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Abdel Al Malik est un personnage si attachant. Le fondateur et ex-membre du groupe strasbourgeois N.A.P, sort "Gibraltar", son deuxième opus solo. Au delà d'un simple album, "Gibraltar" est une explication de rigueur sur le slam.
Après le passionnant "Le face à face des cœurs", Abd Al Malik affiche une nouvelle fois complet et sort ce fabuleux "Gibraltar". Ici, il y a lieu de préciser que son premier album était un opus de rap et non de slam. Et l'on se demande comment Abd Al Malik, artiste engagé et réfléchi, s'en sort donc avec ce nouveau projet, non dénué d'ambition et marqué par une prise de risque peu commune chez des artistes trop souvent confortablement installés dans leurs certitudes.
Autant le dire tout de suite. Ceux qui ne se sentent aucune affinité particulière avec ce genre atypique qu'est le slam pourraient ne pas se retrouver dans ce Gibraltar. Les autres auront le plaisir de découvrir une nouvelle facette de cet artiste. Une facette encore plus fortement introspective d'une sincérité troublante et presque naïve. Cette dernière mise sur la transparence de son discours pour toucher l'auditeur au plus profond de sa réflexion.
S'appuyant sur la simplicité des idées et sur la beauté et la candeur des images, l'artiste nous transporte dans un univers d'émotions, de questionnement, d'observation et de remise en question. Les sujets sont souvent graves malgré un traitement volontairement léger, et soulèvent des problématiques actuelles. A titre d'exemple, son morceau "12 septembre 2001" évoque le mal-être d'un musulman pris à la gorge par les atrocités dont on le tient malgré lui pour responsable. Alors que "Gibraltar" apporte un regard à différents degrés sur l'immigration. "Les autres", comme "La gravité" constatent et s'interrogent sur la condition sociale et la place de l'individu dans son environnement, tout en conservant une part salvatrice de recul, d'ironie parfois. Le premier extrait, "Soldat de plomb", trouve une envergure réjouissante au milieu de ce puzzle d'esprit.
Complexe mais accessible dans le fond, "Gibraltar" demeure également efficace dans la forme. Et ce, tout en usant des instruments et des percussions pour apporter de la couleur et de la grandeur à cet univers dépaysant. Pour être juste, il faut reconnaître que lorsqu'on connaît et qu'on apprécie "Abd Al Malik", le rappeur, l'envie de l'entendre poser un couplet resurgit parfois. Ses refrains énergiques rappellent son talent et sa force naturelle de MC. Peu importe, l'intérêt de ce disque réside dans ce qu'il apporte. Quel plaisir d'entendre un artiste hip hop s'exprimer avec autant de virtuosité, d'honnêteté et de souplesse. A cœur ouvert, comme à son habitude, il retrouve Wallen sa compagne au quotidien pour un "Adam et Eve" chargé d'émotions et de sentiments.
Les leçons de vie et d'humilité s'enchaînent sans engager un ton ni professoral ni contemplateur. Et puisque l'engagement social et intellectuel d'Abd Al Malik s'y prête bien, soulignons qu'à l'écoute de ce disque, les vrais humanistes et universalistes apparaissent. Et ceux-ci n'usent pas de dénonciation, pas de diffamation ni d'injure pour prôner l'égalité et la fraternité.
Ils ne provoquent pas gratuitement et ne blessent pas pour se guérir. Ils ne dépouillent pas les uns pour rhabiller et flatter les autres. Une bien belle leçon de ce que sont l'engagement et la vie d'un homme, en somme. Voilà ce qu'est “Gibraltar”. On peut ne pas être un fondu de slam, mais on ne peut pas nier la force des idées et l'impact des mots.