Wafae Gamrani, présidente de l’Alliance franco-marocaine d’Essaouira, dans une lettre à François Hollande

“Vivement un partenariat gagnant-gagnant pour un patrimoine culturel franco-marocain partagé”


Par Wafae Gamrani
Lundi 9 Décembre 2013

Wafae Gamrani, présidente de l’Alliance franco-marocaine d’Essaouira, dans une lettre à François Hollande
Voici le texte intégral de la lettre adressée
le 27 novembre 2013 au Président de la
République française
et président d’honneur de la Fondation
Alliance française.  
                      
«L’Alliance franco-marocaine d’Essaouira a été créée il y a dix ans maintenant. Depuis sa création, elle a connu des hauts et des bas, comme toutes les institutions d’ailleurs. Il y a un an et demi, un nouveau Conseil d’administration a été élu par voie démocratique me consacrant en tant que présidente. Une femme présidente de l’Alliance pour la première fois au Maroc. Une femme marocaine dans un Maroc qui a choisi la voie de la démocratie et de l’égalité.
Ces élections ont coïncidé avec un siècle de relations franco-marocaines qui ont, peut-être, connu des hauts et des bas, mais ont permis de toujours réussir ensemble, à surmonter les obstacles et d’avoir, selon votre discours au Parlement marocain lors de votre dernière visite au Maroc, un patrimoine partagé :
«Il faudra faire en sorte que le Maroc et la France unissent leurs talents, montrent une complémentarité avec la langue française comme patrimoine commun …. ».
Et nous sommes, aujourd’hui encore, avec une double culture franco-marocaine, chacune aussi riche que l’autre. Malheureusement, cette culture est restée emprisonnée par une certaine catégorie sociale. C’est pourquoi ma candidature et celle de certains membres du bureau étaient basées sur la volonté de faire sortir cette culture partagée en direction  des régions isolées, vers le Maroc profond où la culture française n’a pas encore pénétré et non la laisser enfermée entre des murs de béton qui bloquent  le contact. Il faut abattre les murs qui empêchent d’évoluer en encourageant les échanges entre étudiants de nos deux pays pour connaître le vrai Maroc et la vraie France.
Et ce, non seulement à travers les grandes villes mais aussi et surtout dans les régions culturellement déshéritées qui ont le droit et le besoin de connaître et de s’imprégner des cultures de chaque pays, pour une évolution harmonieuse. En fait, il faut démocratiser la culture franco-marocaine en offrant la possibilité aux deux peuples de mieux se connaître.
Nous avons pu pour la première fois de la vie de l’Alliance, déposer le dossier de l’AFME auprès des autorités marocaines et avoir un quitus qui nous permet de travailler légalement et bénéficier des opportunités offertes par l’Etat marocain en faveur des sociétés civiles reconnues.
 Nous avons rencontré des problèmes au niveau de la bonne gouvernance et de la non-application des statuts de l’AFME comme cela devrait être. Nous avons dû envoyer un courrier électronique, suivi d’un courrier par voie postale, pour porter à la connaissance de Monsieur le conseiller culturel de l’Ambassade de Rabat le comportement d’insubordination du directeur détaché, du ministère des Affaires étrangères afin d’essayer de trouver ensemble une solution au grave problème posé. Mais ce fut en vain :  aucune réponse ni par mail ni par voie postale, une ignorance totale de notre problème majeur que nous n’avons pas comprise, mis à part l’annonce informelle de la venue de Madame l’adjointe du conseiller culturel du SCAC, dont nous attendions la neutralité, l’écoute et des réponses impartiales, ce qui n’a pas été le cas, hélas ! Nous espérions un comportement empli de justice et de vérité de la part d’une telle responsable.
Ce directeur a fini par comprendre qu’une instruction judiciaire allait être déclenchée contre lui pour diverses malversations, il a donc préféré démissionner sans plus attendre. Après son départ en août dernier sans nous prévenir et sans faire aucune passation de documents ou d’archives, une ambiance calme a régné au sein de l’institution. Nous avons remarqué même la reprise de l’esprit de travail de groupe entre les responsables.
Nous avons pu ainsi commencer lentement mais sûrement à concrétiser notre projet proposé aux élections et les recommandations de l’assemblée générale.
Par hasard et lors de la passation des documents avec l’ancienne secrétaire de direction, j’ai trouvé un mail dans lequel la nouvelle directrice détachée annonçait son recrutement à l’AFME et souhaitait avoir quelques informations. Par courtoisie, je l’ai appelée au téléphone à Bombay où elle travaillait encore à cette époque lui proposant nos services pour l’accueillir à l’aéroport et lui faciliter son intégration à Essaouira et dans notre organisme.
