Tundu Lissu : Après les balles et l'exil, l'opposant tanzanien risque la peine de mort


Libé
Vendredi 18 Avril 2025

Tundu Lissu : Après les balles et l'exil, l'opposant tanzanien risque la peine de mort
Criblé de balles, contraint à des années d'exil, détenu à de multiples reprises et désormais inculpé pour "trahison" : Tundu Lissu est une figure tutélaire de l'opposition tanzanienne, irréductible même face à des poursuites passibles de la peine capitale.
Après avoir été arrêté à six reprises cette même année, sa voiture avait été criblée de balles alors qu'il s'arrêtait devant sa maison dans la capitale tanzanienne Dodoma, le touchant à 16 reprises
Cet avocat de 57 ans avait fait en 2023 son retour après cinq ans d'exil en Belgique avec l'espoir d'"écrire un nouveau chapitre" démocratique en Tanzanie, après que la présidente Samia Suluhu Hassan avait affiché sa rupture avec la politique de son prédécesseur, l'autoritaire John Magufuli, décédé soudainement en 2021.

Mais ces engagements font deux ans plus tard figure de miroir aux alouettes, alors que l'opposant fait face à des accusations aux conséquences létales, à six mois d'élections présidentielles et législatives.

"L'affaire de trahison est un chemin vers la libération", a-t-il déclaré, inébranlable, à ses partisans jeudi, au lendemain de son arrestation après un meeting dans le sud du pays d'Afrique de l'Est, qui connaît ces derniers mois un accroissement de la répression politique.

Les forces de sécurité sont accusées par opposants et défenseurs des droits humains d'avoir multiplié les arrestations arbitraires et d'avoir même commandité des disparitions, voire des meurtres.

M. Lissu, élu à la tête du principal parti d'opposition Chadema en janvier, avait appelé au changement après un nouveau raz-de-marée en novembre dernier à des élections locales du Chama Cha Mapinduzi (Parti de la révolution - CCM), la formation au pouvoir depuis l'indépendance en 1961. Un scrutin "manipulé", selon l'opposition.

"Nous avons besoin de réformes du système électoral avant les prochaines élections (...) Un échec dans ce domaine signifie qu'il n'y aura pas d'élections", avait-il déclaré.
"Et lorsque nous disons qu'il n'y aura pas d'élections, nous ne parlons pas de boycott. Nous bloquerons les élections par la confrontation", avait-il averti.

Samedi, un responsable électoral a indiqué que le Chadema, de Chama cha Demokrasia na Maendeleo (Parti pour la démocratie et le progrès), serait exclu du scrutin, prévu en octobre, faute d'avoir signé le nouveau code de conduite électoral.

Critique virulent du CCM, Tundu Lissu porte dans sa chair son statut d'opposant.
L'homme, visage rond et court bouc, boite depuis une tentative d'assassinat, selon lui liée à son activisme politique, qui l'avait laissé pour mort en septembre 2017.

Après avoir été arrêté à six reprises cette même année, sa voiture avait été criblée de balles alors qu'il s'arrêtait devant sa maison dans la capitale tanzanienne Dodoma, le touchant à 16 reprises.

"Tous mes membres, mes jambes, ma taille, mes bras, mon estomac ont pour ainsi dire été mis en pièces par 16 balles, et donc me raccommoder et me remettre sur pied a pris du temps", avait-il expliqué à l'AFP trois ans plus tard.

Il était toutefois brièvement revenu en Tanzanie en juillet 2020 pour concourir à l'élection présidentielle face au chef de l'Etat sortant John Magufuli, au pouvoir depuis 2015 et qu'il qualifiait de "dictateur".
Mais il n'avait pu contrecarrer la réélection - avec un score officiel de 84% des voix - de celui qui était surnommé "le Bulldozer". Un résultat également contesté par l'opposition, qui avait organisé des manifestations.

Visé par des menaces de mort, Tundu Lissu s'était alors réfugié chez des diplomates étrangers, avant de quitter le pays.

M. Lissu, né en 1968 dans un petit village du centre du pays, raconte avoir grandi dans la ferme familiale et pris soin du bétail, tout en allant à l'école. C'est en écoutant les informations à la radio et en lisant qu'il dit avoir pris goût à la politique.
Après des études de droit à l'Université de Dar es Salaam, il se spécialise dans les droits humains et le droit de l'environnement.

Il travaille sur les questions environnementales entre 1999 et 2009 pour le groupe de réflexion américain World Resources Institute (WRI) et l'Equipe d'avocats d'action environnementale (LEAT), une ONG de juristes défendant les droits des communautés rurales pauvres.

Son militantisme le mènera à la politique.
Ce père de deux enfants, marié à une avocate, est élu en 2010 député de sa ville natale de Singida, avant d'être déchu en 2019 en raison de son absence du pays. Il gravit néanmoins les échelons au sein du parti Chadema.
Tundu Lissu "est la seule personne au monde à avoir survécu à 16 balles," assure sur X Peter Madeleka.
 
Et cet avocat tanzanien critique du gouvernement de s'interroger : "L'affaire de trahison parviendra-t-elle à lui coûter la vie ? Attendons que le tribunal fasse son travail."


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