Afrique : abolir le mythe de la surpopulation


Par Ndaba Obadias *
Mardi 14 Septembre 2010

Afrique : abolir le mythe de la surpopulation
La politique de développement en Afrique suppose que « moins de population signifie davantage de développement ». Cette idée est née en Occident et a été répétée à plusieurs reprises par les dirigeants africains et les médias, à tel point que tout le monde semble l'accepter sans remettre en cause sa pertinence.
Récemment, l’Organisme de Coordination National pour la Population et le Développement (NCAPD) du Kenya a averti que « la population du Kenya s’accroît trop rapidement, et peut devenir intenable dans un futur proche ». Il s'agit d'une déclaration typique qui révèle la mentalité d'un grand nombre de personnes, en particulier les décideurs des pays en développement et de l’Afrique.
L'idée derrière cette déclaration est trop simpliste pour être valable : au moins il y a d’habitants dans un pays, au mieux le gouvernement peut prendre soin d’eux. Les êtres humains ont donc été réduits à ce que les gouvernements respectifs peuvent gérer, à une population « gérable ». En d'autres termes, les personnes sont perçues en termes de problèmes et de bouches à nourrir. Elles ne sont pas perçues comme des esprits capables de penser et d’innover pour un avenir meilleur.
Selon le rapport de l'ONU « La population mondiale en 2008 » il y a 170 habitants au kilomètre carré en Europe occidentale comparativement à 33 h/Km? en Afrique. Le Royaume-Uni par exemple, a 253 h/ Km? tandis que le Kenya a seulement 69 h/km?.
Où est la surpopulation? En Afrique? Au Kenya? Même si la population de l'Afrique augmente de cinq fois par rapport à ce qu'elle est actuellement, les pays d'Europe occidentale comme la France, l'Allemagne ou la Suisse seront toujours davantage « surpeuplés » que les pays africains. Malgré ces chiffres, le mythe continue d’associer la taille de la population au développement en Afrique et dans d'autres régions en développement.
Ce qui est prêché aujourd’hui en Afrique l’a été à Hong Kong dans les années 1950, quand elle était encore pauvre. Les prévisions indiquaient qu’une Hong Kong surpeuplée sans ressources naturelles avait un avenir sombre. Un journal a même proclamé que le pays était « mourant ». Son gouvernement a déploré que « le problème de la croissance rapide de la population est au cœur des problèmes que connaît le pays ».
L'apocalypse prédite ne s'est jamais concrétisée. Au lieu de cela, Hong Kong a réalisé un miracle économique, et aujourd'hui, se targue d'une population de 7.026.400 d’habitants avec 6.460 habitants par km? (estimation de 2009). En outre, selon les estimations du FMI en 2009, le revenu par habitant y est de 42 748 $ US (soit le pays ayant le huitième revenu le plus élevé dans le monde, s'il est séparé de la Chine continentale). Pourtant, sa population a augmenté d'environ six fois par rapport à son niveau des années 1950, quand on disait qu’elle avait une population au-delà de sa capacité de prise en charge.
Il n'existe aucune relation entre la taille de la population et le développement. Quand les gens sont instruits et gagnent un revenu élevé, le développement authentique se produit. Cependant, aujourd'hui, on enseigne aux personnes analphabètes dans les villages à travers les pays en développement, par le biais des différents programmes financés par le gouvernement ou par des donateurs, que le contrôle des naissances est la voie vers le développement. On détourne malheureusement l’attention de là où il faudrait.
Lorsque les gens sont peuvent s’éduquer, bénéficient de sécurité, ont accès aux soins de santé de qualité permettant de réduire la mortalité infantile, et aux opportunités d'exercer leurs talents, ils feront des choix libres. Et comme l'histoire l’a montré ailleurs, leurs enfants pourront avoir accès à leurs besoins, leurs désirs, leurs espoirs et leurs rêves.
Cette mentalité de « gestion de la population » a détourné l'attention des questions plus urgentes comme l'éducation, les services de santé et le transfert de technologie qui pourraient relancer les économies des pays pauvres. Cela est facilement réalisé en associant croissance de la population avec d’autres problèmes, des pénuries alimentaires à la dégradation de l'environnement. Bien que la population mondiale ait plus que doublé depuis 1950, les disponibilités alimentaires ont plus que triplé au niveau mondial pendant la même période.
Dans les pays développés, la vie de chacun a été améliorée grâce à l'éducation et aux services de soins médicaux, et cela a été suivi par une tendance ou une préférence pour les familles de petite taille. En fait, le boom économique exige une importante main-d'œuvre pour décoller. Si les tendances actuelles se poursuivent, l'Afrique peut se retrouver avec une croissance démographique négative. Si cela se produit, l'Afrique aura le double problème d'une main d’œuvre réduite et du sous-développement.

* Directeur régional de l'Alliance mondiale des jeunes d'Afrique.