Ce n’est qu’après l’arrivée de Madame la directrice que j’ai reçu un appel téléphonique de Monsieur le secrétaire général de la Fondation Alliance française à Paris, dans lequel il m’a annoncé sa satisfaction de ma vision de la gestion et de la défense des intérêts de l’Alliance et de la Fondation, dont il avait pris connaissance au travers de mes différentes correspondances. Il a ajouté également que la nouvelle directrice de l’Alliance franco-marocaine d’Essaouira n’était pas passée à la Fondation à Paris avant de venir au Maroc pour la prise de poste comme elle devait le faire !
Nous tenons à porter à votre attention que, jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucun document de la part du SCAC pour nous annoncer la venue et le recrutement de la nouvelle directrice de l’Alliance franco-marocaine d’Essaouira et nous l’avons, pourtant, accueillie chaleureusement au sein de notre institution !
Autre manquement d’importance, nous n’avons jamais reçu l’exemplaire de la convention d’objectifs et de moyens entre l’Ambassade de France au Maroc et l’Alliance française d’Essaouira, signée le 18 juillet 2013. Le seul exemplaire que nous avons en notre possession ne contient que notre signature et n’est pas revêtu, comme il se doit, de la signature et du cachet de l’Ambassade, ce qui au regard du droit le rend nul et non avenu, alors qu’il fait autorité entre les relations de nos deux organismes.
Récemment, j’ai reçu un mail de la part de Madame la directrice par lequel elle m’annonçait que Monsieur le conseiller culturel est à Essaouira pour le Festival des Andalousies et qu’il souhaitait faire ma connaissance.
Lors de sa visite à l’Alliance qui a coïncidé avec sa présence à Essaouira, nous avons eu un entretien qui a duré des heures et pendant lequel il m’a annoncé l’hypothèse de la transformation de l’Alliance en Institut français.     
J’ai été très étonnée de cette information qui perturbera le déroulement de l’institution. J’ai, néanmoins, assuré à Monsieur le conseiller culturel que j’annoncerai cette hypothèse de travail, comme il l’a nommée lui-même, durant cet entretien, aux membres du Conseil d’administration dès sa plus prochaine réunion. Lui mentionnant que pour débattre de cette hypothèse de transformation, nous souhaitions avoir les documents justificatifs nécessaires contenant, entre autres, l’approbation des différents acteurs administratifs tels que la Fondation Alliance qui est notre hiérarchie directe, le ministère des Affaires étrangères et européenne français et de tout autre intervenant dans cette affaire.
Le 16 novembre 2013, jour de la réunion du Conseil d’administration, a eu lieu une nouvelle rencontre avec le conseiller culturel et deux de ses adjoints. Malheureusement, nous avons été étonnés et choqués par l’initiative inattendue de Monsieur le conseiller culturel qui représente l’institution diplomatique française qu’il ait fait un appel direct par mail aux personnels de l’institution et d’autres personnes étrangères pour cette réunion d’information, destinée en un premier temps comme nous l’avions prévu au seul Conseil d’administration, sur la transformation de notre Alliance en institut. Cette action délibérée outrepassant ainsi la souveraineté du Conseil d’administration et la plus grande liberté de gestion, telles que prévues dans la loi marocaine sur les associations à but non lucratif, les accords signés entre l’ambassade et notre Alliance et enfin par nos statuts, agréés par la Fondation Alliance française. Réunion au cours de laquelle aucun des documents nécessaires que nous avions demandés n’a été apporté. Après une vive discussion durant laquelle nous lui avons prouvé qu’il avait dépassé ses attributions, que nous exigions toujours les documents que nous avions demandés, et que nous devions être traités institutionnellement en partenaires et non en sous-développés, le temps du colonialisme étant révolu depuis quelque temps déjà. Nous avons quand même pris en considération le déplacement de Monsieur le conseiller et de ses assistants de Rabat à Essaouira et nous avions permis l’ouverture de la séance.
Monsieur le conseiller culturel a mis l’accent, lors de son exposé, sur la valeur et l’importance de la transformation de l’Alliance en institut, ce qui, d’après lui, rentrerait dans la nouvelle politique culturelle du gouvernement français, et que ce serait une opportunité pour Essaouira et que nous devions en profiter.
Le Conseil d’administration a répondu que cette proposition ne rentre pas dans un partenariat France-Maroc, comme le veulent nos gouvernements respectifs. Mais une francisation totale d’un organisme de partage, de compréhension réciproque n’a pas lieu d’être, en ajoutant que le Maroc d’aujourd’hui n’est plus le Maroc d’hier, celui du 19ème siècle et la France d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la France d’hier, une France qui a choisi le changement.
«Aujourd’hui, nos deux pays veulent un partenariat gagnant-gagnant pour relever les défis et survivre aux crises sociales et économiques que connaît le monde ; notre avenir est basé sur notre patrimoine culturel partagé avec lequel on peut affranchir les marchés africains», tel que Monsieur le Président de la République française l’a affirmé lors de son déplacement au Maroc.
