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« On assiste depuis quelque temps à un changement au niveau du traitement des dossiers de refoulement des migrants irréguliers. Le nombre des déplacements vers l’intérieur du pays (Casablanca, Tiznit, Béni Mellal, Errachidia…) est en régression par rapport à celui des expulsions vers les pays d’origine », nous a indiqué Omar Naji, vice-président de l’AMDH section-Nador. Et de poursuivre : « Cette situation est inédite dans la région. Auparavant, les déplacements à l’intérieur du Maroc étaient monnaie courante et constituaient la solution idoine pour se débarrasser des migrants arrêtés dans les forêts de Nador. Aujourd’hui, les autorités arrêtent ces migrants et les incarcèrent dans le centre d’estivage d’Arekmane transformé dernièrement en lieu de détention préalable à l’expulsion. Ces migrants sont souvent identifiés par les représentants de leurs ambassades qui leur délivrent des laissez-passer spéciaux».
On est loin, très loin du contexte de 2018 marqué par une vaste campagne d’arrestations et de refoulements vers l’intérieur du pays qui avait enregistré, selon un bilan non officiel, l’arrestation et l’éloignement de 3.400 à 3.500 migrants vers Marrakech, Tiznit et Béni Mellal.
Pour Omar Naji, ces retours forcés forcent une interrogation essentielle : qui finance ces expulsions ? « L'accélération du rythme de ces opérations prouve que d'importants financements sont mobilisés. Mais, un point d’interrogation plane sur les sources de ces financements. S’agit-il de financements en provenance de l’UE, de l’OIM ou d’autres parties ? L’OIM assure qu’elle ne finance que les retours volontaires ». En fait, les expulsions d'étrangers en situation administrative irrégulière coûtent cher. En France, elles ont coûté la bagatelle de 500 millions d'euros à l'Etat en 2018. En Belgique, ces mêmes dépenses sont passées de 9,275 millions d’euros en 2012 à 9,274 en 2013 avant de grimper de 35% depuis 2014, passant de 63 à près de 85 millions d'euros. Un rapport parlementaire français a indiqué que les expulsions forcées coûtent plus de six fois plus cher que les retours aidés. Le coût moyen d'un retour forcé est de 13.794 euros, contre 2.500 pour un retour aidé dans le pays d'origine, précise ledit document cité par le journal « Le Parisien».
Au Maroc, les chiffres sur le budget alloué à ces expulsions manquent ainsi que sur les sources de financement. Le seul chiffre disponible est celui de 800.000 dollars, mais qui ne concerne que le programme de retours volontaires et d'aide à la réintégration des migrants en situation irrégulière au Maroc (AVRR) mené par l'OIM et qui date de 2013. Un programme qui bénéficie des contributions de différents gouvernements européens (Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Italie, Norvège, Pays-Bas, Suisse) et de la Commission européenne. Ce qui a induit, depuis le début des activités de l'OIM fin 2005 et jusqu'en avril 2010, le retour volontaire de 2.994.
Nasser Bourita, alors ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, avait précisé devant la Chambre des conseillers lors de la présentation du bilan du gouvernement en matière de lutte contre la migration irrégulière en 2018 que le Royaume avait expulsé 36.000 migrants irréguliers depuis 2004.
Pourtant, ces expulsions ne soulèvent pas que des questions d’ordre financier. Elles posent également des questions juridiques. En effet, l’AMDH constate que ces retours sont menés sans respect aucun des lois et règles définissant et encadrant l’éloignement des migrants en situation irrégulière. Il y a d’abord la question de la pertinence de la décision d’expulsion elle-même puisque l’article 25 de la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières édicte que toute expulsion ne peut être prononcée par l’administration que si la présence d’un étranger sur le territoire marocain constitue une menace grave pour l’ordre public. Vient ensuite, la notification de la décision. Les migrants arrêtés sont souvent expulsés sans décision écrite et motivée de la part de l’administration. Plus grave encore, cette décision est exécutée avec diligence faisant fi du respect du délai de saisie du tribunal pour annulation.
Enfin, lesdites mesures sont appliquées à des personnes qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision d’expulsion comme le stipule l’article 26 de la loi 02-03. En effet, l’AMDH compte parmi les personnes expulsées des migrants en situation administrative régulière ou des demandeurs d’asile.
Mais, il n’y a pas que ces irrégularités qui ont entaché la procédure d’éloignement de ces migrants, il y a également violation de l’article 34 de la loi 02.03 qui précise que les sièges des locaux d’enfermement des migrants irréguliers et les modalités de leur fonctionnement et de leur organisation sont fixés par voie réglementaire. Une tâche qui n'a pas encore été effectuée jusqu’à aujourd’hui.