Un livre... une question : Nouvel ouvrage sur le Sahara marocain

Il ne fallait qu’une simple question sur le Sahara marocain de la part d’un ami pour que Mohamed Cherkaoui, directeur des recherches au CNRS, décide d’approfondir un thème qu’il n’avait jamais traité. Il est allé même plus loin, en menant toute une enquête. Le produit final est sorti il y a dix ans, la version française, elle, est parue en 2007. Un livre qui mérite d’être revisité, dans la mesure où il met l’accent sur les liens sociaux entre les populations sahraouies et le Maroc, à travers les actes de mariage.

Intitulé «Le Sahara : liens sociaux et enjeux stratégiques», l’ouvrage, édité en 2007, est le fruit d’une étude sociologique de terrain et de réflexion ayant porté sur pas moins de 30.000 actes adoulaires. L’analyse de l’évolution du mariage depuis le milieu des années 60 a amené le chercheur à mettre la lumière sur la nature des liens sociaux dans une région qui couve l’un des plus vieux conflits du monde. Le professeur Cherkaoui estime que «l’échange matrimonial reste l’un des indicateurs fiables sur les liens sociaux».

Alors qu’elle bute, depuis près de quarante ans déjà, sur plusieurs obstacles d’ordre politique et géostratégique, la question du Sahara marocain nécessite certainement une étude scientifique. Une manière d’éclaircir les différentes donnes d’un conflit d’une grande complexité. C’est ainsi qu’une simple question s’était transformée en un pari à relever par le professeur Mohamed Cherkaoui, directeur des recherches au CNRS, l’incitant à mener une enquête, sur un terrain qui n’était d’ailleurs pas le sien. De ce travail de longue haleine est né cet ouvrage de 200 pages, publié aux éditions Bradwell Press Oxford. 

D’emblée, le chercheur opte pour la clarté du message : «Ce n’est pas une réécriture des relations entre le Maroc et le Sahara, loin s’en faut», souligne-t-il, puisqu’il s’agit bel et bien d’une analyse scientifique basée sur des documents.

Un résultat parmi tant d’autres : «La quasi-totalité des mariages hétérochtones ont eu lieu entre les Sahraouis et les Marocains». Un résultat qui aurait été plus impressionnant si le chercheur disposait des actes de Sahraouis résidant dans d’autres régions du Maroc. Et le sociologue de déduire: «On peut toujours tenter d’ériger des murs et tracer des frontières artificielles, commente l’auteur de l’essai, mais on ne réussira pas à briser la volonté de vivre ensemble».

Loin des sentiers battus et des prises de position, ce sociologue et professeur à la Sorbonne a surtout choisi la piste scientifique, à commencer par la collecte de données empiriques, puis leur  classification, ensuite leur analyse et enfin l’aboutissement à des déductions possibles et raisonnables.

Si Mohamed Cherkaoui non spécialiste des affaires maghrébines s’était lancé dans cette nouvelle «aventure» sociologique, ce n’était point par chauvinisme, ni par une quelconque affiliation, mais surtout pour l’édification d’un Maghreb pluriel prôné par un autre sociologue : Abdelkebir Khatibi. D’ailleurs, il consacre le dernier paragraphe de son essai à une pensée aux Maghrébins : «Qui sont les témoins impuissants de dissensions factices et épuisantes?». Une question qui mérite, à elle seule, toute une recherche.