Nous avons assuré à monsieur le délégué culturel de porter devant l’Assemblée générale de notre institution cette hypothèse de transformation et c’est l’Assemblée générale qui décidera en dernier ressort. Mais nous voulons, avant tout, que l’Alliance franco-marocaine d’Essaouira soit considérée comme une institution libre et souveraine, et nous maintenons notre exigence de recevoir les documents que nous avons demandés, sans lesquels nous ne pourrons, en aucun cas, justifier cette hypothèse de transformation, qui est plutôt d’ailleurs un diktat plus qu’une hypothèse de travail. Nous avons ajouté : soyez sûr et certain, Monsieur le conseiller, que la majorité des adhérents, le personnel et les différentes associations qui représentent la société civile et les différents partis politiques souhaitent  que l’institution reste une Alliance de droit local qui lui permettra  de poursuivre la réalisation de la coopération franco-marocaine et la diffusion de la culture française même dans le Maroc profond».
Nous avons retenu, Monsieur le Président de la République française et Président d’honneur de la Fondation Alliance française, votre discours lors du 130ème anniversaire de la Fondation des Alliances à Paris qui reflète clairement le rôle de l’Alliance française et traduit parfaitement notre point de vue :
«L’Alliance était toujours présente pour le combat de la liberté… ».
 «Les Alliances françaises restent le trait d’union et même dans les pays où il y a des guerres, des conflits, des désordres. Où se retrouver si ce n’est à l’Alliance française pour avoir un lieu de sérénité, de paix et de concorde?».
«Aujourd’hui dans ce qu’on appelle les pays du Printemps arabe, où vont les jeunes? Où vont les femmes qui veulent défendre leurs droits si ce n’est souvent au lieu des cultures? Notamment à l’Alliance française».
«L’Alliance française permet à notre langue d’être la seconde patrie de tous les hommes et de toutes les femmes libres »
Sans oublier aussi la déclaration de presse(TV5) de Monsieur le secrétaire général:
«L’Alliance française a un principe d’autonomie, chaque Alliance est locale et gérée par des nationaux locaux bénévoles».
 «Confier notre action linguistique et culturelle aux étrangers, c’est original puisque ce sont des Alliances libres et indépendantes. Ce sont les Conseils d’administration qui gèrent et qui arrivent à se financer eux-mêmes. C’est un réseau qui a beaucoup de vitalité».
Comme vous le savez, Monsieur le Président de la République et président d’honneur, la plupart des pays du Moyen-Orient de l’Afrique du Nord vivent leur printemps démocratique. En pleine crise sociale et économique, le Maroc a choisi, dans le calme et la paix sociale, la voie démocratique et participative avec une nouvelle Constitution sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et nous remercions la France pour son soutien. La démocratie pour nous, comme pour vous, n’est pas un vain mot mais une pratique qui demande efforts et patience. Notre partenariat franco-marocain au niveau des Alliances est un moyen qui reflète cette démocratie basée sur un travail participatif pour le bien des deux Etats.
C’est pourquoi, nous espérons que vous entendrez cet appel, afin que puissent perdurer encore longtemps nos Alliances franco-marocaines, l’amitié et l’entente franco-marocaines pour le plus grand bien de la culture de nos deux pays, et la diffusion de cette belle image de la France qu’est sa langue que nous partageons ».

Wafae Gamrani, présidente de l’Alliance franco-marocaine d’Essaouira, dans une lettre à François Hollande


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1.Posté par Spring le 10/12/2013 16:32
Est-il venu à l'esprit de cette Madame Gamrani, à l'ego visiblement sans limite et ivre de démocratie lorsque celle-ci sert en fait clairement son ambition et son intérêt propre, que son exposé, à la marge de la diffamation, se résume à un parfait contresens diplomatique ?....

2.Posté par Magid le 11/12/2013 17:56
IL ne sagit pas de servir des ambitions personnelles contrairement à ce qu'affirme le précédent commentaire mais plutôt d'une réafirmation de l'esprit de ce quoi doit être l'Alliance française: A savoir le principe d'autonomie de l'Alliance française géré par des locaux francophones, ( le mot alliance signifie bien coopération entre deux ou plusieures entités , ici la France et le Maroc, d'égale à égale et qui ont un objectif commun, la promotion de la langue française)Madame Gamrani a bien fait de s'opposer à ce qui sembe constituer une sorte de main mise étrangère voulant avoir le monopole sur cette organisation et excluant de fait les locaux francophones à toute forme de gestion et de droit de regard sur la mission dévolue à cet organisme.

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