Abbass El Fassi réunit sa majorité à Rabat : Thérapie collective pour un vivre-ensemble gouvernemental


Narjis Rerhaye
Mercredi 28 Avril 2010

Abbass El Fassi réunit sa majorité à Rabat :  Thérapie collective pour un vivre-ensemble gouvernemental
Fini le spectacle d’une majorité qui s’entre-déchire. Abbas El Fassi a convié, lundi 26 avril les composantes de la majorité, pour reprendre l’expression officielle, à une sorte de thérapie collective. L’USFP, le RNI, le PPS, en plus de l’Istiqlal, ont été fermement invités à dire tout  haut ce qu’ils pensaient de l’action gouvernementale et du fonctionnement de la majorité. L’exercice est, à tous points de vue, périlleux dès lors que les alliés (ou supposés l’être) de la majorité choisissent de se débarrasser de la langue de bois et du discours purement protocolaire. Abdelouahad Radi, le premier secrétaire de l’USFP et président de la Chambre des députés, résume plutôt avec humour la situation.  «Pour un tel exercice, il y a deux manières de faire. Soit on fait l’éloge du gouvernement et de la majorité pour remonter le moral des troupes, soit on critique pour appeler à plus de vigilance. En fait, les deux méthodes sont des couteaux à double tranchant. C’est pour cela qu’il faut ici se faire le plus objectif possible». «Pas question de faire de la langue de bois et adopter le discours de la complaisance et de l’optimisme béat, le compte à rebours a commencé», renchérit le nouveau patron du RNI, Salaheddine Mezouar.
En bon chef de la majorité, le premier ministre et patron de l’Istiqlal a donc sonné le tocsin du rassemblement. Comme pour mieux défier le sort ou faire taire les esprits chagrins, ce séminaire de la majorité gouvernementale s’est choisi une devise pleine de promesses : « Ensemble, pour le renforcement du processus de réformes ».
 A mi–parcours de la législature, l’heure est au bilan d’étape. Abbas El Fassi n’a pas l’intention de se dérober. La tradition, inaugurée par Abderrahmane Youssoufi, reprise par Driss Jettou, sera perpétuée : le Premier ministre va présenter son bilan provisoire aux premières semaines du mois de mai. Le programme gouvernemental tel que décliné par le leader de l’Istiqlal dans sa déclaration faite devant les députés et les conseillers a-t-il été exécuté ? Les promesses ont-elles été tenues ? La politique des grands chantiers se poursuit-elle ? Bref, le processus de réformes est-il bel et bien engagé ?
Créer un meilleur climat
politique pour faire mieux
Abbas El Fassi égrène les réalisations gouvernementales, met en exergue les programmes d’urgence et les plans sectoriels,  décline les mesures contre les inondations, les catastrophes naturelles et en faveur de la Caisse de compensation ou encore du dialogue social,  fait le point sur les grands chantiers, l’amélioration du climat d’affaires.
«La question à laquelle nous devons répondre aujourd’hui est celle de savoir si nous avons apporté des réponses aux besoins fondamentaux des citoyens en matière de santé, d’emploi, d’enseignement et d’habitat. Le programme gouvernemental tel qu’adopté en octobre 2007 par le parlement est-il exécuté ? Et ce qui a été réalisé est-il suffisant ? En fait, la réunion de la majorité est une occasion de nous demander comment faire mieux aussi bien au gouvernement qu’au Parlement et comment améliorer le rendement des uns et des autres. Tout cela n’est possible qu’à travers une plus grande mobilisation aussi bien au gouvernement qu’au Parlement. Pour ce faire, il faut créer un meilleur climat politique et social. Le climat positif aide à réussir et les institutions que sont le gouvernement et le Parlement sont à même de créer un tel climat», fait valoir le leader usfpéiste A. Radi  avant de lancer un appel aux réformes politiques. «Nous devons procéder à la réforme du code électoral pour lutter valablement contre l’utilisation de l’argent et à celle de la loi sur les partis pour que soit interdit le nomadisme. Et nous devons commencer dès  maintenant, en 2010 » martèle le patron des usfpéistes.
Une réunion de la majorité à mi-parcours, à deux ans et demi des prochaines élections législatives. «Le temps presse, et la pression va se faire de plus en plus importante face à la déclaration gouvernementale», prévient Salaheddine Mezouar. Le président du RNI est prompt à le reconnaître : la majorité est mal en point, ne faisant pas preuve d’homogénéité. Entre le manque  de coordination entre ses composantes, son absence sous la coupole et en commission, la majorité n’est pas sur le terrain et n’est pas vraiment convaincue de l’action gouvernementale. « Sa présence ne traduit pas en tout cas sa force numérique. Ce sont là d’ailleurs autant de raisons qui font que nous avons bien du mal à nous réunir jusque-là», explique l’Argentier du Royaume.
Une majorité dans tous
ses états
Election du président de la Chambre des conseillers, déclarations intempestives, prises de position incendiaires, les épisodes d’une majorité dans tous ses états et se donnant en spectacle sont souvent relatés par la chronique politique. «Nous devons l’admettre. La majorité a un problème d’image. Elle jouit d’une mauvaise image auprès de l’opinion publique » souligne Mohand Laenser, le secrétaire général du Mouvement populaire avant de jeter la lumière sur ces ministres qui «donnent l’impression de ne pas porter le projet politique du gouvernement dans sa globalité ». Pour celui dont le parti vient de rejoindre l’équipe gouvernementale, il faut aujourd’hui plus que jamais donner corps à la majorité, une majorité qui doit donner des preuves de vie. «Rien ne nous empêche en tant que majorité de nous réunir dès à présent pour débattre et réfléchir à un nouveau code électoral. Rien ne nous empêchait non plus de nous réunir pour discuter du dernier rapport de la Cour des comptes qui a fait grand bruit, et ce pour démontrer que nous n’avons rien à cacher en tant que gouvernement».
A la rencontre de la majorité, tous l’ont dit et redit. Le paysage politique a besoin de clarté. Le secrétaire général du PPS Ismaïl Alaoui parle avec une colère contenue de ces turbulences que traverse l’échiquier politique. Il parle aussi de cette nouvelle et étrange opposition qui affirme porter le projet royal de modernité et de démocratie. «Nous ne faisons pas autre chose en tant que majorité», fait remarquer le leader des anciens communistes.
Jusqu’à la fin de la réunion de la majorité, l’ombre du PAM n’en a pas fini de planer…
 


