Assignés à l’hôtel, ils témoignent de la colère de la rue face au Pouvoir : Des médecins marocains ont vécu en direct les émeutes d’Alger


Narjis Rerhaye
Mercredi 12 Janvier 2011

«48 heures en enfer, ou presque ! ». Ce groupe de médecins marocains se souviendront longtemps de leur voyage algérien. La rencontre sur le cancer du sein, faisant écho aux grandes  recommandations du Congrès San Antonio organisé à Alger les 7 et 8 janvier 2011, a tourné court pour des raisons hautement sécuritaires. Sous les émeutes d’Alger, les chirurgiens-cancérologues, oncologues, cancérologues, radiothérapeutes méditerranéens ont eu bien du mal à tenir leurs débats scientifiques.
«On l’a constaté dès notre atterrissage, jeudi matin,  à l’aéroport Houari Boumedienne, les mesures de sécurité étaient extrêmement renforcées. La police était sur les dents, nerveuse. Les émeutes d’Alger avaient commencé la veille de notre arrivée », témoigne le chirurgien cancérologue Abdelilah Souadka qui faisait partie du groupe de cancérologues marocains invités à la manifestation scientifique organisée par l’Association des radiothérapeutes et oncologues de la Méditerranée. « A l’arrivée, la police des frontières  nous l’a dit : ça va mal. Une déclaration qui était loin d’être rassurante. Là, j’ai compris que nous allions être pris au piège », renchérit Habib Faouzi, radiothérapeute à Rabat.
En route vers l’hôtel,  situé à proximité du centre de la capitale algérienne, les médecins marocains découvrent un spectacle de désolation. « Les traces des violences de mercredi soir étaient encore visibles. Pneus calcinés, odeur âcre dans l’atmosphère, bris de verres. Les rues algéroises  témoignaient avec fracas des violences et heurts entre les jeunes qui manifestaient et les forces de l’ordre. Nous avons traversé la ville pour nous rendre à notre hôtel, le Sofitel d’Alger. Et ce que nous avons vu prêtait vraiment à inquiétude », soutient le chirurgien cancérologue.
Des mesures de sécurité encore plus renforcées que jamais dans les aéroports mais aussi en ville et dans les grands hôtels. « Notre taxi a été soigneusement fouillé. Le représentant des forces de sécurité a ouvert aussi bien le capot que le coffre. Les attentats à la voiture piégée ont laissé un souvenir douloureux aux Algériens. Ce jeudi matin, alors que notre véhicule était contrôlé, on s’est vraiment rendus que  la  décennie meurtrière qui avait ensanglanté l’Algérie dans les années 90 n’était pas finie », déclare Pr Souadka.

Interdiction de quitter l’hôtel, au nom de la sécurité !

Dans la soirée de jeudi 7 janvier, quelques heures seulement après leur arrivée, les médecins marocains n’ont pas le droit de quitter leur hôtel. « Pour votre sécurité », leur fait-on valoir. Commence alors une longue soirée. « Tu es assigné à l’hôtel, dans ta chambre, condamné à ne pas sortir.

C’est un étrange sentiment. Parce qu’on ressent vraiment l’enfermement. A la télévision, on essayait de suivre  ce qui se passait. La télévision algérienne a bien tenté de minimiser ces violences dues à la flambée soudaine des prix. Le ministre du Commerce a fait une vague déclaration pour expliquer les hausses des prix. Mais les images diffusées sur les chaînes satellitaires montraient la colère de ces jeunes prêts vraiment à tout ».
Vendredi matin, le groupe des cancérologues venu du Maroc peut enfin se rendre au congrès qui tient ses travaux à l’hôtel Mercure, près de quartiers populaires qui n’ont pas été épargnés par les émeutes. C’est dans le quartier populaire de Bab El Oued que tout a commencé avant que la colère d’une population excédée par la cherté de la vie ne  gagne le centre-ville et de nombreux autres quartiers d’Alger. Voitures calcinées, magasins saccagés, vitrines brisées, hôtel brûlé, les show room de Renault et Dacia détruits : les scènes d’émeutes du jeudi soir ont été d’une violence inouïe. « En nous rendant en voiture au congrès, nous avons découvert un véritable champ de ruines. La violence avait atteint des sommets jeudi soir. On parlait déjà de deux morts parmi les manifestants et surtout d’un vendredi de la colère. D’ailleurs, on nous a demandé de quitter le congrès avant la prière d’Ad Dhor, l’hôtel où se déroulaient les travaux de cette manifestation se trouvant à quelques encablures d’un quartier populaire », atteste ce médecin de Rabat qui n’est pas près d’oublier son voyage à Alger. C’est un long week-end qui a commencé pour ces Marocains coincés à Alger.

Des Algériens habitués
et résignés
Un sentiment d’insécurité est perceptible, d’autant que la police, atteste Dr Faouzi Habib, semble indifférente aux biens privés saccagés par les manifestants. « Mais le plus étrange dans tout cela, c’est que la population algérienne donne l’impression d’être  habituée à ces violences mais aussi résignée à cet immense malaise social. Même la classe dite des intellectuels et des médecins fait montre de cette résignation face aux détournements et à l’argent qui ne profite qu’aux généraux et gouvernement. Nous avons discuté avec nos collègues algériens.  Ghalab Allah, disent-ils de manière récurrente. Durant ces 48 heures passées à Alger, j’ai eu l’impression que le peuple algérien était vraiment schizophrène : les Algériens sont heureux tout en se demandant où va l’argent du gaz et du pétrole et se plaignant de l’argent du social détourné!», s’exclame Dr Faouzi Habib
Contrairement aux médias publics, les journaux algériens suivent de très près la contestation populaire et, surtout, l’ampleur qu’elle n’en finit pas de prendre.  La presse accole très vite une expression à ces manifestations violentes où plusieurs centaines de jeunes à la marge et au chômage déversent leur colère contre le régime algérien : « Les émeutes du pain ». « Ces manifestations sont en principe  l’expression d’un véritable malaise social. Mais en même temps, on n’a vu aucun homme politique algérien s’exprimer sur ces émeutes. Ce qui me fait dire qu’il n’y a visiblement pas d’encadrement de la population et encore de cette jeunesse sortie dans la rue », relève ce radiothérapeute marocain.
Dimanche, un comité interministériel se tient. Le gouvernement algérien annule la hausse des prix des denrées alimentaires de base. Samedi soir, le ministre de l’Intérieur présente du bout des lèvres ses condoléances aux familles des victimes et annonce que les pouvoirs publics « vont réparer ce qui est réparable ». Les émeutes du pain qui ont secoué plusieurs villes algériennes ont fait cinq morts et plus de 800 blessés. Ce dimanche 9 janvier, il est 12 heures quand le groupe des cancérologues du Maroc embarquent enfin dans un avion de la Royal Air Maroc à destination de Casablanca.


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1.Posté par Bouatlaoui otman le 12/01/2011 18:13
Bon cher docteur, avez vous au moins parlé de cancer, non laissez tomber, je veux parler du cancer de la corruption!

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