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Arnaque mode d'emploi

Des milliers de victimes, dont des Marocains triés sur le volet, exploitées par des gangs criminels


Hassan Bentaleb
Lundi 20 Mai 2024

Depuis quelques semaines, l’affaire de plusieurs ressortissants marocains détenus près de la frontière thaïlandaise par des réseaux criminels spécialisés dans la traite d'êtres humains, suscite une grande attention auprès de l’opinion publique.

En effet, ces Marocains ont été attirés par de fausses offres d'emploi dans le commerce électronique avec des promesses de salaires attractifs. Des promesses qui se sont révélées être une arnaque visant à les exploiter et les maintenir en captivité, les contraignant à travailler dans des conditions extrêmement difficiles. Comment ces Marocains ont-ils été piégés par ces réseaux de traite humaine ? Comment ces derniers fonctionnent-ils ? Selon quelle méthode et quel stratagème ?.

Traite humaine

D’abord, arrêtons-nous sur ce que signifie, la traite humaine. En effet, ce fléau consiste à recruter des personnes, à les transférer, à les entremettre par le biais d’intermédiaires, à les héberger ou les accueillir en vue de leur exploitation par des moyens illicites comme la tromperie, les menaces ou d’autres formes de contrainte telles que l’enlèvement, la fraude, l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou davantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre. L’exploitation comprend la prostitution, la force de travail et le prélèvement d’organe.

Depuis quelques années, la traite des êtres humains est au premier plan des préoccupations mondiales. L’ONU estime à 40 millions le nombre de personnes victimes de traite   humaine dont 25 millions victimes d‘exploitation de la force de travail.

Méthode

Que savons-nous sur les réseaux séquestrant les ressortissants marocains ? Selon plusieurs rapports de presse et  instances internationales, ce phénomène touche aussi bien les diplômés d'Europe que ceux d'Afrique ou d'Asie, qui postulent à des emplois en ligne et croient interagir avec de véritables recruteurs. Souvent, ils passent des entretiens en ligne avant de décrocher une offre d'emploi à l'étranger, avec la promesse de salaires compétitifs, d'un logement et d'un chauffeur pour les accueillir à l'aéroport.

Cependant, une fois sur place, comme le rapportent les journalistes de la chaîne ITV, ils sont conduits à la frontière thaïlandaise où des hommes armés confisquent leurs passeports et les forcent à traverser une rivière jusqu'à un complexe. Là, ils sont contraints, sous la menace de violence, à persuader des gens du monde entier d'investir dans la crypto-monnaie.

Ces victimes établissent des relations avec les étrangers, souvent via des applications de messagerie comme WhatsApp ou Signal, et leur envoient des messages pendant des semaines jusqu'à gagner leur confiance. Une fois cette confiance établie, ils les incitent à investir de petites sommes d'argent dans des systèmes de cryptographie.

Les investisseurs, ignorant la supercherie, voient leur argent apparemment fructifier sur un faux site web créé par les escrocs, les incitant à investir davantage. A ce stade, ils peuvent même retirer une partie de leur argent, ce qui renforce leur confiance dans le processus et les personnes impliquées, les poussant à investir des sommes plus importantes.

Lorsque les montants deviennent substantiels, le conseiller et l'escroc disparaissent avec l'argent. En réalité, c'est le compte cryptographique des escrocs qui est crédité, pas celui de l'investisseur.

Cette opération extrêmement sophistiquée se propage rapidement dans des pays comme le Myanmar, le Laos et le Cambodge, où d'immenses enceintes existent désormais, abritant les victimes de la traite qui sont forcées de commettre ces actes tandis que le crime organisé prospère.

Victimes

Qui sont  les victimes de ces réseaux ? Les diverses enquêtes menées sur place révèlent qu’il ne s’agit pas de victimes de la traite stéréotypée mais plutôt  de gens instruits dont beaucoup sont multilingues, technologiquement avisés, jeunes et originaires de zones urbaines.

D’après un récent rapport des Nations unies, près de 220.000 personnes seraient entre les mains de gangs criminels et forcées de travailler dans des centres d’appels  au Cambodge et au Myanmar. Et  entre 2022 et  2023, plus de 230 personnes représentant 19 nationalités ont été orientées vers l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Thaïlande pour des cas de criminalité forcée, dont 86 pour cent ont été identifiées comme des victimes de traite humaine. Le nombre réel des victimes est probablement beaucoup plus élevé, compte tenu du manque d'accès et d'informations exhaustives sur ces centres d'escroquerie.

A noter que bien que la Thaïlande soit depuis toujours un pays de destination, d'origine et de transit pour la traite humaine dans la région, l’ONU constate une augmentation du nombre de personnes victimes de ce fléau à travers ce pays et dans les pays voisins, contraintes de travailler dans le cadre d'opérations frauduleuses de ce type.

Les groupes de trafiquants exploitent l'impact économique de la Covid-19 pour tromper les gens en ligne avec des offres d'emploi lucratives. En outre, la situation au Myanmar après la prise du pouvoir par l'armée en février 2021 a permis à ces groupes d'étendre leurs opérations dans des zones où la présence des forces de l'ordre est limitée, notamment le long de la frontière entre ce pays et la Thaïlande.

Hassan Bentaleb


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