Ce en conséquence de quoi, tout se présente, tout de même, comme des voix silencieuses. Or, le silence et la voix sont constitutifs de la poésie de Rimbaud. Il ne faut pas prendre le silence pour le contraire de la voix, tant s’en faut, le silence est une voix, musicale, du moins en partie. La voix est la voie vers la poésie, c’est-à-dire, vers l’Invisible.
Rimbaud, cherche-t-il l’Invisible, ou, autrement, tente-t-il de dire l’Indicible ? Il paraît qu’il ne cherche rien, mais il « trouve », comme dirait Nietzsche. Le poète trouve simplement l’expression de l’énigmatique, non à le révéler, mais à l’exprimer, et cela change tout. Sans doute s’agit-il de dire, non l’Indicible, mais cet énigmatique dans son état absurde, bizarre, étrange, sublime et lucide. Il y a dans la littérature rimbaldienne ceci d’aussi bien bizarre et magnifique que le non sens peut être la meilleure voie vers la lucidité. La poésie, à cet instant-là, ne contredit pas la raison, elle est la Raison Poétique.
De là, Rimbaud est parvenu à être raisonnable, non au sens logique ou philosophique, mais au sens vital du terme, c’est-à-dire l’homme finit par retrouver l’état initial de la raison raisonnable, celle du commencement, celle pure, vide, où le vide est comblé de néant, où la folie n’existe pas. Et si folie il y a chez Rimbaud, alors ce serait de la Raison Pure, celle qui ne se fonde pas sur les mêmes soubassements de la raison sociale, sociologique, philosophique, scientifique, etc.
Et à le lire, le constat est frappant, « L’éternité. C’est la mer allée avec le soleil » ! Qu’est-ce qu’on a à chercher dans ce vers ? Rien. Il n’y a rien à chercher et rien à expliquer ; ce vers provoque cette partie énigmatique en nous, et, peut-être, Rimbaud n’a qu’un seul désir, éveiller notre insatiable curiosité par rapport à l’insignifiant, mais qui sait !
Aussi la poésie de Rimbaud s’expliquerait-elle en essayant de suivre son mouvement, voire son cheminement. Pour aussi incompréhensible que cela puisse paraître, ce poète, à un âge très jeune, a l’intention de joindre l’étrange à l’étrange, pour que tout soit un Mystère et une Mystique. Et ce n’est pas un jeu de mot, les mots « Mystère » et « Mystique » sont chers au poète, Rimbaud, le premier. Il suffit de le lire quand il affirme entre autres : « J’ai embrassé l’aube d’été ».
Par Najib Allioui