Abus patronal et complicité gouvernementale

La CSI rappelle par l'exemple comme c'est dur d'être salarié au Maroc


Hassan Bentaleb
Mercredi 15 Juin 2016

Le Maroc est-il un pays où il ne fait pas bon être salarié ? Oui, à en croire le dernier rapport  de la Confédération syndicale internationale (CSI) qui vient de  classer le Royaume parmi les pays qui violent régulièrement le droit du travail. Il est placé à la troisième catégorie  qui regroupe les  gouvernements et/ou les entreprises qui ne respectent pas régulièrement les droits des travailleurs ou qui ne parviennent pas à garantir pleinement des aspects importants de ces droits.
Selon le document de la CSI, les exemples de ces violations régulières ne manquent pas. C’est le cas du secteur de l'énergie où le gouvernement a montré et à plusieurs reprises son mépris à l’égard du dialogue social  relatif au processus de privatisation de l’Office national d’eau et d’électricité (ONEE). En effet, le gouvernement n’a pas jugé utile de respecter l'accord-cadre malgré les longues et laborieuses négociations avec les syndicats. Une attitude qui a poussé près de 9.000 travailleurs de la Fédération nationale des travailleurs de l'énergie (FNTE) à organiser une grève nationale.
Le rapport a également mis en relief le cas d’autres syndicats durement réprimés par les employeurs. Il a évoqué l’exemple de Maghreb Steel, une société marocaine leader dans le domaine de l'acier, qui a suspendu au mois d’août de l’année dernière 13 grévistes ; et qui n’a pas hésité, quelques mois plus tard, à faire appel aux forces de l’ordre pour évacuer les grévistes qui occupaient soi-disant l'usine. Idem pour la société marocaine Med Paper,  spécialiste dans la fabrication de papier, qui a licencié l’année dernière les travailleurs qui ont pris part au débrayage de soutien du syndicat le plus représentatif de l’entreprise.
Dans les deux cas, souligne le rapport, les employeurs ont tenté de justifier leurs actions en prétendant que le grévistes constituaient une menace potentielle pour les autres travailleurs, et qu’ils avaient endommagé et saboté leurs unités de production. La direction de  Maghreb Steel est allée plus loin en indiquant dans un communiqué de presse son intention de punir « ces actes criminels », et a également parlé de « manipulation par des forces extérieures ».
Les rapporteurs de la CSI ont évoqué, par ailleurs, le cas des syndicats affilés à l'Organisation démocratique du travail (ODT) qui ont été l’objet de répression en juillet 2015 de la part de la société Honda -Seat à Rabat qui avait procédé au licenciement abusif du secrétaire général du bureau syndical et en a menacé deux autres membres.
Le secteur de l’offshoring a été également pointé du doigt. Le rapport a mis en exergue la précarité  des conditions de travail et les menaces de délocalisation qui pèsent sur ce secteur. Le rapport a rappelé la grève observée le 11 juin 2015 par les employés des sous-traitants de SFR suite à des rumeurs annonçant une éventuelle délocalisation de l'opérateur téléphonique français vers Madagascar.
Un climat social délétère que même les chiffres du ministère de l’Emploi et des Affaires sociales confirment. En fait, l’année 2015 a enregistré  le déclenchement de 265 grèves. Le nombre de celles qui ont été évitées est passé de 972 en 2012 à 1.232 en 2013 avant d’atteindre 1.462 en 2014 et 1.310  en 2015, soit une diminution de 10,4% par rapport à l’année précédente.
Quant au nombre d’établissements concernés par ces grèves, il est passé de 776 unités de production en 2012 à 1.285 en 2014 avant d’atteindre 1.107.
Concernant les conflits individuels du travail, ils ont été de l’ordre de 36.265 en 2012 avant de passer à 46.687 en 2013 et à 50.062 en 2014.
A ce propos, les experts marocains sont unanimes à considérer le non-respect des  libertés syndicales et la non-application du Code du travail comme des facteurs déclencheurs  de nombreux conflits individuels et collectifs au sein des entreprises.  Ils estiment, en outre, que ces conflits sont appelés à s’intensifier notamment avec l’augmentation du niveau de conscience des travailleurs de leurs droits et l’entêtement du patronat à ne pas respecter ces mêmes droits. Pour eux, tant que les patrons exercent les pleins pouvoirs sur  leurs employés ; lesquels peuvent être licenciés n’importe quand et sans justification valable, il n’y aura pas de paix sociale. Ceci d’autant plus que les syndicats n’osent même plus  bouger le petit doigt puisqu’ils n’ont plus de pouvoirs réels et  qu’ils sont devenus le maillon faible de l’équation.


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