Radi et la crise des mœurs politiques

Le  président de la Chambre des députés ne s’encombre pas de circonlocutions :  il faut du professionnalisme et  pas de l’amateurisme au Parlement. La lutte contre l’absentéisme, la réforme du contrôle à travers les questions orales et écrites, l’harmonisation des règlements intérieurs des deux Chambres sont aujourd’hui les priorités de  A. Radi depuis qu’il s’est installé au perchoir.
Le Premier secrétaire de l’USFP le dit sans ambages. « Nous n’avons pas de crise politique ou institutionnelle au Maroc. Par contre, il y a une crise des mœurs politiques. Nous avons un problème de moralisation de la vie politique ». Il faut donner de la crédibilité au discours politique et aux partis politiques, explique ce leader pour qui il n’y a pas de démocratie véritable sans partis  crédibles. « La confiance est un capital précieux en politique » conclut Abdelouahad Radi.
 

 
« La mauvaise surprise » de Mezouar

En changeant de leader, le Rassemblement national des indépendants a changé de discours. Le ton est plus offensif, presque s’en-va-t-en-guerre. « Cette réunion de la majorité intervient après nombre de changements qu’ont connus la sphère politique et la majorité. Le RNI, allié de l’Union constitutionnelle, est aujourd’hui la première force au Parlement. Même si nous ne sommes pas d’accord sur la place que nous occupons au sein de la majorité malgré notre poids, nous savons faire preuve de responsabilité et nous savons respecter nos engagements », dira d’emblée Mezouar. « Nous sommes les premiers et nous devrions occuper plus de place », martèlera-t-il encore et encore devant un Abbass El Fassi impassible.
Le successeur de Mustapha Mansouri enfourchera le cheval d’une majorité malade d’elle-même pour prévenir le premier ministre. « Une mauvaise surprise peut venir des rangs de la majorité ou hors de la majorité ». La deuxième moitié du mandat du gouvernement Abbass El Fassi sera-t-elle tumultueuse ? En tout cas cette petite phrase signée Mezouar le laisse lourdement entendre. 


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