Alassane Ouattara, un président économiste à la main de fer

L’ancien haut dirigeant du FMI qui sait user de ses relations a transformé la Côte d'Ivoire à coups de grands travaux


Jeudi 22 Octobre 2015

Au pouvoir depuis quatre ans, le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara, grand favori de l'élection du 25 octobre, s'est révélé comme un chef d'Etat très directif sur le plan économique, mais qui peine à séduire hors de son camp.
Son équipe a soigneusement choisi les photos de ses affiches électorales où l'on découvre ADO en bel homme souriant, faisant clairement plus jeune que ses 73 ans.
Selon ses proches, l'homme est un travailleur infatigable, levé tôt, couché tard, et qui "fatigue ses collaborateurs".
C'est en tout cas l'image que façonne de lui la cellule de communication de cet ancien haut dirigeant du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO).
En quatre ans, ADO, qui sait user de ses relations avec les bailleurs de fonds, a transformé la Côte d'Ivoire à coups de grands travaux.
Beaucoup d'Ivoiriens reconnaissent au président le mérite d'avoir changé le pays même s'ils n'adhèrent pas à la méthode. Ouattara n'a ainsi pas hésité à faire raser des quartiers entiers sur le bord de mer, de la lagune, ou de zones jugées dangereuses en raison d'éboulements.  "Ses décisions sont sans appel", note un observateur avisé. Il est aussi "à des années-lumière" d'avoir jugulé la corruption, une de ses promesses.
Si la croissance économique est au rendez-vous, son régime peine à avancer sur les questions de justice et de réconciliation. De nombreux opposants ont été emprisonnés à l'approche de la présidentielle, souligne Amnesty International. La justice sous son égide s'est surtout intéressée à un seul camp, celui de l'opposition.
Ses opposants dénoncent un autocrate. "Il veut s'imposer? Il n'a qu'à décider par décret de se maintenir", a estimé un de ses rivaux le député et candidat Kouadio Konan Bertin.  Démocrate pour ses partisans, rebelle installé par la France selon ses détracteurs, Ouattara s'est posé en rassembleur pendant la campagne demandant à ses militants de "pardonner". Il a appelé de ses voeux "un Ivoirien nouveau, des Ivoiriens rassemblés (...) qui se donneront la main pour qu'ensemble nous puissions bâtir cette belle nouvelle Côte d'Ivoire".
Des années de polémiques ont fait d'ADO, issu du nord majoritairement musulman, le symbole de la crise identitaire qui déchire le pays.
Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro (centre), il accomplit la majorité de sa scolarité au Burkina Faso voisin. Après un doctorat en économie aux Etats-Unis, ce technocrate marié à une Française entre en 1968 au FMI et devient en 1983 vice-gouverneur de la BCEAO, dont il sera plus tard gouverneur.
Il reconnaîtra lui-même avoir occupé plusieurs postes au titre de l'ancienne Haute Volta, ce qui va alimenter un interminable débat sur sa nationalité.
En 1990, il est nommé Premier ministre par le président Félix Houphouët-Boigny, fonction qu'il exerce jusqu'à la mort du "Vieux" en 1993. Jugeant le scrutin non transparent, il renonce à se présenter à la présidentielle en 1995 face à Henri Konan Bédié, qui a succédé à Houphouët.
Redoutant ses ambitions, le camp Bédié tente de prouver l'inéligibilité de Ouattara, accusé d'être d'origine burkinabaise, et entonne le refrain de l'"ivoirité". Si les Houphouëtistes soutiennent aujourd'hui Ouattara, ce concept nationaliste exacerbe toujours les tensions.
Revenu à Abidjan, il se lance pour la présidentielle de 2000, mais sa candidature est rejetée pour "nationalité douteuse".
Après un putsch manqué en 2002, la partition de la Côte d'Ivoire s'impose avec un sud tenu par le camp du président Laurent Gbagbo et un nord rebelle pro-Ouattara.
Sous la pression internationale, Gbagbo valide en 2005 la candidature de Ouattara à la présidentielle, scrutin six fois reporté jusqu'en novembre 2010. Les deux hommes proclament leur victoire, ouvrant quatre mois de crise et de violences qui ont causé plus de 3.000 morts.
Une offensive finale des ex-rebelles venus du nord, avec l'appui décisif de l'ONU et de l'ex-puissance coloniale française, permet enfin à ADO d'accéder au pouvoir le 11 avril 2011.


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