Depuis, l'avocat de 71 ans a plaisanté au sujet d'une missionnaire australienne victime de meurtre et qu'il aurait aimé violer. Il a promis de tuer des dizaines de milliers de criminels avant de s'octroyer dans le futur une grâce pour les meurtres de masse ainsi perpétrés.
Le maire de Davao, grande ville du sud du pays, s'est également vanté de ses relations adultères. Il a part ailleurs accusé sa fille "d'en faire des tonnes" lorsqu'elle a évoqué les abus sexuels dont elle avait été victime. Il a aussi menacé de fermer un Congrès qui ne serait pas aux ordres.
Avec de telles tactiques, Rodrigo Duterte est devenu contre toute attente le favori de la présidentielle de lundi et des analystes le comparent à Donald Trump, candidat républicain probable à la Maison Blanche, pour avoir bouleversé les codes de la politique conventionnelle.
Il est aisé pour les commentateurs de cibler sa vulgarité. Mais les analystes font valoir qu'il a su habilement se dépeindre sous les traits d'un candidat anti-establishment, capable de solutions express à des problèmes anciens comme la criminalité ou la pauvreté.
"Il est devenu le symbole de la frustration, peut-être même du désespoir, pour ceux qui avaient placé leurs espoirs et leur confiance dans l'élite de ce pays", dit à l'AFP le politologue Ramon Casiple.
Depuis la chute du dictateur Ferdinand Marcos en 1986, l'archipel est largement dirigé, au niveau local comme national, par des clans familiaux soutenus par de puissants hommes d'affaires, un système qui a contribué à enraciner les écarts considérables de richesse.
Le président sortant, Benigno Aquino, est lui-même membre de l'un de ses clans. Dans la dernière ligne droite de son mandat, il a été sévèrement critiqué pour avoir reconduit un modèle économique qui favorise les riches.
Depuis l'arrivée à la présidence en 2010 de Aquino, les Philippines ont connu en moyenne une croissance économique annuelle de 6%.
Mais le quart environ des 100 millions de Philippins vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté, soit la même proportion qu'il y a six ans.
Rodrigo Duterte s'en est pris pendant toute la campagne à l'élite et au pouvoir en place.
Selon lui, pour éradiquer la pauvreté, il faut éradiquer le crime. Pour cela, il promet de se passer d'une justice notoirement corrompue et inefficace, en donnant l'ordre aux forces de sécurité d'abattre les délinquants.
En six mois, les Philippines seront débarrassées du problème, assure-t-il. Une promesse qu'ont choisi de croire, semble-t-il, des millions de Philippins.
Du statut d'outsider il y a quelques mois, le maire de Davao est passé largement en tête des intentions de vote.
En attendant, ces écarts l'ont conduit à insulter le pape François, personnage révéré dans un pays où 80% des habitants sont des catholiques fervents. Il l'avait qualifié de "fils de pute" pour avoir provoqué des embouteillages lors d'une visite dans l'archipel.