits chimiques toxiques comme le cyanure ou le mercure.

Mais M. Bukele, arrivé au pouvoir en 2019 et triomphalement réélu en 2024, a fait valoir que, selon une étude dont il n'a pas révélé l'auteur, le sous-sol salvadorien regorgeait de gisements aurifères estimés à 131 milliards de dollars, soit "380% du PIB".

Comme de nombreux opposants, le président de l'ONG "Centro Salvadoreño de Tecnologia Apropiada", Ricardo Navarro, précise à l'AFP que ce chiffre est "surestimé".
Selon lui, "la concentration d'or dans le sol salvadorien est d'un gramme par tonne de roche, soit peu d'or et beaucoup de dégâts".

L'économiste Julia Martinez souligne également l'absence d'étude "où est expliqué si cet or existe vraiment", et estime que M. Bukele "a été trompé". Selon elle, les compagnies minières qui obtiendront des concessions s'arrangeront pour "payer des miettes" en redevances fiscales.

Les futures zones d'exploitation minières mettront en danger, selon les défenseurs de l'environnement et l'Eglise catholique, la rivière Lempa qui approvisionne en eau 70% des habitants de la capitale et de ses environs.

L'analyste Nelson Flores à l'inverse rejette ce "scénario apocalyptique", et note qu'il serait "absurde" de se passer de l'exploitation de ces filons d'or, "opportunité de développement économique" et "source d'emploi" qui offrirait "de meilleures conditions de vie pour la population".

"L'exploitation minière a progressé et il y a des méthodes d'extraction plus modernes, respectueuses de l'environnement et protégeant les ressources naturelles indique-t-il.
Le texte approuvé par les parlementaires interdit l'utilisation de mercure dans les opérations minières. Celles-ci ne pourront être effectuées ni dans les zones naturelles protégées ni dans les sites de captage d'eau.

Pendant une bonne partie du XXe siècle, la mine de San Sebastian était considérée comme "la plus productive d'Amérique centrale", explique à l'AFP la biologiste Cidia Cortés, auteure d'une étude sur l'exploitation minière.
 
Entre 1904 et 1953, au moins 32 tonnes d'or ont été extraites mais l'exploitation "a laissé un héritage de misère, des maladies et des dommages environnementaux", rapporte son étude.

La licence accordée en 1987 à l'entreprise américaine Commerce Group avait été révoquée en 2006. En 2016, le Bureau du défenseur des droits de l'Homme avait indiqué dans un rapport que cette mine avait "gravement affecté la qualité et la disponibilité" de l'eau dans cette zone agricole du département de La Union.

Selon Mme Cortés, "il y a une dette en suspens de l'Etat pour les dégâts environnementaux et à la santé" causés par l'exploitation de cette mine. Et "cette dette va s'aggraver de nouveau avec l'exploitation minière" au Salvador, s'alarme-t-elle.

"D'autres rivières au Salvador peuvent aussi être polluées, et c'est pour cette raison que nous essayons de sensibiliser la population sur l'impact de l'exploitation minière", renchérit Luis Gonzales, défenseur de l'environnement sur les bords de la rivière San Sebastian.

L'exploitation minière "peut générer du développement et des profits, mais seulement à l'oligarchie du pays et aux sociétés transnationales, mais pas aux communautés, à la société, ni au peuple" auxquels elle n'apporte que "destruction et mort", ajoute-t-il.


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