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Philosophe, écrivain, traducteur et penseur, Abdessalam Benabdelali est un véritable architecte de la pensée. Par son intelligence, il sait bien interroger audacieusement les «faits», et ce à partir d’un lieu exceptionnel qui est justement la traduction. A. Benabdelali comme traducteur a enrichi le patrimoine culturel universel par ses traductions du bien immatériel de «l’étranger». Par cet acte, il réécrit l’autre dans sa langue. Comme philosophe, il a développé une esthétique de l’altérité et de l’interculturel. Donnant la parole à l’autre, le philosophe reconnaît que le monde est à relativiser et à re-penser, et ce en recourant à d’autres stratégies bien actuelles. Son apport à la critique vise le renouvellement de l’acte de la création. Abdelfattah Kilito, autre personnage de la pensée universelle, n’a pas tort d’affirmer qu’A. Benabdelali développe dans ses écrits un accent rare et particulier». Qu’il s’agisse d’Abdelfattah Kilito ou d’Abdessalam Benabdelali, tous deux réécrivent le patrimoine culturel d’un œil critique et neuf. Dans cette perspective, la littérature devient une forme ambitieuse, contestataire et dénonciatrice des forces hégémoniques tout en s’inscrivant dans un processus de revendication de la différence.
Influencé par l’héritage philosophique, A. Benabdelali esquisse les grands traits d’une philosophie concrète qui ne se réclame plus de la métaphysique. Ce qui l’intéresse c’est bien de sauver cet «être» qui sombre dans des crises relatives à la haine de l’autre d’autant plus que notre époque est connue par des courants xénophobes. Comme une protection, A. Benabdelali nous invite tous à une philosophie faite dans sa substance de la différence et de la reconnaissance de l’autre. Développant cet enseignement fort capital, il est essentiel dire que son écriture est plurielle. Cela ne veut pas dire seulement qu’elle a plusieurs sens, mais qu’elle accomplit le pluriel même du sens. Elle est dans la case de ce que Roland Barthes nomme «signifiance».
La stratégie adoptée par A. Benabdelali est celle de la déconstruction : empruntée bien évidemment à Jacques Derrida qu’il cite abondamment dans ses textes. En réalité, cette stratégie lui permet de secouer le joug de ce qu’il n’hésite pas à appeler «couples métaphysiques». De là, il réécrit l’histoire autrement, et ce en partant d’une philosophie qui s’appuie sur l’être humain par de-là le bien et le mal. Les vérités toutes faites sont les premières à déconstruire dans son système d’idées. Ainsi, sa pensée vise «à bouleverser» la langue, à «détruire sa métaphysique». Par conséquent, le langage ne porte pas «la vérité de l’être». La vérité, si vérité il y a, est condamnée à s’inscrire dans le lointain.
Cette philosophie en devenir qui ne peut jamais dire son dernier mot, est une réécriture du patrimoine universel. C’est une pensée et une philosophie qui s’internationalisent d’abord par la référence aux différents philosophes de par le monde. Puis, elle ne choisit plus une idole. Elle est en fin de compte dans le mouvement. Elle est en vie et entretient ainsi un rapport avec l’autre. Traitant un ensemble de sujets, on peut dire que la traduction est l’une des préoccupations majeures de l’écrivain à laquelle a consacré deux ouvrages « De la traduction (Casablanca, éd. Toubkal, Coll. «Connaissance Philosophique», 2006. traduit de l’arabe par Kamal Toumi et « L’hospitalité de l’étranger » (Maroc, éd. Toubkal, coll. «Connaissance Philosophique», 2015 traduit par le même auteur). Ces deux ouvrages offrent à son lecteur une myriade de réflexions à propos de la traduction en sa relation avec l’esthétique de l’interculturel. Si le premier ouvrage ouvre le débat, le second le prolonge. Une preuve montrant que l’écrivain est dans un «entretien infini». Arrêtons-nous sur une question ou deux: Que pourrions-nous déduire de la pensée d’A. Benabdelali ? Comment aborde-t-il la question de la traduction ?
