"Conservatrice de gauche" : Le pari de Sahra Wagenknecht pour les élections allemandes


Libé
Lundi 13 Janvier 2025

"Conservatrice de gauche" : Le pari de Sahra Wagenknecht pour les élections allemandes
Va-t-elle dynamiter le système politique allemand ? C'est l'ambition de l'ancienne communiste Sahra Wagenknecht, cheffe d'une nouvelle formation étiquetée "conservatrice de gauche" dont la possible entrée au Parlement donne des sueurs froides aux autres partis.
Née en ex-RDA, d'un père iranien que Sahra Wagenknecht a peu connu et d'une mère allemande, cette femme élégante reconnaissable à son chignon, a souvent nagé à contre-courant, s'engageant au Parti communiste quelques mois avant la chute du Mur, en 1989
A six semaines des législatives du 23 février, cette élue chevronnée a déjà bouleversé les clivages avec sa ligne qui pioche à la fois dans ses racines anticapitalistes, pacifistes et prorusses, et des positions sur l'immigration proche de la droite dure.

Le programme du parti qui porte son nom, l'Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), devait être adopté dimanche lors d'un congrès à Bonn, un an après la naissance de cette formation.

Il mêle demandes d'augmentation des salaires, des retraites, des prestations sociales et promesses de stopper "l'immigration incontrôlée", de renforcer la sécurité, d'imposer un cessez-le-feu sans condition en Ukraine, de reprendre le commerce du gaz avec la Russie.
Le parti BSW a effectué un démarrage électoral fulgurant en décrochant la troisième place dans trois scrutins régionaux organisés à la fin de l'été dans l'est de l'Allemagne.

Avec des scores entre 12 et 16% des voix, Sahra Wagenknecht a touché les électeurs de l'ex-RDA communiste, où le sentiment de déclassement est plus fort qu'à l'ouest.

L'hebdomadaire die Zeit voit dans cette députée de 55 ans, "une populiste d'opposition restée fidèle à elle-même". Der Spiegel la représente poing levé, un bâton de dynamite à la main.

Née en ex-RDA, d'un père iranien qu'elle a peu connu et d'une mère allemande, cette femme élégante reconnaissable à son chignon, a souvent nagé à contre-courant, s'engageant au Parti communiste quelques mois avant la chute du Mur, en 1989.

"J'aurais mille fois préféré passer ma vie en RDA plutôt que dans l'Allemagne dans laquelle je dois vivre actuellement", déclarait-elle alors que le monde entier célébrait la réunification de l'Allemagne.
Fin 2023, elle a claqué la porte du parti d'extrême gauche Die Linke, dont elle était l'une des grandes figures, pour créer sa propre plateforme.

Dans un entretien à l'AFP en septembre, Mme Wagenknecht reconnaissait que "Vladimir Poutine a déclenché une guerre contraire au droit international", tout en jugeant que "l'ouest a sa part de responsabilité", faute d'avoir "pris au sérieux les préoccupations sécuritaires de la Russie".

Après ses bons scores aux élections régionales, le BSW s'est imposé comme arbitre dans les Parlements des Länder de Thuringe et du Brandebourg, seul partenaire possible des partis politiques qui ne voulaient pas composer avec l'extrême droite.

Dans le Brandebourg, il s'est allié avec le parti social-démocrate d'Olaf Scholz. En Thuringe, avec le SPD et les conservateurs de la CDU. L'accord ne s'y est pas fait sans mal, le BSW prônant entre autres un arrêt des livraisons d'armes à Kiev.
 
Sahra Wagenknecht s'est tellement impliquée dans les négociations que des tensions sont apparues avec sa cheffe de file de Thuringe.
Mais après ses bons débuts, la formation symbolisée par la couleur mauve semble à la peine dans les intentions de vote.

Les sondages qui lui prédisaient jusqu'à 10% des voix en septembre créditent désormais le BSW d'un score de 5%, le seuil pour entrer au Bundestag.
Le parti ne compte que 1.100 adhérents et quelque 25.000 sympathisants enregistrés. Dans de nombreuses régions, il ne dispose pas encore de structures.

Le chef de la CDU nationale Friedrich Merz, favori pour succéder à Olaf Scholz, rejette toute hypothèse d'alliance avec cette figure de "la vieille RDA".
Si le BSW a attiré des personnalités du monde des arts et du sport, ainsi que l'entrepreneur millionnaire Ralph Suikat, qui a déclaré vouloir "payer plus d'impôts", il reste fortement centré sur sa cheffe.

Son objectif est de rallier les "+autoritaires de gauche+, c'est-à-dire les électeurs se situant économiquement à gauche mais culturellement conservateurs", résume dans une note le chercheur en sciences politiques Jan Philipp Thomeczek, de l'Université de Potsdam.

Figure familière des talk-shows télévisés, Mme Wagenknecht y a longtemps véhiculé un discours critiquant le capitalisme, l'arrogance supposée des élites et un militarisme occidental jugé dangereux.

Pour Der Spiegel, cette posture d'oratrice "ne lui suffit plus, elle veut maintenant participer".


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