Juste avant le coup de sifflet final de ce mercato, les affaires se sont soudainement emballées du côté de la Premier League. Et c’est le milliardaire russe Roman Abramovitch qui en a été le principal animateur en faisant exploser le record du transfert le plus cher de l’histoire du football anglais avec l’arrivée de Torres, en perdition du côté de Liverpool.
Cela faisait deux ans qu’Abramovitch n’avait pas sorti son chéquier pour un gros investissement mais la 4e place du champion d’Angleterre l’a sans doute incité à remettre la main à la poche. Pour faire bonne mesure, il a aussi recruté, pour 25 millions d’euros, le défenseur brésilien du Benfica Lisbonne David Luiz.
Le départ de Torres offre un peu de cash aux Reds, mal en point sportivement (7e), pour faire venir Carroll (plus de 37 millions d’euros) et Suarez (26,5 millions d’euros).
Mais ces transactions de dernière minute, seulement rendues possibles par la générosité du richissime propriétaire des Blues, cachent mal l’apathie qui a régné sur le marché depuis son ouverture, il y a un mois. Les coupables: des comptes encore non-assainis et une crise économique qui perdure.
Même le grand Real Madrid a dû faire attention à ses finances ! Si la volonté de José Mourinho de recruter un nouvel attaquant s’est heurtée à des difficultés politiques et à son conflit avec le directeur sportif Jorge Valdano, elle a été aussi freinée par un impératif économique. Résultat: Un attaquant -Adebayor- est bien arrivé, mais gratuitement (prêt).
«Tout le monde est un peu dans le rouge. Manchester City a fait un gros transfert (Dzeko pour 32 M EUR, ndlr), Malaga (racheté en mai par un cheik qatari, ndlr) a pris plusieurs joueurs pour éviter la relégation. Mais ce sont des clubs à mécènes, qui n’ont pas des sources de financement classiques», résume l’agent de joueurs Bruno Satin, interrogé par l’AFP.
Parmi les autres cadors européens, seul l’AC Milan s’est montré très actif, enregistrant les arrivées de Cassano, Van Bommel, Emmanuelson et Legrottaglie, et les départs de Ronaldinho et Onyewu.
L’Allemagne, où les clubs ont annoncé la semaine dernière un déficit cumulé de 77,8 millions d’euros pour la saison 2009/10, a été particulièrement sage, tout comme la France.
Des clubs raisonnables, déterminés à ne plus jeter l’argent par les fenêtres ? Les effets du projet de fair-play financier du président de l’UEFA Michel Platini -qui doit entrer en vigueur en 2013-2014- se font-ils déjà sentir ? «Le fair-play financier, je suis un peu circonspect», relativise Jean-Claude Dassier, le président de Marseille, interrogé par l’AFP.
«Finalement, je ne suis pas sûr que ce soit mauvais d’avoir des milliardaires, des émirs, qui investissent sans regarder. Si on ferme ces robinets, je ne suis pas sûr qu’on fasse progresser le foot. Si monsieur Abramovitch veut perdre un milliard, c’est son argent, je n’en fais pas une affaire.» L’explication est en fait plutôt à chercher du côté de la crise touchant l’économie réelle, en Espagne notamment.
«Il y a des transferts qui ont choqué en Espagne et ils ont été obligés de mettre le frein à main. La crise pousse à une certaine prudence», estime ainsi Frédéric Bolotny, économiste du sport, interrogé par l’AFP, qui juge que cela «peut être salutaire pour calmer le foot».
Au bout du compte, la situation incite à s’interroger sur la justification en temps de crise économique d’un marché hivernal manifestement passé de mode.
«L’instabilité n’est pas une bonne chose, que ce soit du point de vue financier ou sportif», juge ainsi Frédéric Bolotny. «Le joker médical se justifie mais pour le reste, si le mercato était supprimé, je ne m’en porterais pas plus mal», estime également Jean-Claude Dassier.