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La dimension apocalyptique est un aspect de l'islam peu connu du grand public, et même des spécialistes. Il s'agit pourtant d'un élément essentiel du réveil de l'islam contemporain, omniprésent dans le discours islamiste, tant dans les mouvements sunnites - du Hamas à Al-Qaida - que dans l'islam chiite, représenté aujourd'hui par Hassan Nasrallah et Mahmoud Ahmadinejad. Le livre de l'historien et arabisant Jean-Pierre Filiu, L'apocalypse dans l'islam, est le premier ouvrage en français sur le sujet. Il montre comment l'apocalyptisme, présent dans le texte même du Coran, dans les hadith et dans l'islam médiéval, réapparaît à l'époque contemporaine, à travers une littérature populaire diffusée dans tout le monde musulman, qui puise dans la tradition tout en y intégrant des apports extérieurs, européens notamment.
La première partie du livre, intitulée « Vrais et faux messies de l'islam », retrace les origines des thématiques apocalyptiques dans le Coran, ainsi que dans l'histoire et dans les textes musulmans. Au concept chrétien d'apocalypse correspond dans l'islam celui de la « fin des temps », âkher al-zamân. Dès la première sourate du Coran, Allah est désigné comme « maître du jour du Jugement », qui doit juger tous les hommes au moment de la Résurrection. Le texte coranique abonde en descriptions des différents cataclysmes annonciateurs de la fin des temps. Cette thématique est ensuite reprise par les hadith (citations attribuées au prophète), qui s'attachent à décrire les signes annonciateurs de « l'Heure ». L'auteur passe en revue les grands maîtres de l'apocalypse médiévale, dont les plus fameux sont Ibn Arabi et Ibn Khaldoun.
La deuxième - et la plus longue - partie du livre, étudie la littérature apocalyptique contemporaine, à partir de l'année 1979, qui marque l'entrée dans le XV e siècle de l'islam. Celui-ci s'ouvre par un triple choc : révolution chiite en Iran, soulèvement messianique à la Mecque et invasion soviétique en Afghanistan. Les trois décennies qui suivent voient un développement formidable de la littérature musulmane apocalyptique. L'auteur a constitué son propre fonds d'ouvrages de ce genre bien particulier, au cours de séjours aux quatre coins du monde musulman, d'Aman à Damas et de Riyad à Kuala Lumpur. Son livre est illustré par des couvertures de livres, publiés principalement au Caire, dont les dessins aux couleurs vives évoquent plus des romans de gare que des ouvrages religieux… J.-P. Filiu prévient d'emblée le lecteur qu'il ne faut pas réduire la volumineuse production littéraire apocalyptique à une sous-culture populaire sans intérêt conceptuel, mais qu'il ne faut pas non plus tomber dans l'excès inverse, en exagérant l'importance politique de ces imprécations messianiques.
Toute la question est en effet de savoir si cette littérature demeure un phénomène marginal, comparable aux livres sur Nostradamus en Occident, ou bien si elle parvient à se traduire dans la réalité politique des pays musulmans. La réponse de l'auteur est mitigée : à certains moments, les croyances apocalyptiques déclenchent des phénomènes de masse et des mouvements messianiques violents, comme le soulèvement de la Mecque en 1979, ou « l'armée du Mahdi » en Irak, qui sont presque toujours écrasés dans le sang. La plupart du temps cependant, il semble que les écrits apocalyptiques restent confinés aux croyances populaires, sans se traduire dans la réalité politique. Depuis quelques années pourtant, on assiste à une emprise grandissante des croyances apocalyptiques musulmanes, surtout dans le monde chiite : en Iran et au Liban principalement. En Iran - où la révolution khomeyniste a longtemps évité toute référence apocalyptique - l'arrivée au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad a changé la donne, celui-ci multipliant les déclarations publiques sur l'imminence du « retour de l'Iman caché ». Intervenant devant l'Assemblée générale des Nations Unies en 2005, Ahmadinejad affirma être nimbé d'un halo de lumière, qui signifiait selon lui le soutien du Mahdi à sa politique internationale… Au Liban, la victoire du Hezbollah chiite contre Israël, en 2006, est interprétée par certains auteurs comme un signe annonciateur de « l'Heure ».
Vendredi 23 janvier 2009 à 19h à la salle Gérard Philipe (L'IF de Rabat).