La traduction telle qu’A. Benabdelali la conçoit est une possibilité qui permet d’advenir à l’être esthétique tout en chassant l’être idéologique. La traduction est une sphère de la déconstruction des couples métaphysiques : copie/ modèle etc. La traduction, insiste l’écrivain, est une question philosophique. C’est dire qu’on peut aborder la philosophie par le biais de la traduction. Selon le mythe de Babel, la traduction est née après le châtiment divin. C’est-à-dire après que Dieu a dispersé l’union linguistique, l’homme est condamné au plurilinguisme, ce qui a fait de la traduction un besoin pour créer une certaine harmonie.
La traduction est une chance donnée au texte afin de lui permettre de révéler ses opportunités et de survivre au-delà des moyens de son auteur. C’est lui donner une autre vie tout en l’ouvrant sur l’infini ; c’est-à-dire vers l’altérité. C’est : «une chance donnée à une autre écriture, à une autre langue, à un autre destinataire». (L’hospitalité de l’étranger). La traduction dynamise le texte tout en le transmettant d’une culture à une autre. «La traduction, écrit A. Benabdelali, insuffle la vie aux textes et les transmet d’une culture à une autre. Le texte ne survit que parce qu’il est à la fois traduisible et intraduisible». Définir l’indéfinissable qui est justement la traduction de cette manière revient à déclarer son inachèvement. Toute traduction peu importe sa nature est condamnée à devenir… La traduction est une transformation. Transformation de la lecture et de l’écriture.
La traduction n’est pas une recherche d’être le même de l’autre. Ce n’est pas une métaphysique. Il s’agit au contraire, comme le dit d’ailleurs l’écrivain, d’une stratégie génératrice des différences puisqu’elle introduit l’Autre dans le Soi. Elle est ce qui ouvre le texte et lui permet d’acquérir un autre aspect. La traduction est née d’une différence linguistique via une différence culturelle. Elle est cet acte noble et délicat puisqu’il est difficile de faire parler l’auteur du texte originel une autre langue. Pourtant, elle est possible. La traduction est une explication comme il nous vient à l’esprit la traduction de Jean Hippolyte à la phénoménologie de l’esprit de Hegel. De ce fait, les germanistes et les germanophones ainsi que les Français passent par cette traduction afin de comprendre le texte hégélien. La traduction permet dans des cas d’améliorer l’original. En dialoguant avec l’autre, une certaine complémentarité se crée entre les cultures. Chaque culture complète une autre. Ce qui revient à dire que la traduction comme l’a déjà dit Goethe construit l’universel tout en appartenant à ce que le même écrivain allemand appelle «la littérature-monde». Il ne s’agit plus d’un ensemble de littératures qui sont arrivées au stade de l’universalité, mais c’est un concept qui soumet les littératures à la base de l’égalité. Paraphrasant J. Derrida, en disant qu’aucune littérature n’a jamais une seule origine. De ce fait, le travail de la traduction ne permet pas seulement au texte de survivre mais aussi à la pensée d’être véhiculée. Heidegger écrit : «Par la traduction, le travail de la pensée se trouve transposée dans l’esprit d’une autre langue et subit ainsi une transformation inévitable». (Questions I et II, Gallimard, Coll. «Tel», 1990, P. 10.).Citant Heidegger, A. Benabdelali corrobore cette idée en remarquant que les périodes florissantes de la pensée coïncident obligatoirement avec l’efflorescence de la pensée.
A. Benabdelali démontre que ceux qui s’intéressent à la traduction sont eux-mêmes ceux qui pensent et produisent une pensée d’actualité. La traduction ne fait pas oublier à l’élite son travail de pensée. Traduire et penser ont la même charge sémantique et épistémologique. Traduire le bien immatériel de l’autre c’est respecter l’esprit du texte. Derrida affirme que le traducteur est endetté. Il est responsable devant le texte et son intraduisible. Ce même penseur se hâte de vider ses propos de tout ce qui est moral. Cette responsabilité rejoint la sphère de l’éthique. L’intraduisible est tout ce qui marque l’identité du texte originel. Le traducteur devrait respecter l’identité de ce texte tout en consacrant la différence. Il est le maître de la différence. Il est aussi un créateur dans le langage.
