A Singapour, les cimetières laissent la place aux immeubles et aux routes


Par Bernice HAN (AFP)
Vendredi 9 Septembre 2011

Le cimetière Bukit Brown, un des plus vieux de Singapour, va fermer ses portes: les corps seront exhumés et les tombes rasées pour laisser la place à des tours d'habitation. Mais cette décision, dans un pays très densément peuplé, mobilise les défenseurs du patrimoine.
"Bukit Brown contient sans doute les plus vieilles tombes chinoises de Singapour", déclare Irving Johnson, professeur à l'Université nationale de Singapour. "Un cimetière n'est pas seulement un endroit où on enterre les gens. Il parle aussi de l'histoire et de la signification du passé, qui tend beaucoup à être négligé".
L'endroit, situé sur une colline boisée de la cité-Etat, couvre une superficie de 86 hectares, dans un des quartiers les plus prisés de Singapour, un pays peu étendu et qui affiche une densité de population parmi les plus élevées au monde, avec 7.126 habitants au kilomètre carré.
Les demandes en logements, pour ses 5,08 millions d'habitants, sont toujours croissantes.
L'Autorité du redéveloppement urbain a prévenu qu'en raison du manque de terrain, priorité était donnée aux besoins les plus pressants, dont le logement et les infrastructures.
"Des compromis doivent être trouvés entre ce que nous pouvons garder et ce que nous devons aménager", indique un porte-parole de cette autorité.
"La transformation des cimetières dans des endroits appropriés à la construction de logements nous permet de recycler les terrains et de répondre aux nouveaux besoins".
Le calendrier pour la transformation du site n'a pas encore été décidé.
Selon les données du gouvernement, Bukit Brown, utilisé depuis le début du 20e siècle, est un des 60 cimetières encore existants à Singapour. Mais aucun, sauf un, n'accepte de nouvelles inhumations.
Et le seul à les accepter, le cimetière Choa Chu Kang dans la banlieue nord de la ville, limite à quinze ans les concessions. Après ce laps de temps, les tombes sont exhumées, les ossements incinérés et placés dans des columbariums.
Pour ceux dont la religion interdit l'incinération, ils sont enterrés à nouveau, mais dans des petites parcelles.
En 1952, Singapour comptait encore 229 cimetières, mais la plupart ont été fermés et les terrains ratissés pour accueillir des immeubles d'habitation ou de bureaux et des routes.
Un des centres commerciaux les plus chics de la cité-Etat, le Ngee Ann City, s'élève sur un ancien cimetière.
Les défenseurs du patrimoine estiment que Bukit Brown doit être épargné, pour préserver le peu qui reste du passé, à l'intention des jeunes générations.
"Vous pouvez imaginer ce que représente l'histoire de Singapour pour les enfants. C'est très limité", regrette le professeur de l'université. "Pour moi, Bukit Brown est un volet de l'héritage de Singapour, qui devrait se voir accorder une seconde chance".
"En quelque quarante ans, nous avons vu la destruction de plus de 200 cimetières", souligne Kevin Tan, président d'une association qui se bat pour la préservation de l'héritage historique de ce pays.
"Etant donné le peu d'espace, beaucoup (de fermetures) étaient inévitables, mais on pourrait essayer d'en préserver quelques-uns", selon lui. "Bukit Brown semble être le candidat idéal, en raison de ses éléments culturels et historiques, et sa faune et sa flore".
Parmi les 80.000 sépultures figure celle de Ong Sam Leong, un riche marchand enterré en 1918, que sa femme a rejoint en 1935.
Les statues en taille réelle de deux gardes indiens Sikh, armés de fusils, veillent devant la tombe, répliques des gardes Sikhs que les riches Singapouriens avaient l'habitude d'employer.
Des mosaïques aux couleurs délavés par le temps recouvrent le devant de la sépulture dont les murs sont ornés de reliefs de dieux chinois et de poèmes anciens. Des ornements qui valent à cette tombe l'appellation de "8ème merveille de Singapour".


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