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génération de réalisateurs marocains. Il est persévérant, mais surtout sérieux et franc. Les différents films
d’Abdelilah El Jaouhari ont obtenu des prix au Maroc comme à l’étranger.
La qualité de ses films font que les férus du 7ème
art attendent impatiemment son premier long-métrage. Libé l’a rencontré pour vous présenter celui qui a fait l’honneur du cinéma
marocain au dernier Fespaco. Entretien.
Libé : Comment avez-vous accueilli votre consécration lors du Festival du cinéma africain à Ouagadougou?
Abdelilah El Jaouhari : Je suis vraiment et particulièrement fier de ce prix. Il vient à point nommé, couronner un long exercice cinématographique et un effort déployé depuis déjà des années. La place et la réputation du Fespaco parmi les festivals africains est sans conteste une distinction prisée par les cinéastes de tout le continent. D’ailleurs, il reste le plus important festival du monde fêtant le cinéma africain. Et enfin, il faut souligner également que ceci constitue une première pour le Maroc qui remporte pour la première fois le premier Prix du Fespaco. Mon film est ainsi un honneur pour le Maroc et pour toute l’Afrique.
Qu’est-ce qui distingue votre film «Eau et sang»?
D’abord « Eau et sang » est fait avec un grand amour et un grand soin, en plus d’un professionnalisme extrême, ce qui est manifestement clair au niveau technique et artistique. Normal, quand nous savons qu’à mes côtés, il y avait de grands techniciens marocains et au niveau de l’interprétation, les principaux rôles ont été campés par les meilleurs acteurs du pays, tels que feu Mohamed Bestaoui, Younes Mégri, Touria Alaoui, Naima Mcherqui… et d’autres qui ont apporté à ce travail force et qualité.
Quelle était votre approche dans le film?
Je voulais notamment apporter une nouvelle approche pour un phénomène social marocain par excellence. Il s’agit de la relation liant les Marocains à deux éléments majeurs dans la vie, à savoir l’eau et le sang. Le premier est symbole d’existence et de pérennité et le second est lié à la mort et la disparition.
Nous savons qu’avant de devenir réalisateur, vous êtes un critique de cinéma et un journaliste spécialisé dans le monde du cinéma…De par votre franchise reconnue, comment évaluez-vous la situation du cinéma marocain?
Rien ne peut évaluer le cinéma marocain aujourd’hui mieux que ses statistiques. Le Maroc produit plus de vingt longs-métrages par an et plus de 80 courts-métrages et des dizaines de films documentaires, en plus de plusieurs manifestations, de festivals cinématographiques. Je dirais sincèrement que le cinéma marocain va bien. Il n’en reste pas moins qu’il faut émettre quelques observations sur certains niveaux artistiques et créatifs. Il est temps, en effet, de passer de la quantité à la qualité. Le 7ème art n’est pas simplement une production, mais également un acte créatif. Nous sommes appelés, en tant que créateurs, donc de produire de bons films. Et enfin, il faut rappeler la situation des salles de cinéma en réduction et en dégradation progressives. Sans oublier aussi la question du piratage qui s’avère être un fléau touchant au fond les droits d’auteur.
Vous n’êtes pas sans savoir que beaucoup de critiques soulèvent la question de l’intégrité dans le secteur du cinéma ?
Si j’ai bien compris votre question, je pense qu’elle a une relation avec une réalité marquée par la prévarication, la corruption, le népotisme, phénomènes qui ont touché aussi notre milieu artistique. Ceci paraît clairement dans les démarches requises pour bénéficier des subventions et le choix de certains films pour représenter le Maroc à l’étranger ou encore le choix des jurys. Malheureusement, ce secteur a vu également s’infiltrer certains intrus ayant pour seul but la rente financière. Nous espérons que les choses changeront avec l’avènement de cette nouvelle direction, comme nous espérons que les Chambres professionnelles retrouveront leur rôle confisqué des années durant.
On accuse certains réalisateurs de faux castings ou encore de castings non professionnels. Est-ce vrai ? Si oui, quelles en sont les causes, à votre avis?
Il existe certains phénomènes nuisant au cinéma marocain en général, chose que l’on peut constater partout. Pour le Maroc, il y a des gens qui ont intégré le secteur, à la faveur de fonds et de rouages financiers et relationnels. Ils recourent à des gens étrangers au secteur et à la réduction excessive des frais de production, en vue de réaliser des profits au détriment des professionnels.
Entre-temps, certains s’attaquent sans conviction ni connaissance à la réalisation, ce qui a été sanctionné par des films de mauvaise qualité artistique et technique. Il n’est pas logique de voir des réalisateurs comme Faouzi Bensaidi, Daoud Oulad Sayed, Kamal Kamal ou Ahmed Maânouni se contenter de faire un seul film en cinq ans, alors que d’autres sans aucune formation ni vision en font presque un par an!
Comment expliquez-vous que des films d’auteur au Maroc continuent d’essuyer des pertes matérielles sensibles, alors que les «non réalisateurs» affichent de grands succès publics?
Partout dans le monde, il y a des films de qualité et d’autres à caractère commercial, donc à but lucratif. Au Maroc, la question a pris des dimensions critiques et cruciales avec l’arrivée de certains films très modestes. Mais, il faut dire également que l’Etat et la société civile doivent entreprendre un suivi sérieux de ce phénomène artistique.
Notre enseignement n’accorde aucune importance à l’éducation artistique, et par conséquent, nos enfants et notre jeunesse manquent de goût artistique et ne cherchent désormais que des films accessibles qui n’exigent ni analyse filmique ni effort intellectuel.