"Il y a de nombreux Rohingyas morts ou disparus, y compris des enfants. Il faut trouver une solution", a réagi dans un tweet mercredi matin Yanghee Lee, rapporteur spécial de l'ONU pour la Birmanie.
Si l'ONU avance 21 morts, dont neuf enfants, aucun bilan officiel n'a pour l'heure été annoncé. Un responsable des autorités locales a accepté de confirmer, sous couvert de l'anonymat, que les passagers du bateau, "submergé par une vague", étaient des "Bangladais".
Le mot "rohingya" est tabou en Birmanie, même pour le gouvernement du Nobel de la paix Aung San Su Kyi, au pouvoir depuis quelques semaines. Ni Aung San Suu Kyi ni aucun responsable birman ne prononcent jamais le terme internationalement admis de "Rohingya", les qualifiant de "Bangladais".
En effet, cette minorité de plus d'un million de personnes, certains installés en Birmanie depuis des générations, y sont considérés comme des immigrés illégaux du Bangladesh voisin.
Nombre d'entre eux vivent dans des camps en Etat Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie, dans des conditions dénoncées par la communauté internationale.
Ils n'ont accès ni à l'éducation, ni au système de santé, ni même au marché du travail. Leurs déplacements sont très limités, y compris vers les hôpitaux, et sont soumis à autorisation.
Ce dernier point est à l'origine du drame de mardi: la soixantaine de Rohingyas se rendaient, à bord de l'embarcation qui a fait naufrage, depuis leur camp de Sin Tet Maw à la grande ville voisine de Sittwe.
"Ils avaient été autorisés à se rendre pour la journée à Sittwe pour aller au marché", a expliqué à l'AFP Pierre Peron, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l'ONU, basé à Rangoun.
"Tout ça est arrivé à cause des moyens de transport peu sûrs" auxquels les Rohingyas sont réduits, s'est indigné Kyaw Hla Aung, militant de la cause rohingya, interrogé par l'AFP.
"Nous ne pouvons pas utiliser les moyens de transport routiers directs vers Sittwe pour acheter des choses comme des médicaments", a-t-il rappelé, soulignant l'aberration de ce système de navettes maritimes alors qu'une route relie le camp en question à Sittwe.
"Quand nous devons aller à Sittwe, nous devons prendre des risques" en y allant par la mer, confirme Tin Hla, un Rohingya interrogé par l'AFP. Son fils est sur la liste des disparus.
Début mars, l'ONU avait lancé un signal d'alarme concernant les Rohingyas, toujours contraints de vivre dans des "conditions terribles" avec notamment des enfants mourant faute d'accès aux soins.
Elle avait dit craindre que cette minorité musulmane soit la grande oubliée de la transition politique.
Aung San Su Kyi est critiquée à l'étranger pour le silence qu'elle observe au sujet des Rohingyas musulmans, dont plus de 100.000 s'entassent toujours dans des camps de déplacés depuis des violences inter-communautaires entre bouddhistes et musulmans qui ont fait plus de 200 victimes en 2012, notamment musulmans.