​Guerre des chefs chez Podemos


Lundi 16 Janvier 2017

Le parti espagnol Podemos, qui faisait figure de nouvel espoir de la gauche radicale européenne, vit une guerre de chefs qui peut conduire à son autodestruction, après une fulgurante ascension.
Le camp vainqueur sera désigné en février, lors du deuxième congrès de Podemos. "S'ils ne le font pas bien, ce projet va exploser", assure le politologue de l'université de Barcelone Gabriel Colomé.
"Si nous continuons à laver notre linge sale dans la presse et les réseaux sociaux, nous détruirons Podemos", a lui-même estimé le secrétaire général du parti, Pablo Iglesias.
"#ÍñigoAsíNo", "Pas comme ça Íñigo". Le hashtag a été lancé par des proches de Pablo Iglesias, le 24 décembre. Il visait son numéro deux Inigo Errejon et s'est répandu comme une traînée de poudre à Noël.
Il ouvrait un nouveau chapitre du conflit opposant depuis l'été Iglesias, un charismatique professeur de sciences politiques à queue de cheval de 38 ans, au "secrétaire politique" Errejon, brillant politologue au visage poupon âgé de 33 ans. Le duo, qui avait hissé Podemos au rang de troisième force politique en Espagne et fait trembler la "caste" qu'il dénonce, s'est déchiré, sans doute aussi en raison d'un premier échec. 
Lors des élections législatives de juin 2016 Podemos, fondé en janvier 2014, espérait en effet remplacer le Parti socialiste comme principale force d'opposition aux conservateurs.
Mais, en dépit de son alliance avec l'écolo-communiste Izquierda Unida, la coalition Unidos Podemos n'a pas remporté son pari, perdant même un million de voix par rapport aux législatives précédentes, en décembre 2015.
Depuis, Podemos, issu du mouvement des "indignés" contre l'austérité et la corruption, est en proie aux doutes et aux querelles.
La guerre s'est intensifiée à l'approche du congrès du parti les 11 et 12 février à Madrid, destiné à réorganiser le mouvement, à élire ses cadres et définir son orientation.
Iglesias, disciple du penseur communiste italien Antonio Gramsci, a présenté ses propositions vendredi: il veut une organisation "hiérarchique et verticale". Presque simultanément, Errejon a exposé son programme: un Podemos "horizontal et flexible", plus décentralisé, avec moins de pouvoir entre les mains du chef, résume Gabriel Colomé.
Ils s'opposent aussi sur la stratégie de conquête du pouvoir. Iglesias veut "maintenir la tension", en menant l'agitation dans la rue.
Partisan comme Iglesias d'un certain "populisme" de gauche, Errejon souhaite cependant s'impliquer davantage dans le travail parlementaire et séduire au-delà de l'électorat traditionnel de la gauche radicale, ne plus "faire peur".
"Errejon est plus ouvert à l'idée de coopérer avec le Parti socialiste", estime le politologue Pablo Simon.
Le secteur proche de Pablo Iglesias est plutôt de "classe ouvrière ou travailleuse", l'autre, incarne une "bourgeoise de gauche", a aussi affirmé à la télévision l'universitaire Jorge Vestrynge, partisan d'Iglesias.
A ces deux courants aux soutiens presque équivalents en interne s'ajoute une troisième tendance.
Les "anti-capitalistes", près de 10% des membres du parti, prônent la mobilisation de la rue mais aussi un Podemos plus décentralisé, évitant la "professionnalisation" de ses dirigeants.
Du coup "c'est eux qui vont les départager", estime Pablo Simon.
Des débats de fond inévitables pour ce jeune parti créé par une poignée d'universitaires dans un théâtre du quartier populaire de Lavapiès, à Madrid. Les différences ont débouché sur une guerre jusque dans les "cercles" de Podemos dans les quartiers. Des "purges" ont été menées et des militants de base expulsés, en particulier des partisans d'Inigo Errejon.
Les militants se désolent, au risque de s'éloigner pour toujours.
"Il ne manquait plus que la boue", déclare avec amertume à l'AFP Tristan Duanel, rencontré une première fois lors d'un meeting fin 2015. "Sur les quatre qui étions là ensemble (au meeting), tous ont arrêté de militer", par déception, témoigne ce jeune chômeur de 30 ans.
"Des purges, il en faut car certains s'étaient égarés" en venant à Podemos, dit un autre militant d'une soixantaine d'années sous couvert de l'anonymat, en visant les anciens électeurs socialistes.


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