Un Pakistanais brave la mort pour son poil


AFP
Lundi 19 Août 2013

Un Pakistanais brave la mort pour son poil
Kidnappé par des islamistes armés, menacé de mort, contraint de quitter sa famille. C'est le calvaire qu'a traversé un commerçant pakistanais pour une unique raison: son refus obstiné de couper sa noble moustache en forme d'arche.
Malik Afridi, s'il avait vécu dans un village d'irréductibles Gaulois, aurait sans doute fait pâlir de jalousie tous ses habitants, tant sa longue moustache finement tressée de 76 centimètres attire l'attention.
Elle ressemble à s'y méprendre à une paire de cornes dressées et solidement attachées sous son nez.
"Les gens m'ont toujours respecté" à cause de ma moustache, se targue se solide gaillard âgé d'une quarantaine d'années. "Ils aiment prendre des photos avec moi. C'est mon identité", dit-il.
Pendant des siècles, le port de la moustache était le gage de virilité par excellence dans le sous-continent indien. Mais aujourd'hui, avec la montée en puissance des talibans et du salafisme au Pakistan, la barbe longue s'impose. De fait, elle y est de plus en plus imposée.
Il y a encore quelques années, Malik Amir Mohammad Khan Afridi était encore une star locale dans le district tribal de Khyber, repaire d'insurgés aux portes de l'Afghanistan. Il devait ce rang au système pileux de son visage qui lui confère des airs princiers.
Mais les hommes du Lashkar-e-Islam, un groupe islamiste armé aujourd'hui allié aux talibans, ne l'ont pas entendu de cette oreille.
Ils ont exigé de lui le versement mensuel de 500 dollars, en échange d'une "protection" lui permettant d'arborer sa moustache en toute quiétude.
De mauvais poil, le commerçant, qui importe au Pakistan des vêtements et du matériel électronique de Chine, a refusé de céder au chantage.
Jusqu'à ce jour de 2009 où des insurgés ont frappé à sa porte. Ils venaient pour le kidnapper, raconte-t-il.
Après un mois de captivité, une assemblée tribale locale, la traditionnelle +jirga+, a négocié sa libération en échange de sa moustache.
Contraint de la raser, Malik Afridi, avoue avec regret avoir eu "peur qu'ils me tuent".
"C'est pourquoi j'ai sacrifié ma moustache", confie-t-il.
Deux mois plus tard, il a quitté les zones tribales pour Peshawar, métropole du nord-ouest pakistanais. Entre temps, sa moustache a repoussé.
Des hommes menaçaient de l'égorger dans des appels téléphoniques anonymes.
Malik a alors été contraint de s'éloigner de sa famille à Peshawar pour s'établir à Faisalabad, coeur de l'industrie textile dans le centre du Pakistan. A l'occasion du ramadan cette année, il a pu revenir voir les siens, avec dans ses bagages, son précieux kit d'entretien de sa moustache.
Un entretien qui ressemble à celui d'une mécanique de précision. Il commence par se frotter les moustaches avec une huile spéciale au parfum de noix de coco, puis les roule sur elles-mêmes, les entortille, et les sèche avec un séchoir à cheveux en leur donnant la forme d'une arche qui défie la gravité et enlumine son visage.
Sa femme et ses dix enfants ne semblent toutefois pas convaincus par ce look incongru qui donne pourtant sens singulier à sa vie sous le regard d'autrui.
"Parfois, ma famille me dit: +tu devrais couper ta moustache et rester avec nous+. Je peux vivre éloigné des miens, éloigné du Pakistan, mais je ne pourrai jamais couper à nouveau ma moustache", explique-t-il avec gravité.
Malik Afridi rêve désormais d'obtenir l'asile à l'étranger, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, ou aux Emirats Arabes Unis. Ou encore représenter le Pakistan dans des concours internationaux de belles moustaches.


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