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1.Posté par Manso le 17/09/2010 09:59
La comparaison entre les densités de l’Afrique et celles d'autres pays pour justifier la continuation de la croissance démographique est particulièrement malvenue. Tout d’abord on peut penser que la population en Europe est déjà trop nombreuse pour un bon équilibre écologique : il n’y a plus de grande faune sauvage en Europe et le continent importe beaucoup d’aliments. Ce n’est peut-être pas là que l’Afrique doit prendre modèle. L’auteur sait-il que la grande Bretagne avec ses 253 habitants par kilomètre carré n’assure que 40 % des ses besoins alimentaires ?

D’autre part, une partie de l’Afrique est occupée par les déserts (le Sahara pour l’essentiel et les déserts en Namibie pour une part plus modeste). Comptabiliser la surface de ces territoires pour établir une densité de population n’a guère de sens. L’Europe globalement possède un pourcentage de terres fertiles plus important et peut mieux assurer la subsistance d’un grand nombre d’habitants. C’est là une réalité physique qui n’a rien à voir avec un préjugé anti-africain. Rappelons que dans toute la partie Nord de l’Afrique la population est concentrée le long des côtes et le long du Nil. Ni la longueur des rivages, ni celle du fleuve n’augmentera.

L’évocation de Hong Kong est déplacée. Comment comparer la densité d’une cité et celle d’un continent ? Hong Kong est une zone urbaine et non un pays "complet" assurant sa subsistance. Pour que Hong Kong vive avec ses plus de 6.000 habitants au kilomètre carré, il faut qu’ailleurs des terres, autrement plus vastes, soient exploitées pour l’agriculture et pour l’industrie (sans parler de l’énergie).
Le revenu par habitant non plus n’a aucun sens dans ce cadre là. Il est certain que des cités peuvent avoir des revenus élevés, ce n’est absolument pas généralisable à un pays entier, encore moins à un continent. Le Luxembourg à un revenu par habitant plus élevé que l’Europe dans son ensemble, New York que les Etats-Unis et Hong Kong que la Chine.
Remarquons de plus que de telles concentrations urbaines (plusieurs milliers d’habitants au km²) sont d'ailleurs assez invivables, et que nombre de citadins occidentaux n'ont qu'une envie, "s'enfuir" le week-end. Ce que ne peuvent évidemment pas faire les habitants des bidonvilles de Lagos...

A ces remarques sur les densités d’aujourd’hui s’ajoute bien sûr une absence de réflexion sur la notion de croissance. L’Afrique connaît une croissance exponentielle de sa population (le rythme de doublement est d’environ 40 ans c’est à dire que d’ici 2050 l’Afrique va "gagner" plus d’habitants qu’elle n’en a "gagné" au cours de toute son histoire). Au passage, écrire « Si les tendances actuelles se poursuivent, l'Afrique peut se retrouver avec une croissance démographique négative » ne correspond à aucune réalité. Mathématiquement l’exponentielle est un phénomène dangereux : 220 millions d’africains en 1950, 1 milliard en 2010, 2 milliards en 2050. Ira-t-on jusqu’à 4 milliards (encore une fois Sahara compris) en 2100 ? On voit bien qu’il s’agit là d’une course folle qui ne peut se finir qu’en drame.

Enfin, il n'est pas raisonnable d'écrire: « Il n'existe aucune relation entre la taille de la population et le développement », car d'une part, personne ne dit cela, mais que par contre, ce qui est aujourd'hui très clair (et de nombreuses études le montrent), c'est qu'un taux de croissance démographique excessif nuit à celui de l'économie, car celle-ci "ne peut pas suivre". Dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne (Burkina Faso, Mali, Niger...), le très important taux de natalité conduit au fait qu’environ la moitié de la population a moins de 15 ans, ce qui provoque un taux de dépendance (rapport inactifs/actifs) difficilement gérable, sauf à faire travailler les enfants, ce que n'hésitent pas à faire certains (et qui est d'ailleurs régulièrement dénoncé). De même cette croissance continue oblige les pouvoirs publics de porter leur effort en permanence sur les services de santé et d’éducation au détriment des investissements économiques.

2.Posté par Didier le 24/09/2010 07:05
Cet appel à "toujours plus d'homme sur la planète" est effrayant. Contrairement à ce qui est suggéré dans cet article, les richesses ne sont pas toujours produites par les hommes Les réalités matérielles de la nature comptent aussi et nous les épuisons.
Demain, il n'y aura plus de pétrole puis, un peu après, plus de gaz.
Est ce que dans ce monde en déplétion l'Afrique se trouvera mieux avec 2 milliards d'habitants plutôt qu'avec un seul ?
C'est la taille des problèmes qui risque de doubler plus que l'oportunité des solutions. Ce raisonnement bien sûr ne s'adresse pas qu'à l'Afrique. Je ne crois pas qu'on puisse envisager une société durable et encore moins harmonieuse avec 9 milliards d'habitants. Je crains que ceux qui appellent à plus de population soient demain les responsables de plus de souffrances.

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