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Théocratie populiste L’alternance, une transition démocratique?


Libé
Samedi 16 Août 2014

Théocratie populiste L’alternance, une transition démocratique?
En plus, la corruption n’est pas le meilleur moyen d’attirer les capitaux étrangers. Bureaucratie et absence d’un État de droit réel entrent en synergie avec la corruption pour dissuader les investisseurs de venir. La corruption n’est pas généralisable ; tout le monde n’est pas en situation d’en bénéficier, et ses ressources sont limitées et disparates (tout le monde n’a pas les moyens de corrompre et la corruption varie de 10 DH à des millions de DH). Elle ne peut être non plus un mode de gouvernement : elle peut neutraliser la méchanceté des sans scrupules, temporairement, tout occupés à s’enrichir mais les corrompus sont fondamentalement des criminels dangereux pour tout Etat. D’ailleurs, la corruption ne peut même pas assurer leur fidélité au régime qui leur permet leurs forfaits.
C’est absurde de penser que les gens corrompus se contenteront de s’enrichir en effectuant des détournements ou en touchant des pots-de vin et qu’ils ne s’attaqueront pas aux droits d’autrui. La corruption induit la confusion des pouvoirs : le juge qui touche les pots-de-vin laisse la loi de côté et juge selon la sienne ; il assume un pouvoir législatif de fait, puis il exerce sa fonction de justice simultanément, la sienne bien entendu, non celle du droit. Ceux qui bénéficient de la corruption agissent activement pour défendre et maintenir la confusion des pouvoirs. Ils ont une pratique et une stratégie politiques.
Le principe du gouvernement selon le consentement est en contradiction absolue avec une corruption endémique. Ce pays est trop indulgent pour les fripons et dur pour les honnêtes gens; qui a une conscience est taxé de naïf. Le nombre de petits malins qui ont de petits pouvoirs et qui mènent la vie dure aux meilleurs parmi les Marocains est anormalement élevé.
La lutte contre la corruption n’est pas motivante non plus : bien mal acquis ne profite jamais, tel est le sens de ce qu’on entend fréquemment au sujet de la corruption. L’homme du peuple aime répéter que l’argent de la corruption apporte le malheur aux corrompus : des choses graves leur arriveraient à eux ou à leurs enfants. Ce qui est motivant, c’est la solidarité avec les Palestiniens, les Irakiens et dans une moindre mesure avec les Afghans ; c’est ça qui interpelle le peuple marocain.
En 1965, 1981, 1984 et 1990 (Fès), les émeutes étaient motivées par la cherté de la vie. La corruption n’était pas et n’est pas encore perçue comme un problème plus grave. Pour combattre la corruption, il faut rendre à la loi sa crédibilité et celle-ci dépend de la séparation des pouvoirs. Le corrupteur et le corrompu doivent-ils être sanctionnés de la même manière ? Il faut considérer cette question : qui peut faire le plus pression sur l’autre ? Qui l’emporte dans le rapport de force ? Si au niveau de l’infraction du Code de la route, l’usager est généralement plus vulnérable, lorsqu’il s’agit d’adjudications et de marchés publics, le fonctionnaire ne fait pas le poids devant des sociétés aux moyens financiers presque irrésistibles.
La loi doit tenir compte de ces réalités et sanctionner plus sévèrement le plus puissant des deux, le corrupteur ou le corrompu ; la sanction doit rétablir l’équilibre. La loi doit être infiniment plus sévère avec le corrompu que le corrupteur quand ce premier a le pouvoir d’Etat avec lui et que l’autre n’est qu’un simple usager ; le gendarme est en position de force et détient plusieurs moyens de pression, y compris de retarder le conducteur.
De même, si le corrupteur est une puissante entreprise, une banque, ou un groupe d’intérêts, la sanction doit être plus sévère contre lui que contre le fonctionnaire. Au Maroc, on dirait que le pouvoir de l’Etat et ses immenses ressources perdent leur efficacité lorsqu’il s’agit de corruption ; il s’en remet à la subjectivité de la personne en charge : on la laisse décider d’être vertueuse ou corrompue. Ce système fait trop confiance à la bonne volonté des responsables. Il est remarquable que ces pratiques qui occasionnent frustration, colère et ressentiment ne déteignent pas sur la monarchie elle-même qui demeure très populaire. On voudrait que les Marocains, sachant que la corruption est partout, se montrent vertueux, respectueux de la loi, et acceptent d’être punis ou mis à l’amende s’ils violent la loi.
Le Maroc a besoin d’une Constitution anti-corruption et pour cela, celle-ci doit être fondée sur une séparation des pouvoirs effective. La corruption est l’antithèse absolue de la démocratie ; et tous ceux qui ont étudié l’histoire du monde islamique ont observé le rapport étroit entre despotisme et corruption ; il va sans dire qu’une Constitution non démocratique est absolument impuissante face à la corruption. Il convient aussi de saluer les efforts des militants anti-corruption et en particulier de Sion Assidon, ancien détenu politique, incarcéré pendant quatorze années, et fondateur de la section marocaine de Transparency International.
Dans une déclaration au Journal Hebdomadaire, Azeddine Akesbi, président de Transparency-Maroc, observe que « sur la période 1998-2000, un nombre limité de fonctionnaires du département de la Justice et de l’administration, surtout de petit gabarit (près de 300 auxiliaires, 321 adouls, une centaine d’experts et de traducteurs, 129 juges…), auraient fait l’objet de poursuites judiciaires et/ou administratives.
Par ailleurs, les services de la gendarmerie ont surpris environ 10 000 tentatives de corruption. Dans la quasi-totalité de ces cas, la responsabilité est imputée à des citoyens, confirmant ainsi que la lutte contre la corruption est orientée de manière principale vers les petits et les victimes d’un système qui fonctionne sur et par la corruption.
 


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