Un calvaire trentenaire : Grande marche des Marocains expulsés d’Algérie vers Oujda


M’Hamed Hamrouch
Vendredi 11 Juin 2010

C’est à Oujda qu’ils ont été chassés par les autorités algériennes en ce décembre 1975 de triste mémoire. Et c’est à Oujda qu’ils décident, 35 ans après ce cruel «coup de balai», de se retrouver. Objectif : réclamer justice auprès des autorités algériennes, lors d’un sit-in annoncé pour le 3 juillet 2010 devant le consulat d’Alger à Oujda. L’Association pour la défense des Marocains expulsés d’Algérie, à l’origine de cette initiative, manie bien des symboles pour faire entendre la voix des 45.000 familles marocaines qui avaient été conduites manu militari par Alger vers sa frontière ouest avec le Royaume. Le choix de l’espace, pas plus d’ailleurs que celui du timing de ce sit-in annoncé, n’est pas dû au hasard. Mohamed Harouachi, président de cette ONG, veut bien l’admettre. Côté timing, le sit-in se tiendra à la veille de la Fête d’indépendance de l’Algérie. «Nous voulons d’abord rappeler à nos frères algériens que les Marocains ont contribué à hauteur de 60 pour cent à la libération de l’Algérie», indique le premier responsable de l’ONG en charge des Marocains victimes d’expulsion. Côté espace, là encore, rien n’est fortuit. Pour s’en rendre compte, «il suffit de rappeler à nos frères algériens qu’Oujda a servi de base arrière pour le Front de libération nationale (FLN, actuellement au pouvoir)», certifie M. Harouachi. En bon historien, et comme pour rafraîchir la mémoire à nos «frères ennemis» algériens, M. Harouachi souligne que c’est Oujda qui a servi de base de repli à nos voisins de l’est, alors que les chars français mettaient à feu et à sang les rues d’Alger. Oujda avait alors ouvert ses bras et même adopté la résistance algérienne, sous la conduite de l’émir Abdelkader. Bien plus tard, en 1956, tandis que les blindés de l’occupant français semaient la peur et la mort parmi les Algériens, Oujda avait également accueilli des milliers et des milliers de victimes algériennes, dressant des tentes qui s’étendaient à perte de vue pour leur donner asile et nourriture. Ironie du sort, et comble d’ingratitude, c’est au même endroit que l’Algérie indépendante a décidé, en ce tristement célèbre décembre 1975, au lendemain de la glorieuse Marche Verte, d’expulser de ses terres plusieurs milliers de familles marocaines, au grand mépris de l’histoire de lutte commune pour la libération et l’indépendance et par insulte des liens de sang, de parenté et de fraternité que les victimes avaient tissés avec les familles algériennes. Et comme l’expulsion n’avait pas suffi, le pouvoir algérien actuel a cru bon d’en rajouter une couche comme pour mieux retourner le couteau dans la plaie. Le gouvernement Ouyahya a validé, dans son projet de loi de Finances de 2010, une disposition stipulant l’expropriation totale et sans autre voie de recours des victimes de leurs terres, maisons, commerces, bref tout ce que ces victimes avaient laissé derrière elles en Algérie en ce douloureux jour du Sacrifice du mouton, du mois de décembre 1975. «Du vol qualifié !», comme l’a si bien décrit un député de chez nous, lors de la séance de questions orales mercredi dernier à la Chambre des représentants. L’association en charge de ce dossier ne compte pas y aller de main morte. Elle revendique non seulement la restitution des biens à leurs ayants droit, puisque le préjudice va au-delà de sa simple expression sonnante et trébuchante, mais aussi et surtout des dédommagements psychiques dont seules «des excuses officielles» de la part des autorités algériennes pourraient atténuer l’impact. Reste à savoir si le pouvoir actuel à Alger finira par prêter une oreille sensible à cette demande et par reconnaître sa responsabilité dans un acte indigne de cette belle époque des droits de l’Homme, et en porte-à-faux avec toutes les dispositions du droit international. Une chose, cela étant, reste sûre : l’Association des victimes n’est pas restée les bras croisés. En portant l’affaire devant le Parlement marocain, après avoir déjà interpellé le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, lesquels ont exprimé leur disposition à travailler la main dans la main pour régler ce dossier, l’Association mène aujourd’hui campagne auprès des instances internationales de défense des droits humains, avec à leur tête celle des Nations unies. Le dernier acte en date a été une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dans laquelle elle attire son attention sur le drame plus que trentenaire que continuent de subir dans leur chair les 45.000 familles marocaines. Une véritable tache honteuse sur le front du pouvoir algérien.


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