A quand la fin du calvaire des Marocains de Libye ?

Et pourtant, il y en a que l’ex-Jamahirya attire encore


Hassan Bentaleb
Samedi 29 Décembre 2018

Le drame des Marocains candidats à la migration irrégulière se poursuit de plus belle en Libye. Détentions arbitraires, tortures, viols, chantage, dépossessions, etc. semblent être le quotidien d’un grand nombre d’entre d’eux.
« Beaucoup de Subsahariens et de Maghrébins dont des Marocains ont été arrêtés ces derniers jours par les gardes-côtes libyens et mis en détention dans les prisons de Tripoli, Zaouïa, Zouara et Misrata. Selon certains témoignages, on estime à 300 le nombre de migrants détenus », nous a déclaré Hassan Ammari, activiste au réseau Alarmphone. Et de poursuivre : « Pas plus tard que le 20 décembre dernier, les gardes-côtes libyens ont arrêté 13 migrants irréguliers subsahariens et 17 Maghrébins dont une femme marocaine enceinte et son mari après avoir perdu le cap en mer durant 11 heures.  Ce groupe a été repéré et intercepté par la suite avant d’être jeté en prison dans des conditions atroces. Selon nos sources, la femme enceinte a fait une fausse couche et elle est encore détenue avec son mari alors que les 15 Marocains restants ont été refoulés vers le Royaume ».  
Evoquant les conditions d’incarcération de ces détenus, notre source nous a indiqué que les migrants irréguliers détenus sont enfermés dans des conditions inhumaines. « Les témoignages recueillis sur place par les sources d’Alarmphone et de Médecins sans frontières rapportent que ces migrants ont droit à un morceau de pain, une bouteille d’eau et une boîte de sardine par jour et qu’ils font l’objet de tortures psychologiques, de violence physique et de traitements inhumains.
Un constat que partage un rapport publié le 20 décembre dernier, par la mission politique des Nations unies en Libye (MANUL) et le Bureau des droits de l'Homme des Nations unies (HCDH) qui a révélé que depuis le début de 2017, les quelque 29.000 migrants renvoyés en Libye par les gardes-côtes ont été placés dans des centres de détention où des milliers de personnes restent indéfiniment et arbitrairement incarcérées et privées de leurs droits dont l’accès à des avocats ou à des services consulaires.
Ces centres de détention se caractérisent par un surpeuplement important, un manque de ventilation, d'éclairage, de latrines et des autres commodités nécessaires. Outre les exactions et les actes de violence perpétrés contre les personnes détenues, beaucoup d'entre elles souffrent de malnutrition, d'infections cutanées, de diarrhée aiguë, de problèmes respiratoires, etc et reçoivent des traitements médicaux inadéquats. Les enfants sont détenus avec les adultes dans les mêmes conditions sordides.
Le document a noté également la propagation de la traite humaine encouragée par des groupes armés ou des gangs criminels qui détiennent des migrants dans des centres non officiels et illégaux et qui les mettent en vente à d’autres groupes. «De nombreux migrants et réfugiés ont perdu la vie en captivité, assassinés par des passeurs après avoir été battus, torturés à mort ou tout simplement laissés mourir de faim ou de négligence médicale», indique le rapport. Et d’ajouter : « Dans toute la Libye, des corps non identifiés de migrants et de réfugiés portant des blessures par balles, des marques de torture et des brûlures sont fréquemment découverts dans des poubelles, des lits de rivière asséchés, des fermes et dans le désert.»
Les rédacteurs du rapport estiment que l’absence d’un Etat central et le climat d'anarchie en Libye ont offert « un terrain fertile pour les activités illicites, laissant les migrants et les réfugiés «à la merci d'innombrables prédateurs qui les considèrent comme des marchandises à exploiter et à extorquer», tout en précisant que «l'écrasante majorité des femmes et des adolescentes » ont déclaré avoir été «violées par des passeurs ou des trafiquants ».
Le rapport va plus loin en mettant à l’index une «complicité de certains acteurs étatiques, notamment de responsables locaux, de membres des groupes armés officiellement intégrés au sein des institutions de l'Etat et de représentants des ministères de l'Intérieur et de la Défense, dans le trafic illicite ou le trafic de migrants et de réfugiés».
Pourtant, et malgré cette situation tragique, Hassan Ammari nous a affirmé que la ruée des migrants vers la Libye se poursuit de plus belle. « Ces derniers jours, les côtes libyennes connaissent un intense mouvement de départs des barques de fortune transportant des candidats à la migration irrégulière. En fait, ces candidats, à l’instar des passeurs, s’activent pendant cette période de l’année pour profiter de la réduction de la fréquence des contrôles à cause des vacances du Nouvel An », nous a-t-il déclaré. Et de préciser : « Nous avons également constaté une hausse constante du  nombre de Magrébins qui tentent de passer vers l’Europe. Mais la nouveauté demeure la hausse du nombre de familles qui tentent l’aventure migratoire. On a affaire à des familles avec enfants et même grands-parents.    Une grande partie de ces candidats provient de Casablanca, Béni Mellal ou de Kasbat Tadla et leur âge oscille entre 6 mois et 65 ans».    
Notre source a souligné également qu’une partie des Marocains détenus sont renvoyés vers le Royaume en coordination avec les autorités marocaines et que ces expulsions sont récurrentes. « On compte entre 4 et 7 personnes refoulées via les vols de la compagnie aérienne libyenne. Tout se passe en silence puisque le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale nie l’existence de pareilles expulsions », a-t-il conclu.


Lu 1536 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Dossiers du weekend | Actualité | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Chronique | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP | Economie_Zoom | Economie_Automobile | TVLibe









L M M J V S D
  1 2 3 4 5 6
7 8 9 10 11 12 13
14 15 16 17 18 19 20
21 22 23 24 25 26 27
28 29 30 31      





Flux RSS
p