La traduction est donc une création continue. Elle est un mouvement entre le traduisible et l’intraduisible. Elle est précisément entre les deux. Totalement traductible, le texte meurt et vice-versa. A. Benabdelali nous invite à aller vers l’intraduisible et le respecter. D’où son fonctionnement et son appartenance à la logique de l’inter. S’il est possible, dit-il, d’établir une traduction définitive d’un texte, il meurt en tant qu’écriture et trace. Ceci dit, toute traduction, peu importe son degré de maintenance, est destinée à mourir. La traduction se développe dans le temps. Elle est le moyen qui exacerbe la tension et consacre l’étranger : «C’est une hospitalité, mais constamment «hospitalité d’un étranger». Elle n’est pas soumission à l’autre, ni un signe d’hégémonie. Elle est l’odeur de l’altérité et de la «différence» pour reprendre un terme de J. Derrida. La traduction est condamnée à l’inachèvement. En dernière analyse, la traduction sépare le texte de «chez soi» pour l’amener vers «l’autre».
Influencé par l’héritage philosophique, A. Benabdelali esquisse les grands traits d’une philosophie concrète qui ne se réclame plus de la métaphysique. Ce qui l’intéresse c’est bien de sauver cet «être» qui sombre dans des crises relatives à la haine de l’autre d’autant plus que notre époque est connue par des courants xénophobes. Comme une protection, A. Benabdelali nous invite tous à une philosophie faite dans sa substance de la différence et de la reconnaissance de l’autre. Développant cet enseignement fort capital, il est essentiel dire que son écriture est plurielle. Cela ne veut pas dire seulement qu’elle a plusieurs sens, mais qu’elle accomplit le pluriel même du sens. Elle est dans la case de ce que Roland Barthes nomme «signifiance».
La stratégie adoptée par A. Benabdelali est celle de la déconstruction : empruntée bien évidemment à Jacques Derrida qu’il cite abondamment dans ses textes. En réalité, cette stratégie lui permet de secouer le joug de ce qu’il n’hésite pas à appeler «couples métaphysiques». De là, il réécrit l’histoire autrement, et ce en partant d’une philosophie qui s’appuie sur l’être humain par de-là le bien et le mal. Les vérités toutes faites sont les premières à déconstruire dans son système d’idées. Ainsi, sa pensée vise «à bouleverser» la langue, à «détruire sa métaphysique». Par conséquent, le langage ne porte pas «la vérité de l’être». La vérité, si vérité il y a, est condamnée à s’inscrire dans le lointain.
Cette philosophie en devenir qui ne peut jamais dire son dernier mot, est une réécriture du patrimoine universel. C’est une pensée et une philosophie qui s’internationalisent d’abord par la référence aux différents philosophes de par le monde. Puis, elle ne choisit plus une idole. Elle est en fin de compte dans le mouvement. Elle est en vie et entretient ainsi un rapport avec l’autre. Traitant un ensemble de sujets, on peut dire que la traduction est l’une des préoccupations majeures de l’écrivain à laquelle a consacré deux ouvrages « De la traduction (Casablanca, éd. Toubkal, Coll. «Connaissance Philosophique», 2006. traduit de l’arabe par Kamal Toumi et « L’hospitalité de l’étranger » (Maroc, éd. Toubkal, coll. «Connaissance Philosophique», 2015 traduit par le même auteur). Ces deux ouvrages offrent à son lecteur une myriade de réflexions à propos de la traduction en sa relation avec l’esthétique de l’interculturel. Si le premier ouvrage ouvre le débat, le second le prolonge. Une preuve montrant que l’écrivain est dans un «entretien infini». Arrêtons-nous sur une question ou deux: Que pourrions-nous déduire de la pensée d’A. Benabdelali ? Comment aborde-t-il la question de la traduction ?
La traduction telle qu’A. Benabdelali la conçoit est une possibilité qui permet d’advenir à l’être esthétique tout en chassant l’être idéologique. La traduction est une sphère de la déconstruction des couples métaphysiques : copie/ modèle etc. La traduction, insiste l’écrivain, est une question philosophique. C’est dire qu’on peut aborder la philosophie par le biais de la traduction. Selon le mythe de Babel, la traduction est née après le châtiment divin. C’est-à-dire après que Dieu a dispersé l’union linguistique, l’homme est condamné au plurilinguisme, ce qui a fait de la traduction un besoin pour créer une certaine harmonie.
