Montée du populisme en Europe en attendant des échéances électorales cruciales aux Pays-Bas, en France, puis en Allemagne, choc du Brexit et coup de semonce de l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis: ce mini-sommet s'inscrit dans un contexte particulièrement lourd.
Si leur première rencontre à Athènes avait suscité l'agacement des tenants de l'orthodoxie budgétaire de la droite allemande, le Portugal, la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce, Chypre et Malte se défendent de vouloir fissurer l'Europe en créant un front des pays du Sud.
"Ce n'est pas un club à part, mais une contribution pour l'ensemble de l'Union européenne qui cherche à identifier les priorités pour relancer le projet européen face au Brexit", a fait valoir à l'AFP une source gouvernementale portugaise.
Objectif: "Concerter les positions" en vue des sommets de l'UE prévus le 3 février à Malte afin de réfléchir à l'avenir de l'UE sans le Royaume-Uni et le 25 mars dans la capitale italienne pour marquer les 60 ans du Traité fondateur de Rome.
Au menu de ce "sommet des pays méditerranéens de l'UE" figureront la sécurité et la défense, la crise migratoire et le contrôle des frontières ainsi que l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, jugée incomplète.
Face à la montée du "nationalisme, du protectionnisme, du populisme et de la xénophobie", l'UE "a besoin d'un nouveau cycle vertueux de croissance et de convergence", avait lancé mardi l'hôte de la réunion, le Premier ministre socialiste Antonio Costa.
Esquissant des pistes en vue du sommet de Lisbonne, il a évoqué la création d'un Fonds monétaire européen, une montée en puissance du plan Juncker de soutien à l'investissement et une "discrimination positive" en faveur des pays les plus durement frappés par la crise, comme le Portugal et la Grèce.
"Il faut que les règles européennes, fixées dans le cadre du pacte de stabilité, permettent de stimuler la croissance au lieu de la bloquer en freinant l'investissement public", a expliqué à l'AFP la secrétaire d'Etat portugaise à l'Europe, Margarida Marques. Pour Athènes, le sommet de Lisbonne "contribuera au dialogue européen", indépendamment des "idéologies ou orientations politiques des pays qui y participent", a indiqué un porte-parole du gouvernement d'Alexis Tsipras, seul représentant de la gauche radicale.
Aux antipodes, le chef du gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy, fera sa première apparition au sein du groupe après avoir décliné l'invitation d'Athènes, en attendant d'être investi.
"L'Espagne n'adhérera pas à une vision qui s'oppose à celle de Bruxelles. Généralement, le pays travaille main dans la main avec la France et l'Allemagne", a commenté Salvador Llaudes, spécialiste des Affaires européennes de l'Institut Royal Elcano à Madrid.
D'où des doutes sur la capacité des pays du Sud à parler d'une seule voix: "Les différences entre ces nations sont trop importantes pour leur permettre de constituer un contrepoids au sein de l'UE", estime-t-il.
Sur un plan politique, la plupart des protagonistes de ce sommet apparaissent fragilisés.
Le président français, le socialiste François Hollande, "est sur le départ, et son parti n'atteindra probablement pas le second tour de la présidentielle. Tout ce qu'il promettra sera oublié d'ici mi-2017", relève Adriano Bosoni, analyste au centre de réflexion géostratégique américain Stratfor.
Qui plus est, poursuit-il, "la France n'est pas prête à abandonner son alliance avec Berlin pour s'ériger en porte-parole d'une stratégie des pays du Sud".
Selon cet expert, "le nouveau gouvernement italien dirigé par Paolo Gentiloni est également bancal, il pourrait y avoir des élections d'ici la fin de l'année. Et le Premier ministre grec Alexis Tsipras lutte pour sa survie".