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Désinformation
Des propos qui sonnent fort notamment dans une conjoncture morose pour les migrants en Europe, marquée par la montée en puissance d’un discours haineux et raciste, prôné par les partis de l’extrême droite. particulierment lors des dernières élections européennes qui ont connu le triomphe de forces politiques tenant un discours dur contre l'immigration.
La déclaration du ministre de l’Intérieur espagnol intervient également quelques mois après des campagnes de désinformation ciblant les 893.953 Marocains d'Espagne diffusées sur les réseaux sociaux. Selon une enquête menée par le site espagnol rtve.es, les derniers mois ont été marqués par la diffusion de contenus audiovisuels décontextualisés avec des messages laissant penser que les auteurs de crimes sont des personnes d'origine marocaine. Tel est le cas d'une vieille vidéo d'un attentat dans le métro de Barcelone diffusée sur les réseaux sociaux et prétendant que son auteur était «marocain». Tel est le cas aussi de messages qui prétendent faussement que l'auteur de la destruction d’une crèche dans une ville de la Rioja est une «Maghrébine» alors qu’il s’agit de fausses allégations.
Les Marocains d’Espagne sont également désignés dans les réseaux sociaux comme étant des « profiteurs » des allocations sociales et des privilégiés grâce aux nouvelles politiques d'inclusion promues par le gouvernement central, et ce au détriment des citoyens espagnols.
Les produits agricoles d’origine marocaine font aussi l’objet de désinformation en prétendant qu’ils présentent un risque pour la santé et qu’ils ne sont pas soumis à des contrôles sanitaires par rapport aux produits nationaux. On le constate dans de faux messages dont certains prétendent que l'Union européenne autorise le passage de l'huile d'olive du Maroc "pleine de pesticides et sans contrôle".
C'est également le cas de certaines publications propageant une fausse idée selon laquelle les haricots verts «du Maroc» seraient nocifs car présentant des taches visibles lorsqu'ils sont éclairés par une lumière ultraviolette. Alors qu’il s’agit de canulars, affirme le site rtve.es.
Les mineurs marocains non accompagnés font aussi l’objet de messages faux ou trompeurs qui tentent de les lier à une augmentation de la délinquance juvénile. « On voit des exemples de ce faux récit dans cette publication qui prétend qu'"un Marocain de 14 ans" a poignardé six personnes à Cerdanyola del Vallès ou dans ce texte qui affirme sans preuve à l'appui que "les hommes maghrébins sèment le chaos à La Casa de Campo (Madrid) (6 vols violents et 3 agressions sexuelles en moins de 72 heures), rapporte ledit site.
Cibles
Pour Ahmed Khalifa, président de l’Association marocaine pour l’intégration des migrants, établi à Malaga, ces attaques ont débuté il y a deux ans, notamment de la part du parti d’extrême droite Vox et ses organisations. « La question de la migration constitue une carte électorale importante dans ce jeu politique. Et cette carte a été largement jouée pendant les élections européennes et a permis à certaines personnes inconnues d’obtenir un siège au Parlement européen. C’est le cas d’une personne inconnue même des Espagnols, qui a fait sa campagne sur les réseaux sociaux contre les migrants et a obtenu 800.000 voix grâce à ses followers », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Ces attaques sont devenues aujourd’hui une réalité avec laquelle on tente de cohabiter. On essaie d’y répondre de temps à autre et parfois on fait la sourde oreille afin de ne pas amplifier les choses et donner plus de légitimité à ce discours».
Selon notre interlocuteur, les Marocains restent les premières cibles de l’extrême droite. « En fait, ces courants ne visent que les Marocains et n’ont pas de problème avec les migrants issus de l’Amérique latine qui partagent avec eux la même culture et la même langue. Pour l’extrême droite, les problèmes proviennent de la population musulmane issue de l’Afrique du Nord, notamment les Marocains », a-t-il observé.
Concernant la question de l’intégration des Marocains dans la société d’accueil, notre source estime que cette question dépend d’abord des périodes, des durées de résidence et des personnes concernées. « On ne peut pas comparer les personnes résidant en Espagne depuis 20 ans avec celles qui viennent de s’y installer malgré le fait que les Marocains représentent une communauté historiquement importante. Mais on peut dire d’une façon schématique qu’il y a de bons et de mauvais exemples d’intégration comme c’est le cas dans d’autres expériences migratoires».
Effets pervers
Toutefois, Ahmed Khalifa soutient que le processus d’intégration des Marocains est loin d’être abouti et demande encore plusieurs leviers pour parler d’une intégration totale.
«A préciser, pour autant, que l’expérience marocaine en Espagne ne ressemble pas à celle en France qui suscite des problèmes au niveau de l’appartenance et de l’identité », a-t-il nuancé. Et d’affirmer : « Notre grand problème au cours des dernières années et qui impacte la coexistence entre Marocains et Espagnols, reste celui de la montée du racisme notamment parmi la classe politique qui incite l’opinion publique espagnole contre les migrants. Dernièrement, plusieurs procès ont été intentés contre des personnalités ou partis politiques pour haine et racisme. Mais il est difficile de prouver le caractère raciste de ce genre de discours et de propos ».
Pour le président de l’Association marocaine pour l’intégration des migrants, les effets de ce discours haineux et raciste sont déjà là comme en attestent certains évènements. Tel est le cas des campagnes de contestation contre la construction de centres pour les mineurs non accompagnés ou celle de mosquées ou centres islamiques. « Il y a une opinion publique de plus en plus hostile aux migrants et cette opinion se manifeste de temps en temps notamment dans les moments de tension. Il y a aujourd’hui de plus en plus de manifestions dans les rues organisées par des jeunes contre la migration. Ce qui peut impacter négativement l’intégration des migrants et entraver le travail de l’Etat concernant l’appartenance à la société espagnole ».
Hassan Bentaleb