La traduction est une chance donnée au texte afin de lui permettre de révéler ses opportunités et de survivre au-delà des moyens de son auteur. C’est lui donner une autre vie tout en l’ouvrant sur l’infini ; c’est-à-dire vers l’altérité. C’est : «une chance donnée à une autre écriture, à une autre langue, à un autre destinataire». (L’hospitalité de l’étranger). La traduction dynamise le texte tout en le transmettant d’une culture à une autre. «La traduction, écrit A. Benabdelali, insuffle la vie aux textes et les transmet d’une culture à une autre. Le texte ne survit que parce qu’il est à la fois traduisible et intraduisible». Définir l’indéfinissable qui est justement la traduction de cette manière revient à déclarer son inachèvement. Toute traduction peu importe sa nature est condamnée à devenir… La traduction est une transformation. Transformation de la lecture et de l’écriture.
La traduction n’est pas une recherche d’être le même de l’autre. Ce n’est pas une métaphysique. Il s’agit au contraire, comme le dit d’ailleurs l’écrivain, d’une stratégie génératrice des différences puisqu’elle introduit l’Autre dans le Soi. Elle est ce qui ouvre le texte et lui permet d’acquérir un autre aspect. La traduction est née d’une différence linguistique via une différence culturelle. Elle est cet acte noble et délicat puisqu’il est difficile de faire parler l’auteur du texte originel une autre langue. Pourtant, elle est possible. La traduction est une explication comme il nous vient à l’esprit la traduction de Jean Hippolyte à la phénoménologie de l’esprit de Hegel. De ce fait, les germanistes et les germanophones ainsi que les Français passent par cette traduction afin de comprendre le texte hégélien. La traduction permet dans des cas d’améliorer l’original. En dialoguant avec l’autre, une certaine complémentarité se crée entre les cultures. Chaque culture complète une autre. Ce qui revient à dire que la traduction comme l’a déjà dit Goethe construit l’universel tout en appartenant à ce que le même écrivain allemand appelle «la littérature-monde». Il ne s’agit plus d’un ensemble de littératures qui sont arrivées au stade de l’universalité, mais c’est un concept qui soumet les littératures à la base de l’égalité. Paraphrasant J. Derrida, en disant qu’aucune littérature n’a jamais une seule origine. De ce fait, le travail de la traduction ne permet pas seulement au texte de survivre mais aussi à la pensée d’être véhiculée. Heidegger écrit : «Par la traduction, le travail de la pensée se trouve transposée dans l’esprit d’une autre langue et subit ainsi une transformation inévitable». (Questions I et II, Gallimard, Coll. «Tel», 1990, P. 10.).Citant Heidegger, A. Benabdelali corrobore cette idée en remarquant que les périodes florissantes de la pensée coïncident obligatoirement avec l’efflorescence de la pensée.
A. Benabdelali démontre que ceux qui s’intéressent à la traduction sont eux-mêmes ceux qui pensent et produisent une pensée d’actualité. La traduction ne fait pas oublier à l’élite son travail de pensée. Traduire et penser ont la même charge sémantique et épistémologique. Traduire le bien immatériel de l’autre c’est respecter l’esprit du texte. Derrida affirme que le traducteur est endetté. Il est responsable devant le texte et son intraduisible. Ce même penseur se hâte de vider ses propos de tout ce qui est moral. Cette responsabilité rejoint la sphère de l’éthique. L’intraduisible est tout ce qui marque l’identité du texte originel. Le traducteur devrait respecter l’identité de ce texte tout en consacrant la différence. Il est le maître de la différence. Il est aussi un créateur dans le langage.
La traduction est donc une création continue. Elle est un mouvement entre le traduisible et l’intraduisible. Elle est précisément entre les deux. Totalement traductible, le texte meurt et vice-versa. A. Benabdelali nous invite à aller vers l’intraduisible et le respecter. D’où son fonctionnement et son appartenance à la logique de l’inter. S’il est possible, dit-il, d’établir une traduction définitive d’un texte, il meurt en tant qu’écriture et trace. Ceci dit, toute traduction, peu importe son degré de maintenance, est destinée à mourir. La traduction se développe dans le temps. Elle est le moyen qui exacerbe la tension et consacre l’étranger : «C’est une hospitalité, mais constamment «hospitalité d’un étranger». Elle n’est pas soumission à l’autre, ni un signe d’hégémonie. Elle est l’odeur de l’altérité et de la «différence» pour reprendre un terme de J. Derrida. La traduction est condamnée à l’inachèvement. En dernière analyse, la traduction sépare le texte de «chez soi» pour l’amener vers «l’autre».